vendredi 27 novembre 2009

HWANG JIN YI

HWANG JIN YI

« Le soleil allume la colline de derrière… »

Yun Seondo

Quelle amie plus fidèle ai-je
Que l’oreiller de soie rehaussé de fleurs d’or ?

Ah, quelle musique plus suave à mon oreille
Que le chant clair de la cascade de diamant
Sous ma fenêtre ?

Quel paysage plus délectable pour mes yeux
Que la lune blanche jouant à cache-cache
Avec les hauts bambous du jardin ?

Tard, il est tard,
Que je me hâte !...

Ô mes mains ! Soyez rapides,
Colorez de rouge pâle mes lèvres,
Laissez transparente la volupté !...

Oui, vite,
Que j’enduise mon visage d’huile d’amandier
Et de cire d’abeilles vierge
Avant de recouvrir
De très fine poudre de riz ma face !

Purs de tout artifice
Je laisserai mon torse palpitant,
Ma nuque rose, mon dos d’ambre !
Ne sont-ils pas ainsi plus séduisants
Dans leur luisante nudité ?

Oui !

Quel amour plus délicieux que celui
Que m’offrent les mots harmonieux,
Les poèmes qui font frémir ma poitrine ?

Ce sont eux qui exaltent la splendeur des saisons,
Qui emplissent d’immortalité les calices des strophes !

Paroles émeraude des pages nacrées,
Vous, baisers intimes des dieux sur mes lèvres,
Compagnes gracieuses des jours
De ma transparente solitude ?

Quand nue,
Sous les draps ruisselant de blancheur,
Je prie et envoie
Des gerbes de lumière bleue
A tous les morts qui m’ont aimée !

Mais il est tard !

Vite !

Plus vite, mes amies,
Mettez-moi mes vêtements de fête,
Non, pas ceux-là,
Ceux-ci, les moins colorés,
Ne suis-je pas la fleur épanouie
Et eux, les feuilles vertes
Qui m’enlacent avec tant de pudeur ?

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 27 novembre 2009

Glose :

Hwang Jin-yi (1506-1544) : une des plus célèbres poétesses coréennes. Son talent était tel qu’un de ses sijo a été attribué au roi poète et érudit Seongjong (1457-1494). Le fait que le talent littéraire de Hwang Jin-yi, une gisaeng (la geisha coréenne) puisse égaler celui d’un roi montre qu’une courtisane pouvait atteindre le sommet de la renommée. Elle pouvait être à la fois au ban de la société et au plus haut sur le plan de la considération. Ni épouse, ni mère, elle était une sorte de « non-femme », une catégorie à part entre démon et dieu.

Jeune orpheline, d’une beauté éblouissante, vivant dans un temple, jouant de plusieurs instruments, très douée pour la danse, Hwang fut choisie très tôt pour être une gisaeng. Un jour, elle apprit qu'elle avait été abandonnée par sa mère, elle même courtisane, pour la préserver de ce milieu. Jin Yi fut attirée par cet univers et rejoignit le cercle choisi des dames d’agrément. Elle devint la meilleure courtisane du royaume.

Hwang Jin Yi vécut à une époque où les lettrés néo-confucéens avaient confiné les femmes à l’intérieur des maisons et leur avaient imposé, au dehors, le port d’un vêtement cachant leur visage. Les femmes des classes supérieures furent contraintes à se déplacer dans des palanquins, hors du regard du commun des mortels. Mais il y a eu des femmes qui ont su se servir des codes rigides en les sublimant, passant ainsi à la postérité.

La littérature coréenne, commune aujourd'hui à la Corée du Nord et à la Corée du Sud, a été longtemps écrite exclusivement en caractères chinois jusqu’à la création d'un alphabet propre à la langue coréenne en 1443-1446, le hanguel, sur l'initiative du roi Sejong.

Yun Seondo (1587-1671) : un des plus grands poètes coréens, maître du sojo.

Sijo (n.m.) : sorte de petit poème lyrique coréen. Le sijo ressemble fortement au haïku japonais Il est composé de trois vers de 15 syllabes.

Aucun commentaire: