jeudi 6 novembre 2008

REVERIES RIFAINES

REVERIES RIFAINES

« Ma terre est une lettre »

Andich Chahid Idir

I.

Le ciel étend son voile à semis de fleurs
Sur les somptueux cèdres du Rif.
Ta peau est suave
Comme la chair des fraises sauvages des fourrés,
Tu ris, et toute la beauté du monde
Est dans les ruisseaux verts de tes yeux !

II. Ces visages de femmes amazighes
Plus doux que des poèmes de satins légers.
Leurs mains d’ivoire d’autrefois,
Lumineuses
Dans la grande quiétude de leur silence.

III.

La démarche élégante des jeunes filles
Des hautes montagnes,
Cette odeur enivrante de violettes –
Lettres fines du tifinagh
Leur rire diaphane !

IV.

Andich vient avec le soir
En tunique blanche cousue
Par les cantilènes des abeilles,
Brodée par les brises du Rif !
Son cœur est grand et pur
Comme la face de l’éternelle Tamazgha !

V.

Ici la beauté est dans toutes les prunelles
Des adolescents !
L’automne et ses jours de belles ordonnances
Baignent leur beauté fulgurante,
Leurs hanches minces et souples,
Leur poitrine de marbre blanc du Rif.

VI.

Dans ce pays magique,
Dans les plis de ses montagnes majestueuses
Les draps sentent le pin et la menthe!
Maisons ouvertes
Comme des ailes de colombes
Dans la molle sérénité du soir.

VII.

La houle de la mer dans la bouche de Massin,
Les heures sont douces comme des fruits !
Ses lèvres n’ont pas assez de baisers
Pour couvrir de leur tendresse vertigineuse
Ce pays qu’il aime à mourir.

VIII.

La récitation sillante des rouges-gorges le matin,
Le parfum de thé et de paroles aimantes,
La rose décence des sentiers et des champs,
L’abîme immobile des lits
Où dorment des enfants
Plus beaux que la lumière de l’aurore.

IX.

La moiteur des corps presque nus des paysans,
Leurs têtes antiques qui rappellent
Massinissa et Jugurtha !
Des chevelures couleur de vin, poitrines de cuivre
Embrassées par le vent doré de midi !
Ô Andiche, comme est douce à mon chant
Cette impression d’éternité
Dans leurs regards !

X.

Idir, mon frère aimé,
Ecoute le synode serein des passereaux,
Oublie un instant la signée des nuits,
Le temps et ses boucles perlées de résine de sapin,
Les rumeurs de l’argile, les odes des étoiles du Rif !

Couche-toi sur l’herbe molle des prairies
Et écoute, écoute sans pleurer,
Les suaves battements
Du cœur immortel de ta Patrie!

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, ce mercredi 5 novembre 2008

J’ai écrit ce poème en pensant au jeune poète amazighe Andich. Massin est un prénom rifain.

Glose :

Le Rif : du tamazight (langue des Imazighen, c’est-à-dire des Berbères) arrif, « rivage, bord ». Le Rif est une chaîne plissée du Maroc septentrional, arc montagneux bordant la Méditerranée du détroit du Gibraltar à l’Ouest à l’embouchure de la Moulouya à l’Est. Dominant au Sud-Ouest et au Sud la plaine de Gharb et au Sud-Est le couloir de Taza (Atlas tellien). Villes principales : Tanger, Ceuta, Tétouan, Al-Hoceima, Melilla, Nador sur le versant Nord, Ksar el-Kebir, Ouezzane, Taza sur le versant Sud. Sa population, essentiellement composée de Berbères (Imazighen), mena une lutte farouche contre la pénétration européenne au début du XXe siècle. Après la défaite espagnole d’Anoual (1921), l’offensive coordonnée des forces françaises et espagnoles à laquelle participèrent le général Noguès et Franco contraignit Abd el-Krim à se rendre (1926). Rifain, e (adj.) : appartenant au Rif.

Les villes et endroits du Rif appréciés par les touristes : Cala Iris (à l'Ouest d’Al-Hoceima) ; Tala Tazegwaght (au Sud-Ouest de Nador dans le territoire de la tribu Ighzenayane) ; la côte entre Tetouane, Tanger et Ketama ; Chefchaouen ou encore Saidia dans le territoire de la tribu Ayt Iznassen.

Fourré (n.m.) : massif épais et touffu de végétaux sauvages de taille moyenne, d’arbustes à branches basses. Fourré d’un bois. Fourré de broussailles, de ronces. Synonymes : hallier, taillis, buisson, maquis.

Tifinagh ou tifinaghe (se prononce tifinar) ou libyco-berbère est un alphabet utilisé par les Berbères (Imazighen). C'était autrefois un abjad, un alphabet consonantique. Sillant, e (adj.) : du verbe siller qui signifie « produire un sifflement aigu et continu ».

Tamazgha (n.f.) : ce terme berbère désigne toute l’Afrique du Nord, de l’océan Atlantique à la mer Rouge dont les authentiques habitants sont les Berbères. On peut le traduire par « Pays des Berbères ». Tamazgha est un nom relativement récent, il a une connotation très liée au légitime nationalisme ainsi qu'à la renaissance et l'affirmation de l'identité amazighe. Il affirme l'existence d'une nation transcendant les frontières géopolitique actuelles.

Massinissa (238 – 148 av. J.-C.) : son nom berbère est MSNSN-Massinissan, de mass « seigneur » et inassen « peuple », sur les inscriptions bilingues de Citra (actuelle Constantine en Algérie), appelé par les auteurs latins Massinissa. Il est le premier grand roi de la Numidie unifiéee. Fils du roi (agellid en berbère) Gaïa (G.Y.Y, inscription punique), petit-fils de Zelalsan et arrière petit-fils d'Ilès. Il naquit vers 238 av. J.-C. dans la tribu des Massyles (Mis Ilès). Il mourut début janvier 148 av. J.-C. Massinissa œuvra durant toute son existence à la récupération des territoires annexés par Carthage depuis son établissement en Afrique. Il contribua largement à la victoire de la bataille de Zama à la tête de sa fameuse cavalerie numide.

Jugurtha (vers 160 – vers 104 av. J.-C.) : roi de Numidie. Il s'opposa durant sept ans, entre 111 et 105, à Rome. Jugurtha était le petit-fils du roi numide Massinissa dont le tombeau se trouve à Citra (actuelle ville de Constantine en Algérie). Son père était Mastanabal, frère de Micipsa, tandis que sa mère était une esclave concubine. Comme il s'agissait d'un successeur potentiel, le fils légitime de Mastanabal, Gauda, étant maladif, Micipsa, son oncle, roi de Numidie à l'époque, voulut se débarrasser de Jugurtha en l'envoyant en Hispanie (actuelle Espagne) combattre avec les troupes auxiliaires de l’armée romaine. Jugurtha se montra brave et courageux et les armées numide et romaine furent victorieuses à Numance. Jugurtha se fit beaucoup d'amis à Rome, non seulement grâce à sa valeur, mais aussi, quand il le fallait, grâce à son argent, et ce fut peut-être suite à des pressions des Romains que Micipsa finit par l'adopter trois ans avant sa mort, ce qui en fit l'un des héritiers du pouvoir. Après sa mort, le royaume fut partagé entre ses fils Adherbal et son fils adoptif Jugurtha. Jugurtha, qui ne voulait pas voir le royaume de Numidie divisé de cette manière, n'accepta pas la décision du sénat numide. En outre, ses cousins ne l'appréciaient guère et ne se privaient pas de railler son ascendance peu glorieuse. La même année, Jugurtha fit assassiner Hiempsal, le jeune frère d’Adherbal. Le sénat ne parut pas offusqué par cet étrange décès et la Numidie fut alors partagée entre Adherbal et Jugurtha. Les deux hommes continuèrent néanmoins à se faire la guerre jusqu'en 113 av. J.-C., date à laquelle Adherbal fut assassiné par Jugurtha. En outre, ce dernier s'empara aussi de la cité de Cirta, massacrant les commerçants romains qui s'y trouvaient. Rome accepta mal que ses ressortissants se fussent fait massacrer ainsi et n'apprécia guère le fait que Jugurtha voulût mettre en place un royaume de Numidie fort et uni. Le consul Calpurnius fut alors envoyé en Afrique du Nord pour combattre le roi numide. Le conflit dura jusqu'en 111 av. J.-C. (date à laquelle Jugurtha accepta de faire la paix). À Rome, les avis étaient divisés sur la question numidienne : les optimates pensaient que la Numidie devait rester un royaume indépendant, les populares considérant au contraire que la Numidie était une propriété du peuple romain. Pour trouver une solution, Jugurtha fut convoqué devant le Sénat romain. Ce fut alors que le consul Postimius Albinus proposa de régler le problème en donnant la couronne à Massiva, un cousin de Jugurtha. Ce dernier tua alors Massiva puis s'enfuit. Les hostilités reprirent. Postimius Albinus ayant été vaincu par Jugurtha à la bataille de Calama, il fut remplacé par un nouveau consul, Quintus Caecilius Metellus qui gagna son surnom de Numidicus au cours de cette guerre. Ce dernier fut secondé par le consul Caius Marius soutenu par les populares (Caecilius Metellus étant le patron de Marius). Caecilius Metellus sortit victorieux, s'empara des villes de Zama et Thala et repoussa Jugurtha en Maurétanie. Cependant, il fut relevé de son commandement en 107 av. J.-C. au profit de Marius. Ce dernier remporta de nouvelles victoires contre Jugurtha à Cirta et à Capsa (actuelle Gafsa en Tunisie). Maurétanie (n.f.) : territoire des Maures dans l'Antiquité. Il s'étendait sur le Nord-Ouest et central de l'actuelle Algérie, et une partie du Nord Marocain. Par la suite, en 105 av. J.-C., Jugurtha fut capturé par son beau-père Bocchus, le roi de Maurétanie, qui accepta de le livrer à Rome. Bocchus reçut le titre d'« ami de Rome » et la Numidie ne fut pas annexée. Elle fut cependant étroitement surveillée en devenant un royaume client de Rome. Les Romains placèrent le maladif Gauda sur le trône, étant donné qu'il était le fils légitime de Mastanabal. Marius fut réélu consul en 105 av. J.-C. puis reçut les honneurs du triomphe lorsqu'il retourna à Rome. Quant à Jugurtha, il mourut, sans doute étranglé, en captivité dans la prison de Tullianum vers 104 av. J.-C. Le conflit entre Rome et le roi numide nous est connu grâce à la Guerre de Jugurtha (Bellum Jugurthinum), ouvrage de l’historien romain Salluste.

Synode (n.m.) : du grec synodos / σύνοδος, lui-même de sun / σύν, « avec » et odos / ’οδός, « le seuil de la maison », mais une erreur courante le relie au mot grec hodos / ‘οδός, « le chemin ». Ce terme désigne une réunion, une assemblée délibérative.

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