MOIROLOGEMA
(chant du destin)
A Vito Quatrocchi
Qui sait encore que jadis j’ai été stratège,
Prince, empereur, qui ?
A présent je gis sans souffle sur les dalles de l’église
Entouré par quelques pauvres pleureuses.
Ô femmes grecques,
Ceintes d’une ceinture turquoise,
Qui sait encore
Qu’un fil de soie d’azur,
Sépare le Bien et le Mal, qui ?
Pleurez-moi, femmes grecques,
Femme de ma noble race,
Vous, paysannes miséricordieuses
Aux visages érodés par les larmes !
Vous qui portez dans vos cheveux dénoués
Les senteurs maternelles
Des montagnes natales !
Vous qui savez parler aux herbes sauvages
Et aux fleurs sans noms, aux oiseaux chanteurs
Et aux serpents envoûteurs,
Vous qui entourez tout de votre amour
Simple et pur comme le matin!
Que vos sanglots me conduisent par la main
A la terre immémoriale comme le temps,
Eternelle comme le désir de dieux !
Vous qui ignorez les schismes subtils,
De Constantinople,
Cité sainte de la Vierge,
Ses jeux compliqués de l’intrigue,
Vous qui ne savez rien de la fin tragique
De votre empereur Romain Diogène,
Aveuglé et abandonné par les siens,
Vous qui n’avez jamais rien entendu
De la brutalité avec laquelle
Le basileus de Byzance Nicéphore Botaniate
Fut détrôné par Alexis Comnène !...
Regardez comme tout se termine,
Comme tout est simple et bien ordonné !
Je reposerai ici,
Dans ma terre, ma terre, oui,
Oublié par tous,
Recouvert d’herbes folles et de ronces,
Mon nom effacé et emporté par les vents
Comme une brindille de graminée.
Athanase Vantchev de Thracy
Paris, ce dimanche 7 septembre, Anno Domini MMVIII
Glose :
Moirologema (n.f.) : mot grec dont la forme moderne est mirolóyi, de moira, « destin ». Des thrènes ou chants tristes improvisés par les femmes en deuil autour d’un mort. Mirologie (n.f.) : chants funèbres traditionnels exécutés par les femmes, restées seules dans l’église après la célébration de la Crucifixion le Jeudi Saint.
Romain Diogène (1032-1072) : empereur byzantin sous le nom de Romain IV. À la mort de Constantin X, en 1067, sa femme Eudoxie devint impératrice. Elle épousa peu de temps après Romain Diogène, né en 1032, qui fut couronné empereur sous le nom de Romain IV le 1er janvier 1068. Sous son règne, les Normands s'installèrent en Sicile et dans la région de Naples, finissant par en chasser les Byzantins en 1071. Romain dut mener de nombreuses campagnes dans l'est de l'Empire à cause de la présence des Turcs Seldjukides qui finirent par le vaincre lors de la bataille de Manzikert ou Malazgerd, près du lac de Van en Arménie, le 19 août 1071. Capturé par leur chef Alp Arslan, il fut traité avec tous les honneurs dus à son rang et libéré. Pendant son absence, le trône fut occupé par Michel VII Doukas (empereur de 1071 à 1078), qui fit exiler sa femme Eudoxie et fit crever les yeux de son prédécesseur. Romain IV mourut l'année suivante.
Histoire :
Sous le commandement de Toghrul-beg ou Toğrül-beg (vers 990-1063, les Turcs de la tribu des Seldjoukides, devenus musulmans, prirent le pouvoir à Bagdad en 1055. Puis, Alp Arslan (1065-1072), neveu et successeur de Toghrul-beg, s'empara en 1064 de l'Arménie chrétienne, aux frontières de l'empire byzantin...
L'empereur Romain IV Diogène, prenant tardivement conscience du danger, se porta à sa rencontre avec plus de cent mille hommes, essentiellement des mercenaires, dont beaucoup d'aventuriers normands. Le sultan turc n'avait que 50.000 hommes à lui opposer. L'affrontement eut lieu au pied de la forteresse de Malazgerd.
Trahi par ses mercenaires turcs et certains de ses lieutenants, notamment le Normand Roussel de Bailleul, le basileus Romain Diogène fut défait et même capturé.
Nicéphore III Botaniate (1078-1081) : une nouvelle révolution donna la couronne à Nicéphore Botaniate (1078-1081). Durant les courts règnes de Romain IV, Michel VII Doukas et Nicéphore Botaniate l’anarchie ne fit que s’accroître et la crise, extérieure et intérieure, dont souffrait l’empire, ne fit que s’aggraver. Alexis Ier Comnène (1081-1118) renversa Nicéphore, en 1081.
dimanche 7 septembre 2008
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