vendredi 26 février 2010

Deux fugaces permanences du coeur (en français et en anglais)

DEUX FUGACES PERMANENCES DU CŒUR


A Ibrahim Kounanbaiev Abaï

« Pourquoi cacher ces lois profondes ?
Rien n’est muré. »

Victor Hugo

I.

Chose, je dis ton nom
Et tu commences à vibrer,
Je te donne ma voix
Et aussitôt tu deviens musique.

Chose, je te caresse de mon regard
Et, tremblant de vie,
Tu sors de ton obscur anonymat !

Tu viens d’une autre brume
Et me parle en ton autre langage,
Chose !

Ô universelle écriture de la tendresse !
Ô amour de Dieu,
Unique, réelle avancée
Dans les hauts mystères du monde !

II.

Cette petite violette
Sur le sentier détrempé
Qui s’ouvre sous mes yeux,
Ignorant sa propre existence et la mienne,
Touchée par mon amour,
Sourit et se met à danser,
La joie, rênes longues,
Pour faire plaisir à l’air, à la terre,
Au soleil,
A mon âme !

Elle, si frêle, si gracieuse
Dans la main chaude de Dieu
Qui chérit sa joie
Plus que tout au monde !

Ô Archipel lilial des âmes sans tache !


A Paris, le 24 février 2010

Glose :

Ibrahim Kounanbaiev Abaï (1845-1904) : poète et aksakal (sage aux cheveux blancs) kazakh. Abaï naquit dans une famille riche et célèbre du Kazakhstan. Son arrière-grand-père Irgizbaï était juge et héros de la tribu Tobykty, venue du Turkestan. Son grand-père Ouskenbaï et son père Kounanbaï jouissaient également d’une grande influence dans le pays comme juge et sultan. Sa mère Ouljane provenait aussi d’une famille du district de Karkaraly et avait pour oncles des humoristes très populaires dans la steppe. Il apprit l’arabe, le persan et le turc, et devint un expert de l’Islam. Sa carrière poétique commença très tôt. La perte en mai 1904 d’un fils aimé, Magaouya, hâta la mort du poète qui s’éteignit quarante jous plus tard, retiré de la vie publique. Il est considéré comme le père de la littérature kazakhe.


ENGLISH :

In Impermanence The Heart Persists

To Ibrahim Kounanbaiev Abaï

‘ Why conceal the deepest laws of life?
They have no walls around them.’

Victor Hugo

1.

Mute matter, I speak your name
And you begin to vibrate,
I lend you my voice
And there and then you become music.

Mute matter, I caress you with my eyes
And, trembling with life,
You emerge from your dark anonymity!

The mist you appear from is an alien mist
And you speak to me in an alien tongue,
Matter!

This is how universal tenderness is written on the world!
O love of God,
Sole path through reality
Into the world’s greatest mysteries!

2.

This tiny violet
On the rain-soaked path
Which opens beneath my gaze,
Unconscious of its own existence and of mine,
Touched through and through by my love,
Smiles and begins to dance,
Such joy, like a child free on the longest reins,
So as to give pleasure to the air, to the earth,
To the sun,
To my soul!

That violet, so fragile, so graceful
Held in the warm hand of God
Who cherishes its joy
More than anything in the world!

O the stainless souls who dwell
On that lily white Archipelago!

Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges

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