lundi 26 mars 2012

SINGSTEIN (français / anglais)

SINGSTEIN

(La pierre qui chante)

I.

Oui, tu disais que Dieu
Est notre pur alphabet,
Nos lettres, la calligraphie de nos cœurs !

Que dès qu’il sourit,
Le rien devient plus que tout !
Que nos paroles sont notre vrai visage !

J’aimais t’écouter
Parler de la pierre chantante,
De l’odeur violette de la terre
Après la pluie,
Du gazouillement des tisserins.

Et la ceinture de tes mots,
La saveur de manzanilla de tes sourires
Liaient ma taille à ta taille.

Ah, comme nous aimions manger
Des mûres noires !

II.

Abrupt, vorace, féroce,
Indéchiffrable,
Orné de brassées odorantes
De fleurs des champs
S’avançait le soir
Provoquant le chaos pélagique de nos poitrines,
Changeant les arbres en cathédrales d’effroi !

À cette heure,
En deçà du silence,
Les papillons fatigués
Battaient de leurs ailes
Mes pensées
Avec une élégante délicatesse.

III.

Je t’écoutais, Âme,
Et dans mes veines chaudes
S’engouffraient les barques blanches des étoiles !

C’était le temps des cerises rouges,
La saison des camomilles blanches,
Le temps où, dans ma craintive naïveté
Je répétais :

Oh, Sœur,
Sœur,

No me hagas sufrir !


Glose :

Singstein (n.m.) : mot allemand qui signifie « pierre qui chante ». Une pierre très rare qui émet des sons et possède des qualités acoustiques extraordinaires.
Tisserein (m.n.) : petit oiseau de la famille des Ploceidae dans l’ordre des Passériformes qui tisse un grand nid de feuilles où peuvent s’abriter plusieurs femelles et leurs couvées. Ces oiseaux portent ce nom vernaculaire du fait de la forme de conception de leur nid : c'est une sorte de boule sphérique ou conoïdale faite de filaments arrachés à de grandes feuilles tressés entre eux, dont l'entrée se trouve sur le dessous. L'examen attentif des nids montre qu'ils savent utiliser plus d'une douzaine de nœuds différents.
Manzanilla (n.f.) : vin de voile très pâle, piquant, léger au palais, sec et peu acide. Sa teneur en alcool, variant auparavant entre 15.5 et 17%, a été fixée à 15 degrés. C'est de ce fait le plus léger des vins de Jeres de la Fontera dans le sud de l’Andalousie. Il est surtout bu comme vin d'apéritif.
Il y en a principalement deux variétés: la manzanilla fina (fine) et la manzanilla pasada (passée). C'est, avec le vino fino, le vin typique des ferias (fêtes) andalouses. Les vins de voile se caractérisent par le développement spontané après fermentation alcoolique de levures formant un voile à la surface du vin au contact de l'air ambiant (durant sa phase de vieillissement en tonneau).
Pélagique (adj.) : du grec πέλαγος / pelagos, « haute mer ». Relatif à la haute mer. Qui vit dans les parties les plus profondes de la mer (abyssal, hadal).

No me hagas sufrir : expression espagnole qui signifie « Ne me fais pas souffrir »


ENGLISH :

The Singing Stone
I.
Yes, you used to say that God
Is our pure alphabet,
Our letters, the calligraphy of our hearts!
That as soon as He smiles,
Nothing becomes more than everything!
That our words are our true face!

I loved to listen to you
Talk about the singing stone,
The violet odour of the earth
After rain,
The chirping of the weaver birds.

And your words like a belt,
The taste of your smiles like Manzanilla wine
Linked us waist to waist.

Ah, how we loved
To eat blackberries!

II.

Abrupt, voracious, fierce,
Indecipherable,
Adorned with fragrant armfuls
Of wild flowers
The evening was advancing
Provoking the deep sea chaos in our souls,
Changing the trees into cathedrals of terror!

At that time,
Below the silence,
Tired butterflies
Beat their wings
Against my thoughts
With an elegant delicacy.

III.

I listened to you, my Soul,
And in my hot veins
The white fishing boats of the stars were swallowed up!

It was the time of red cherries,
The season of white camomiles,
The time when, in my fearful naivety
I would say again and again:

O, Sister,
Sister,
No me hagas sufrir!*

Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges, March 2012-03-24

*Don’t make me suffer

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