vendredi 22 août 2008

EN VERITE

EN VERITE…

A ma tante Péna

« Comment deux âmes peuvent-elles se quitter »

Hjalmar Gullberg

La Lune en robe d’apparat, blessée au cœur
Par la flèche ardente du Sagittaire,
Saigne dans les eaux du lac transparent !

Une brise aux yeux bleu saphir très légère
Passe et teint de rouge coquelicot ses pieds frêles !

Une voix sans sommeil chante au loin
Et fait frissonner les feuilles intrépides des trembles !

Heure après heure, l’été se glisse
Parmi les cierges allumés des peupliers
Vers sa propre fin !

En vérité, en vérité, âme,
Toutes les secondes d’une vie se valent !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, ce vendredi 22 août, Anno Domini MMVIII

Péna (diminutif affectif de Petra, féminin de Pierre) était la sœur aînée de ma mère. Enfants, mon frère et moi passions obligatoirement quelques jours de nos vacances d’été dans sa maison, située en plein centre du village de Thracy. C’était une femme d’une fascinante beauté et d’un cœur « immense comme la terre entière », disait ma mère.

La nuit, elle nous faisait asseoir autour d’elle (son fils Deltcho, sa fille Anna, mon frère Michel et moi-même, le plus jeune des quatre) sur la véranda et nous contait des dizaines d’histoires merveilleuses qu’elle avait apprises de ma grand-mère Marie, ou qu’elle avait inventées elle-même. Tante avait une voix douce et profonde, et tout ce qu’elle disait semblait beau. C’est toi, chère tante aimée, c’est toi qui nous disais que le beau Sagittaire avait décoché une flèche flamboyante et qu’il avait blessé la Lune repoussant ses avances amoureuses.

Tante, hier, en marchant dans les rues de Rueil-Malmaison, j’ai entendu ta voix sonner à mon oreille. Essoufflé d’émotion, je me suis arrêté pour écouter encore une fois l’histoire d’amour du Sagittaire et de la Lune. Après plus de 60 ans !... Ô ma tante bien-aimée, je te dédie ce poème ! Vis-tu à présent parmi les étoiles et les fleurs que tu chérissais tant ? Ton mari Marin, ta fille Anne et ton fils Deltcho sont-ils à présent auprès de toi ?

Glose :

Hjalmar Gullberg (1898-1961) : écrivain suédois. Il était également l’un des poètes les plus représentatifs de la Suède de la première moitié du XXe siècle. Hjelmar fit ses études supérieures à l’Université de Lund.

Hjelmar Gullberg possédait en Scandinavie un public très nombreux et très fervent. « Sa précoce maîtrise, écrit Lucien Maury, repose sur une discipline aristocratique et presque classique du lyrisme… Une justesse sans images lui assure une force saisissante. ». La Suède doit à ce grand humaniste de remarquables traductions des tragiques grecs.

Gullberg fut profondément influencé par la culture byzantine et plus spécialement par les hymnes à la gloire de la Vierge de Romain le Mélode (VIe siècle ap. J.-C.) qu’il avait connues grâce à la traduction danoise de Carsten Høeg, et par Denys l’Aréopagite (VIe siècle ap. J.-C.). Les relations de Hjalmar avec Byzance furent étroites et complexes. Pour étudier le monde fascinant de cet empire, il se rendit en Grèce et à Istanbul en 1932, puis en 1950. Hjalmar fut ébloui par la beauté des offices religieux orthodoxes.

Il traduisit en suédois trois immenses poètes grecs : Sikélianos (1884-1951), Séféris (1900-1971) et Cavafy (1863-1933).

Gullberg fut élu membre de l’Académie suédoise, où il succéda en 1940 à Selma Lagerlöf. Hjelmar Gullberg se suicida le 19 juillet 1961 à Yddingesjön, Skåne.

Aucun commentaire: