vendredi 21 novembre 2008

LES CEDRES DU RIF

LES CEDRES DU RIF

A Khalid Izri

« Rinnovato dal mondo nuovo,
libero. »

(« Neuf, dans la nouveauté du monde,
libre… »)

Pier Paolo Pasolini


Depuis le commencement des temps,
Herbes et vents s’endorment entrelacés,
Comme envoûtés par la ferveur de la terre,
Sous les vergers lourds de fruits des étoiles.

Les frais éventails des cèdres rifains,
Titans majestueux ensemencés de ciel,
Veillent sur l’éternité amazighe et déversent,
Mêlant leurs racines au silence des rochers,
Un parfum chaud, charnel, boisé,
Dans les corps à l’allure de statue des jeunes gens.

Arbres légendes,
Demeures royales des dieux de l’amour,
Comme le temps est court pour vous dire ma dévotion !

Sur vos colonnes vivantes, couleur vert de mer, reposent
Les temples votifs, navires de lumière, dressés là
Comme pour immortaliser la geste des hommes libres,
Comme pour protéger les livres solitaires et altiers des jours
Des assauts du néant !

Pourraient-elles mes lèvres oublier
Les soirées sous vos délicieuses voûtes flottantes,
Les mots de bonté voguant dans l’obscurité
Sous le feu de vos fraternelles ramures ?

Ah, ces heures vouées aux amis, tard,
Quand la chair fascinée,
L’esprit devenu élan, le cœur ouvert comme une rose,
Nous écoutions couler la généreuse rivière des contes amazighes
Dans les doux replis de notre adolescente conscience !

Cris et murmures, étonnements et soupirs nous enseignaient,
Par des mouvements simples comme les frissons de l’air,
Les grands, les immortels mystères de la vie !

Le retour à la maison, en petites bandes de copains,
Eblouis, tendrement mélancoliques,
Avançant dans la mélodie chaude de l’été,
Comme suspendus entre terre et ciel,
Comme soulevés vers les cimes souriantes du Rif
Par un indicible transport
Aussi ancien et dense que le monde !

Nous, compagnons envoûtés de la lune,
Marchant côte à côte, unis dans le rêve,
Le cœur ardent prêts à éclater d’émotion !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 20 novembre 2008

Glose :

Cèdre (n.m.) : du latin cedrus, lui-même du grec kedros/ κέδρος. Genre de conifère de la famille des Pinacées, originaire du Moyen-Orient et de l’Himalaya, acclimaté en Europe et en Afrique, comprenant des espèces d’arbre majestueux, à bois odorant, à cime conique ou étalée, très utilisées pour l'ornementation des parcs. Les branches de cette essence sont étalées horizontalement et en plans superposés.

L'huile essentielle aromatique du cèdre a des propriétés antiseptiques. Chez les anciens Égyptiens, l'essence de cèdre et sa résine entraient dans les préparations servant à embaumer les momies.

Khalid Izri de son vrai nom Khalid Yachou (né en 1969 à Melilla, enclave espagnole du nord du Maroc) : musicien berbère. Grâce à son oncle, il fait connaissance de la musique amazighe (berbère) et se prend de passion pour la riche culture millénaire de son peuple injustement réduit au silence. Il apprend à jouer de la guitare, de la flûte et de l’harmonica, puis de tous les instruments de percussion. Dans un premier temps, il imite le répertoire d’Idir, Djurdjura, Jamal Allam et du poète Whalid Mimoun, emprisonné pendant deux ans pour avoir enregistré son premier album de chants en berbère.

La musique de Khalid Izri glorifie les traditions des Imazighen (Berbères). Elle puise sa grande beauté mélodique et son envoûtement rythmique dans l’âme de son peuple. Sa voix est claire et sonore comme les ruisseaux limpides du Rif.

Pier Paolo Pasolini (1922-1975) : poète, écrivain, scénariste et metteur en scène italien. Né à Bologne dans une famille aisée, il fut assassiné sur la plage d’Ostie, près de Rome. On a remarqué son génie cinématographique lors de la réalisation de ses films L’Evangile selon saint Matthieu (1964), nommé à trois reprises aux Oscars, Contes de Canterburry (1972) qui remporta l’Ours d’or à la Berlinale, Mille et une nuits (1974), présenté au festival de Cannes, etc. Il est reconnu comme l’une des figures centrales de l’art italien. Il est l’auteurs de plusieurs recueils de poésies, romans et essais.

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