CES JOURS SANS MESURE
À Charles de la Fosse
Je vous aimais, mon Prince, comme ceux qui savent aimer
Blessés par l’ombre dense du haut désespoir,
Avec des prévenances et des tristesses sans fard,
Cachées sous le voile des mots fonteniers.
Privé de tout destin, j’errais avec les fleuves
Dans des vallées ornées de myriades de fleurs,
Ô pleurs inassouvis mêlés aux bleues senteurs
Du temps et de l’argile, des rimes antiques et neuves.
Vêtu d’humilité, je vous aimais comme l’âme
D’un saint évangélique sait adorer le Christ,
Comme l’ange de la clarté recouvre d’améthystes
Les boucles de l’enfant couleur de jusquiame.
Amour irréversible, pur, immémorial
Et tendre comme les chants d’un chœur canonial !
Athanase
Vantchev de Thracy
Paris, le 2 avril 2013
Glose :
Charles de La Fosse
(1636-1716) : illustre peintre
français. Fils d’un joaillier qui lui vit du goût pour la
peinture, La Fosse
fut placé par lui à l’école de Le Brun, dont il devint l’un des disciples les
plus connus et dont le classicisme l’influença. Les progrès rapides du jeune La Fosse furent tels que Le
Brun, en grand observateur, découvrit bientôt, par la singularité de ses
premiers essais, ce qu’il deviendrait un jour et présagea dans quelle partie de
la peinture il devait paraître avec plus de succès. Il lui fit obtenir une
pension de Louis XIV pour aller en Italie en 1662, où il étudia surtout les
maîtres dont les ouvrages étaient le plus en rapport avec le germe de talent
qu’il avait reçu de la nature. Il passa deux ans à Rome et trois à Venise,
où il se passionna pour les œuvres du
Giorgion, du Titien, des Bassans, de Véronèse, du Tintoret. Il chercha à
découvrir les grands principes et les effets qu’ils ont su répandre dans leurs
ouvrages. À la vue de leurs œuvres, La
Fosse se fit une méthode de couleur et de clair-obscur qu’il
mit ensuite en pratique dans toutes ses productions.
Ayant appris la peinture à fresque,
il revint en France avec une technique presque inconnue jusqu’à lui et
il se tourna vers un langage baroque privilégiant les trouvailles chromatiques.
Chargé de plusieurs grands ouvrages pour les palais, il fit une rapide fortune
et marqua cette époque comme un des peintres les mieux doués de son pays. La Fosse, dont le genre de
talent semblait devoir appartenir à l’école vénitienne ou flamande, est celui
des artistes du
XVIIe siècle, qui, le
premier, ait deviné les secrets de l’effet et de la couleur. Peignant
indifféremment à l’huile et à fresque, il pourrait,
« sans
son défaut de proportion dans les figures, la dureté des draperies et
l’emphatique de ses compositions, compter comme un maître dans l’art ».
Ce peintre était né spécialement pour les grandes machines ; c’est dans
les dômes et dans les plafonds que brillent surtout ses talents et sa capacité
à percer les voûtes et y transporter le soleil dans tout son éclat. De La Fosse est de tous les
peintres de l’école française celui qui a le plus de ressemblance avec
Véronèse, dont il rappelle le goût dans ses grandes ordonnances.
Jusquiame – Hyoscyamus (n.f.) : les jusquiames sont des plantes appartenant au genre
Hyoscyamus et à la famille des Solanacées. On en connaît deux espèces en
Europe : la jusquiame blanche, qui pousse sur le pourtour du bassin
méditerranéen, et la jusquiame noire, beaucoup plus cosmopolite. Les deux plantes
sont toxiques, contenant divers alcaloïdes tels que l'atropine, l’hyoscyamine
et la scopolamine. Elles sont cependant moins dangereuses que le datura ou la
belladone qui contiennent les mêmes alcaloïdes, mais en plus grandes
proportions. La graine de jusquiame est connue pour apaiser la rage de dents,
elle s'appelle herbe de Sainte-Apolline.
Le terme de jusquiame est un emprunt au bas latin
jusquiamos, jusquiamus,
du latin
hyoscyamos, hyoscyamum et du grec ὑοσκύαμος / uoskuamos de même
sens, morphologiquement « fève de porc ». Il s'agit d'une allusion à
l'épisode de l'Odyssée durant lequel la magicienne Circée transforma en
pourceaux les compagnons d’Ulysse en leur faisant pour cela boire un philtre
contenant de la jusquiame. Mais Ulysse était immunisé grâce à un antidote
végétal dont Hermès lui avait fait présent. Certains interprètent cet épisode
comme une métaphore opposant la bestialité (le pourceau) à la raison.
Toutefois, les solanacées "vireuses", dont fait partie la jusquiame,
sont fréquemment évoquées dans les histoires de métamorphoses d'homme en
animal : lycanthropie par exemple. Elles peuvent en effet générer des
hallucinations particulièrement puissantes, y compris celle d'avoir pris la
forme d'un animal au point d'en adopter le comportement.
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