UN SOUPIR VESPÉRAL
Du pain de cannelle sur la table
Et toute l’énergie du sens du jour qui décline,
Le tremblement affectionné du silence
Et les images de moi-même
Comme des promesses d’une vie pleine !
Concentration,
Contemplation,
Recueillement devant les choses essentielles,
Bourdonnement heureux de la solitude bleue !
Alcméon de Crotone
A-t-il connu ces instants d’exaltation précieuse,
La lumière de neige des astres vivants,
Le sang du soir ruisselant sur toutes les pages de sa vie,
La mélancolie parme
Et la désinvolture obscure ?
Savait-il que la poésie fait être le monde,
Avait-il éprouvé la stupeur déchirante de chaque mot,
La tendresse duveteuse des câlins,
L’obsession cardinale des mystères ?
Lui qui aimait, comme moi,
L’huile de laurier et son odeur
Puissante, fraîche et poivrée ?
Ô strophes de l’éther, ô Antéros,
Et vous proches et lointains
Promontoires illuminés du savoir !
Et toi, soupir vespéral,
Plénitude des intelligences !
Athanase
Vantchev de Thracy
Paris, le 28 mars 2013
Glose :
Parme
(couleur) : une nuance de violet claire.
Alcméon de Crotone (VIe siècle av. J.-C.) : philosophe, médecin, physiologiste et astronome grec. Il serait le premier à avoir écrit un ouvrage sur la nature. Certaines de ses idées se retrouvent dans le Timée de Platon. Alcméon aurait fondé la théorie des quatre Qualités élémentaires : chaud, froid, sec, humide. L'âme est, selon Alcméon, immortelle de par sa ressemblance avec les êtres divins. Cette ressemblance consiste en ce que l'âme ne cesse jamais de se mouvoir.
Alcméon, le premier en Occident, fonde un mysticisme astral : il divinise les astres en déclarant que les planètes et les étoiles, comme elles sont animées d'un mouvement perpétuel, doivent être vivantes, et que si elles sont vivantes, elles doivent être des dieux.
Alcméon
de Crotone ne s'est pas rendu compte qu'en attribuant un caractère de divinité
au Soleil, à la Lune,
à tous les autres astres et à l'esprit entre autres, il conférait l'immortalité
à des êtres mortels.
L’huile de laurier : l’huile de
baies de laurier est extraite des fruits du Laurier
noble, également nommé Laurier-sauce
ou Laurier d’Apollon. Originaire
d’Asie, cet arbuste au feuillage persistant, fait partie de la famille des Lauracées, s’est développé dans le
bassin méditerranéen. Il y occupe une place très importante depuis l'Antiquité.
Dans la mythologie grecque, Daphné,
une nymphe fille du dieu Pénéios, poursuivie par les ardeurs amoureuses d'Apollon,
demanda secours à son père qui la changea en laurier pour la protéger d'Apollon.
Celui-ci, ne pouvant conquérir Daphné, décida de toujours porter le laurier
pour orner sa chevelure et c'est ainsi que le laurier devint le symbole
d'Apollon. En Grèce et à Rome, le laurier était l'emblème de la victoire et une
couronne de laurier ornait le front des vainqueurs des jeux pythiques. Au
Moyen-Âge, les jeunes docteurs recevaient une couronne de rameaux de laurier
avec des baies : le mot baccalauréat
dérive d'ailleurs littéralement de « Baies de Laurier » (bacca laurea).
Antéros : dans la mythologie
grecque, Antéros (en grec ancien Ἀντέρως / Antérôs, de ἀντι-
/ anti- (« en retour ») et ἔρως / érôs
(« amour »), est fils d’Arès et d’Aphrodite et frère d’Éros. Il incarne l’« amour retourné » (signification de son nom), c'est-à-dire l'amour réciproque ; il punit également ceux qui se moquent de l'amour. Le terme d’« antéros » se retrouve dans le Phèdre de Platon lorsque Socrate prononce son second discours sur l'amour où, parlant du sentiment naissant qu'un jeune garçon (éromène) éprouve pour un éraste, il dit :
« Mais, tout comme celui qui de quelque autre a pris une ophtalmie est hors d'état de prétexter une cause à son mal, lui, il ne se doute pas qu'en celui qui l'aime, c'est lui-même qu'il voit, comme en un miroir : en sa présence, la cessation de ses souffrances se confond avec la cessation des souffrances de l'autre ; en son absence, le regret qu'il éprouve et celui qu'il inspire se confondent encore : en possession d'un contre-amour (antéros) qui est une image réfléchie d'amour. »
Antéros symbolise également la Charité chrétienne !
ENGLISH :
Evening Sigh
Cinnamon bread on the table
And all the energy of the day as it
wanes,
The devoted trembling of silence
And images of myself
Like promises of a full life!
Concentration,
Contemplation,
Reflection on essential things,
Happy murmur of blue solitude!
Did Alcmaeon of Croton,
Know moments of precious elation,
The snow white light of living
stars,
The blood of the evening streaming
over all the pages of his life,
Violet
melancholy
And dark ease?
Did he know that poetry brings the
world into being,
Had he felt the heartrending
astonishment of every word,
The downy tenderness of a hug,
The cardinal obsession of the
mysteries?
He who, like me, loved
The oil of the bay tree and its fragrance
Powerful, fresh and peppery?
O verses of ether, O Anteros,
And you near and distant
Illuminated headlands of knowledge!
O you, evening sigh,
Plenitude of perfect harmony!
Translated from the French of
Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges