mercredi 1 octobre 2008

SAUDADE

A Svetlomira Binéva


« Et une très ancienne nostalgie de mâts
Se balance dans les pins »

Sophia de Mello Breyner Andresen


Ne dis rien, car tout est dit déjà,
Car dans le vase se sont fanées les fleurs,
Le vent froid a desséché les pleurs
Entre nos cils tremblant hier de joie !

Pourquoi prêter aux choses sans importance
L’intime rigueur, la vie sublime des mots ?
La chair blessée, aspire au bleu repos
Des livres pleins de délicat silence.

Et il ne reste à l’âme que la musique
De cet été rempli de résédas,
Le goût léger du sel sur nos doigts

Et l’élégance des colonnades doriques !
Ne dis rien, laissons la brise hâlée
Errer distraite dans l’ombre des allées !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 1er octobre 2008

J’ai écrit ce poème en pensant à la première femme de mon ami, le génial poète bulgare Radko Radkov et à leur si triste séparation. Jeunes, ils étaient tous les deux d’une beauté angélique. Svetlomira resta fidèle à son premier et unique amour. Après des années, elle accueillit Radko au moment où, malade, il fut abandonné par toutes les femmes qu’il avait aimées d’un amour passionné.

Saudade (n.f.) : mot portugais et galicien, qui exprime une tristesse empreinte de nostalgie. Saudade est le terme portugais et galicien le plus difficile à traduire. La saudade est différente de la nostalgie. Dans la nostalgie, il y a un sentiment mêlé de joie et de tristesse, le souvenir d’un bonheur évanoui, mais aussi la mélancolie d'une existence unique dans le passé et d'un retour en arrière impossible. La saudade exprime un désir intense pour quelque chose que l'on aime et que l'on a perdu, mais qui pourrait revenir dans un avenir incertain. On parle de saudade dans deux cas, d'abord pour marquer le mythe de quelqu’un éloigné de son pays, et qui garde l'espoir d’y revenir un jour; le terme est également employé par les Portugais pour évoquer la nostalgie du passé.

Sophia de Mello Breyner Andresen (1919-2004) : une des plus importantes poétesses portugaises du XXe siècle, distinguée du prix Camões en 1999. Née à Porto d'une famille aristocratique, engagée politiquement à gauche, elle fut de tous les combats qui ont porté la démocratie au Portugal. Poète avant tout, la « grande dame de la littérature portugaise » est aussi l'auteur de nombreux contes, simples et limpides qui, par leur richesse et leur beauté formelle, séduisent les lecteurs de tout âge. Œuvres poétiques : Navigations (1983) ; Malgré les ruines et la mort (1944) ; Méditerranée (2001).

Sophia de Mello Breyner Andresen a hérité du patronyme d'un ancêtre danois débarqué au Portugal par hasard. Elle a suivi des études de philologie classique à la Faculté des Lettres de Lisbonne. Avec un premier recueil de poésies publié à compte d'auteur en 1944, Sophia entama une carrière littéraire encouragée par le grand poète Michel Torga (1907-1995), qui fit d'elle un écrivain national.

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