MARIE
« Los grandes poetas no tienen biografía, tienen destino »
(« Les grands poètes n'ont pas de biographie, ils ont un destin »)
León Felipe
I.
Que fais-tu à présent, ma chère Marie,
Mon enfant, belle comme les tendres violettes de mai,
Souple comme les vignes
Qui grimpent sur les pêchers
De notre Thrace ?
Je te vois en songe :
Comme, se posant sur ta joue,
Le petit vent du soir
T’appelle vers la claire musique
De la rivière séculaire.
La voix bleu roi de l’air
Fait frémir d’émotion
La dense forêt
Aux feuilles de velours.
Tu chantonnes, parcourant
Les étroits sentiers,
Des mélodies anciennes,
Pures et naïves,
Et installe, rayonnante de bonheur,
L’ordre céleste
Dans chaque parole.
Toi, Marie de mon âme,
Qui ignores le feu des blessures,
Patrie antique des stigmatisés,
Des compatientes, des martyrs
Et des saints.
II.
Hier,
Avec obstination,
Il est tombé tant de pluie
Afin que tu puisses dormir !
III.
Je recueille dans mes mains transparentes
Les frissonnants papillons
De tes souries.
Tout est avenir pour toi,
Marie de mes rêves !
Non, le temps qui passe
Ne peut pas mourir !
Les dieux aiment se reposer
Dans les frais bosquets de ton âme,
Dans les clairières de ta bouche pleine de lumière
Et de fraises sauvages !
Vivre est ton pays,
Rire, ton aube !
Tout en toi est source de clarté parfumée.
Marie de mes poèmes,
Tu es la fraîche évidence de ce monde,
Le sens limpide des jours
Qui se perdent dans le fleuve
Des années innocentes.
IV.
Toujours tu es,
Marie de mon insomnie,
L’emblème, la soif
La perfection et la beauté
Des âmes justes,
Toi qui avances sans crainte vers l’aurore
En compagnie des changeants visages du ciel.
V.
Comme tu sais remplir,
Délicatement, sans faire bruit,
Les auges des yeux éplorés
De la rayonnante candeur de ta bonté !
Comme tu sais parler auguralement
Avec les fastes déploiements des nuages !
VI.
Ô Marie, je suis si heureux
D’entendre de nouveau le satiné bruissement de tes pas,
Les duveteux clapotis de tes jeux d’enfant,
Toi, dont les mains incandescentes donnent,
Sans le savoir, ô mon amie,
Une forme et un sens à chaque chose!
VII.
Ô Marie, Marie de mes nuits blanches,
Tu es, ma sœur, de ceux
Par qui advient,
Calmement,
Imperceptiblement,
Librement
Et sans mélange
Le salut du monde !
Athanase Vantchev de Thracy
Paris, ce mercredi 24 juin, Anno Domini MMIX
Glose :
León Felipe Camino, dit León Felipe (Tábara, Espagne 1884 – Mexico 1968) : poète espagnol. Imprégné de modernisme et de cubisme, il publia en 1920 la première partie de ses Vers et prières de voyageur, avant de se rendre au Mexique (1922) puis aux États-Unis, où il publia le second volet de son recueil (1930). Il fit le bilan de son expérience américaine (Drop a Star, 1933), rentra en Espagne et s'expatria définitivement en 1938. Son œuvre aura désormais l'amère saveur d'un double exil, intérieur et extérieur (la Torche, 1939 ; Tu gagneras la lumière, 1943).
Compatiente (n.f.) : âme qui vivent intensément la Passion du Christ.
Auguralement : du latin augur, dans l’Antiquité, prêtre chargé d’observer certains signes (éclairs et tonnerre ; vol, nourriture, chant d’oiseau, etc. afin d’en tirer des présages : aruspice, devin). Egalement du latin augurium, « observations et interprétations des signes par les augures » .Synonyme : d’une façon prémonitoire.
jeudi 25 juin 2009
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