dimanche 17 octobre 2010

LA LANGUE BULGARE

LA LANGUE BULGARE

A Ivan Vazov

« Laudator temporis acta »
« Faisant l'éloge du temps passé »

Horace

Comme ma langue bulgare me fait mal !
Je l’ai aimée, je l’aime tant,
Je t’aime toujours,
Elle,
Buisson de roses planté dans ma chair !

Comme mon cœur se met à battre
Quand j’entends ses sonorités viriles,
L’épaisse forêt bruissante de ses syllabes,
Les radieux ruisseaux de ses voyelles !

Je me soucie du pays qui m’a fait naître,
Je me soucie de son peuple,
Des sentiers et des fleurs, des villes, des villages,
Des monastères qui répandent leur lumière invisible
Sur le livre secret de chaque âme !

Comme j’aime l’immense ostensoir du soleil
Sur ses champs de blé,
Le rubis rose pâle de ses soirs,
La chrétienne confiance de la brise,
L’agréable compagnie qu’il me porte,
Humblement, amiablement,
Quand, parfois, absent à moi-même et désemparé,
Je reste longtemps à humer l’arôme des lilas !

Je me soucie des nuits de juillet
Qui changent en clair de lune les cheveux des jeunes filles,
En sources de joie qui coulent sous mes doigts
Comme de miel de menthe.

Devant la table mise, joyeux, affables,
Aimants, mes parents réunissent leurs amis,
Combien d’histoires de la vie
S’épanouissent dans leurs regards, leurs rires,
Leurs silences et leurs paroles !

Comme il est doux au cœur
Le discours des gens sensés !
Ah, qu’elle est magnanime leur clémence !

Ma langue bulgare,
Elle est l’aube et je suis le ponant,
Elle m’a appris de mourir
Sans éclats ni bruit,
Sans blessure apparente !

Elle est la lancinante clarté de mes jours,
La sereinement cristalline légèreté de mes pensées,
La douce et ravissante torture
De ma vie !


Athanase Vantchev de Thracy

Marrakech, ce dimanche 17 octobre, Anno Domini MMX

Glose :
Ivan Minchov Vazov (en bulgare Иван Минчов Вазов) – (1850-1921) : une des personnalités les plus éminentes de l'histoire bulgare. Essentiellement reconnu en tant qu'écrivain et poète, il a également pris une part active à la vie politique de la Bulgarie à la fin du XIXe siècle. Sa maison natale à Sopot a été transformée en musée. Sur la place voisine, une statue à son effigie trône sur un piédestal.

Le père d'Ivan Vazov était un commerçant moyennement riche. Le jeune Ivan Vazov commença ses études dans sa ville natale, puis à Kalofer (Калофер) et Plovdiv (Пловдив). En 1870, il fut envoyé en Roumanie afin de poursuivre des études commerciales à Olteniţa. Peu de temps après, il s'échappa pour rejoindre la ville de Brăila où il entra en contact avec des révolutionnaires bulgares émigrés, en lutte contre l'Empire ottoman qui occupait la Bulgarie depuis 1396. Il rencontra les révolutionnaires Ljuben Karavelov (Любен Каравелов) et Hristo Botev (Христо Ботев).

En 1875, Ivan Vazov regagna Sopot où il participa aux actions du comité révolutionnaire local. Après l'écrasement de l'insurrection d'avril 1876, il émigra de nouveau en Roumanie et s'installa à Bucarest où il devint membre de la Société centrale de bienfaisance bulgare.
À l'issue de la guerre russo-turque de libération de 1877-1878, Ivan Vazov rentra en Bulgarie au côté des troupes russes. Il y fut affecté en tant qu'employé auprès de la chancellerie du gouverneur de Svištov (Свищов) puis de Roussé (Русе).

En mars 1879, Ivan Vazov devint président du tribunal civil de première instance de Berkovica (Берковица).

En octobre 1880, il retourna à Plovdiv après avoir donné sa démission suite à une tentative visant à le muter à Vidin (Видин) sans son consentement. Il se livra alors à une intense activité dans les domaines culturel et politique. Il se noua d'amitié avec l'écrivain Konstantin Veličkov (Константин Величков) et participa avec lui à la rédaction du journal Narodnij glas (Народний глас, la voix du peuple), publié de 1879 à 1885. À travers ses articles, Ivan Vazov mena une guerre ouverte au prince Alexandre Ier de Battenberg, suite à la suspension de la constitution de la principauté de Bulgarie.

Au cours de la même année 1880, Ivan Vazov fut élu député de l'assemblée régionale dont il devint membre du comité permanent, avant de le présider de 1884 à 1885.
Russophile convaincu, Ivan Vazov décida de quitter le pays après le coup d'État de 1886 pour aller s'installer pendant deux ans à Odessa, après un passage par Istanbul. Au cours de l'été 1889, Ivan Vazov revint en Bulgarie et s'installa à Sofia. Globalement, durant le gouvernement de Stambolov (Стамболов), de 1887 à 1894, Ivan Vazov se consacra essentiellement à l'activité littéraire.

Après le renvoi de Stambolov en mai 1894, Ivan Vazov rejoignit le parti du peuple (Narodna partija, Народна партия), récemment fondé. Il fut élu député de la VIIIe assemblée législative nationale (VIII Обикновено народно събрание) en 1894 puis de la IXe en 1896.

En 1895, Ivan Vazov fit partie de la délégation bulgare envoyée en Russie afin de déposer une gerbe sur la tombe du défunt empereur Alexandre III de Russie. Ce voyage devait permettre de sonder les autorités russes sur une éventuelle normalisation des relations bilatérales suspendues en novembre 1886.

D'août 1897 à janvier 1899, Ivan Vazov fut ministre de l'éducation dans le gouvernement du docteur Konstantin Stoilov (Константин Стоилов). Après la chute de ce gouvernement, Ivan Vazov se retira de la vie politique pour ne se consacrer qu'à la littérature jusqu'à la fin de sa vie.

En tant qu'écrivain, Ivan Vazov a légué un immense héritage ayant eu de grandes répercussions sur le développement de la littérature bulgare. A ce titre, il a été surnommé "le patriarche des lettres bulgares". Son roman le plus connu et le plus traduit reste de loin Sous le joug (Под игото), librement inspiré de la vie du révolutionnaire Vasil Levski (Васил Левски). Ivan Vazov est également largement reconnu pour ses œuvres poétiques. D'une manière générale, son œuvre se construit autour des thèmes de la beauté de la nature et du patriotisme bulgare face à l'occupant turc.

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