jeudi 26 novembre 2009

YANG KOUEI-FEI

YANG KOUEI-FEI

A Marije Hysko

Froid est le fleuve d’automne,
Pure la lune qui se baigne
Dans ses eaux.

Ondes vertes et fleurs rouges !

Les hautes aleurites
Offrent leur tendre adieu
Aux oiseaux qui s’en vont.

Derrière une fenêtre fermée,
Quelqu’un module
Un chant triste comme
L’or cuivré des feuilles mortes.
.
Âme, âme,
Où sont à présent
L’empereur Siuan-Tsong
Et la splendide Yand Kouei-fei,
L’épouse précieuse,
Son visage de jasmin,
Ses mains de jade,
Ses soyeux cheveux noirs
Et ses yeux au regard de clair de lune ?

Nulle trace
De la vie luxueuse et insouciante !
Rêves, souvenirs sont devenus
Le palais,
Les intrigues des serviteurs sanguinaires,
Les généraux ambitieux,
Les eunuques intrigants,
La grâce et les suaves murmures
Des habiles concubines ?

Ô chant ancien
Qui éveille ma tristesse,
Ô double éternité
Du ciel et de la terre !

Paroles améthyste de Po Kiu-yi !

Ô âme évanouies,
Pourquoi errez-vous, âmes ?
Vous a-t-on à jamais oubliées,
A-t-on négligé
De vous présenter des offrandes ?

Suis-je, ô âme, le seul à penser encore à vous ?
Moi en qui daignent chanter ce soir
Les poètes palatins de l’Empire du Milieu !

Hélas ! Pauvre,
Je n’ai que mon cœur amoureux
Et les mots absolus de mes strophes
A vous offrir
En signe d’infinies piété !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 25 novembre 2009

Glose :

Yang Kouei-fei et Siuan-tsong : l'histoire des tragiques amours de l’empereur Siuan-tsong et de Yang Kouei-fei est aussi célèbre en Chine que celle de Tristan et Yseult en Occident. Cet empereur de la dynastie Tang (618-907) régna sur la Chine de 712 à 756, accompagné seize ans durant de la célèbre favorite Yang Kouei-fei.

Siuan-tsong s’éprit de l’épouse de son fils et l'intégra à son gynécée. Très rapidement, celle-ci affirma son emprise sur l'empereur et devint sa favorite au détriment de la concubine Prunus. Son ascension fut telle qu'elle devint "Kouei-fei", c'est-à-dire "Epouse Précieuse". L'immense influence de Yang Kouei-fei profita à l'ensemble des membres de sa famille. Ceux-ci accédèrent aux plus hautes fonctions, notamment Yang Kouo-tchong, son cousin, qui fut nommé ministre. Yang Kouei-fei connut 16 années de grandeur et de passion, mais fut sacrifiée par son vieil amant et trahie par tous ses anciens alliés. L’empereur, fuyant sa capitale proie à une rébellion, donna l’ordre de l’assassiner.

Aleurite (n.f. ou n.m.) : du latin aleurites, lui-même du grec aleuritês, « pain de froment ». Plante oléagineuse d’Asie et d’Océanie. Trois espèces de cette plante sont utiles. La plus connue en est le bancoulier des Moluques, qui donne la noix comestible de Bancoul ou noix d’Abrazin. L’huile qu’on en tire peut remplacer l'huile de lin.

Po Kiu-yi ou Bo Juyi (IXe siècle) : poète et érudit chinois. Fonctionnaire lettré, il fit, dans la première moitié du IXe siècle, une carrière honorable mais sans éclat, dont son œuvre littéraire, en dévoilant les ambitions et les passions de l'homme, explique les détours. Une carrière moyenne, des passions moyennes, mais auxquelles le génie de l'écrivain a conféré une valeur exemplaire. Po Kiu-yi a déclaré lui-même que son œuvre était la traduction de tout ce qu'il avait aimé, senti ou réalisé. Il n'a cessé en effet de se raconter ; les quelque trois mille sept cents poèmes qui nous sont parvenus de lui constituent une longue chronique de son existence. Outre la poésie, il n'est guère de genre dans lequel ce parfait lettré ne se soit distingué. Des recueils de ses récitatifs (fu) ou de ses jugements (pan) servirent de manuels aux étudiants.

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