LA MORT DU VIEUX PAYSAN
A tous ceux qui nous nourrissent
« « …Dans toutes ses branches
La maison s’était déjà assoupie »
Manuel Gusmão
Tu labourais le champ
En la joyeuse compagnie des choucas,
Couvert de ruisseaux salés de sueur,
Et tes mouvements harmonieux
Etaient plus éloquents
Que les plus belles strophes d’Homère !
Tu chantais parfois,
Allant par la voie la plus courte à l’amour.
Aussi n’avait-elle point de bord
La discrète beauté de ton âme !
Soudain, le ciel tourne et tu tombes
Dans le sillon, radieux,
Ta face sur la face souriante de la terre !
De ta terre !
Enfin, tu es là où finit toute chose !
L’air doux jette sur toi
Le taffetas damassé de son souffle.
Les pastèques recouvrent ton corps
Du rouge linceul de leur volupté !
Cette nuit,
Tes paroles scintilleront
Sur sa robe
De campanules violettes !
Demain, quelques coquelicots blancs
Déverseront leur pur éclat
Sur
Ta tombe anonyme !
Athanase Vantchev de Thracy
Paris, le 15 octobre 2008
C’est ainsi que mourut notre voisin Marin, ce brave paysan bulgare, un jour du mois d’août, seul avec la terre, le ciel et ses pastèques. Il avait perdu sa femme et son fils unique et vivait isolé dans sa petite maison entourée d’un jardin luxuriant. Il m’aimait d’un amour tendre. J’allais souvent admirer la beauté de ses fleurs qu’il appelait « mes filles ». Il ne permettait à personne de les cueillir.
Parfois, la nuit, à Paris, je vois son visage buriné par le soleil. Il vient à moi dans mes rêves et me dit, comme quand il était vivant : « Petit, veux-tu goûter à mes pastèques ? » Aujourd’hui, personne ne se rappelle de cet être délicieux. Sa maison est tombée en ruine. Son jardin ne vit que dans ma mémoire. Je suis retourné un été dans le champ où il était mort. Des herbes folles et des ronces avaient envahi cette terre qu’il aimait tant. Frappé par une tristesse poignante, j’ai versé quelques larmes ! Seigneur, laboure-t-il à présent les jardins du paradis ?
Glose :
Manuel Gusmão (né en 1945) : critique, professeur des Universités, directeur de revue, poète portugais. Il se mit à écrire tardivement des poèmes, mais en quelques recueils, il s’est affirmé comme une des voix les plus originales de la poésie portugaise de ces dernières années.
mercredi 15 octobre 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire