MA
A Théo et Anastase Crassas
« Le ruisseau devant ma porte,
les monts à ma fenêtre, j'écoute le silence… »
Wang Wei
Vous aimez cette lecture fine du jour
Que seul le poème peut réaliser.
Saisir cette vie sublime
Qui jaillit de la déchirure du monde,
De cette effraction
Par où l’infini
Monte des profondeurs du silence
Et apparaît.
Oui, mes Amis,
La poésie est un
Akalepton,
Tout ce qui est et ne peut être touché,
L’évidence incompréhensible,
Le fruit qu’on savoure
Et que l’on ne peut cueillir.
Elle est, mes Amis,
Ce qui lie en guirlandes
Ruisselantes de beauté les choses et les mots,
Les deux côtés parallèles
De la même route
Parés de fleurs champêtres,
La magique suture
Qui rapproche les deux bords
D’une plaie profonde,
L’art subtil qui unit
L’avers et le revers du temps.
Elle est, mes Amis,
La petite lumière d’une lampe vacillante
Au milieu de la dense obscurité de la nuit
Qui fait exister l’univers,
Cette réalité initiale qu’elle seule peut appréhender.
Elle est l’oreille
Qui entend fredonner les lauriers,
L’œil attentif qui voit les anges
Descendre sur les feuilles poussiéreuses
Enfermés dans les gouttes transparente de la pluie,
L’être qui comble le vide.
Elle est, mes Amis,
La face lumineuse d’une heure tardive
Qui se penche avec une douceur infinie
Sur les blessures d’une âme
Anéantie.
Athanase Vantchev de Thracy
Rueil-Malmaison, le 12 juillet 2008
Glose :
Ma : mot japonais qui désigne l’intervalle vide laissé entre deux objets ou encore la pause entre deux sons.
Wang Wei (vers 700-761) : poète, peintre, musicien, médecin et haut fonctionnaire chinois de la Dynastie Tang. La nature et le bouddhisme tiennent une place importante dans son œuvre. Il obtint son doctorat ès lettres en 713, l’année même où Xuan Zong a venait d’hériter du pouvoir souverain. Il était recherché par l’empereur, protecteur éclairé des lettres, et par An Lushan, ce Tartare qui demandait quel animal c’était qu’un poète et à quel usage il pouvait servir.
Akalepton (n.m.) : du grec akatalêpton / ’ακαταληπτόν. Mot cher à saint Jean Chrysostome qui exprime sa complexe définition du vrai savoir qui consiste à voir l’invisible et l’incompréhensible Dieu, c’est-à-dire voir ce qui ne peut pas être vu (to idein en tô mê idein).
Vide (n.m.) : en philosophie la notion de vide est intimement lié à la notion être. Le vide est considéré comme l’absence d’être. Le concept d’être désigne en général ce que nous ressentons exister d’une manière ou d’une autre dans la perception, qu’elle soit sensible ou intelligible. L’étude de l’être est appelée ontologie ou métaphysique. On peut analyser l’être par différentes méthodes en suivant des distinctions classiques (voir Parménide, Aristote, saint Thomas d’Aquin, Pascal, Descartes, Kant, Heidegger, etc.).
Le vide est-il une entité en soi ou tout simplement une absence. Parménide affirmait : « l’être est, le non-être n’est pas ». Le vide pour ce philosophe grec était un non-être, et n’existait pas. Leucippe et Démocrite exaltaient l’existence du vide et en firent avec l’atome le principe de toute chose. Le vide, lieu dépourvu de matière, a donc reçu une certaine forme d'être et devint le doublet indispensable et inséparable de l'être.
La découverte, ou plutôt l'admission du vide dans la nature est une étape décisive de l'histoire des sciences, la polémique autour de sa définition agita fortement les milieux savants durant la révolution scientifique du XVIIe siècle.
Lorsqu'un Européen voit un verre, il voit d'abord la matière, sa forme ; un taoïste y verrait d'abord le vide qui le rend utile, qui permet d'être rempli.
Le vide taoïste est conçu comme un potentiel, quelque chose qui attend d'être rempli, et par extension d'être réalisé : c'est l'esprit vide de pensée dans lequel peuvent naître les idées, c'est le blanc de la feuille qui attend d'être dessiné. Dans le bouddhisme, le vide désigne l'absence de nature propre de toute chose, la vacuité.
samedi 12 juillet 2008
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