samedi 2 novembre 2013

Abdellatif Laâbi (en français et en anglais)



ABDELLATIF LAÂBI

 « Quel est le feu qui donne à boire au feu »

            Léo Norge

Il y a un sentier, Abdellatif, qui mène
De notre cœur en larmes
Aux hésitantes couleurs
D’un paysage intimement nôtre !

Là, sous les regards émus
Des frênes amoureux,
Le soir passe près de nous et nous abandonne
Aux antiques magies de la nuit pure.

Par ce sentier, Abdellatif,
Par ses petites fleurs champêtres
Nous vivons, nous respirons,
Nous sommes définitifs !

Là, soudain, une élyséenne clarté
De tropes se rue
Sur la bleue quiétude de nos corps hallucinés.

Et nous savons brusquement
Que rien ne finit jamais,
Que rien n’est mensonge ou songe éphémère,
Que tout apporte à l’essence du monde
Son essence !

Alors, nous voulons pour épitaphes
Sur nos tombes,
Le doux poème d’un brin de muguet,
La fascinante calligraphie
Des voix transparentes des mésanges
Et la musique vibrante
Des noms de nos aimées de toujours !

Ah, quand vous viendrez dans votre règne, Seigneur,
Pensez à nous, vos modestes amis et glorificateurs !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 1er novembre 2013

Glose :

Abdellatif Laâbi (né à Fès en 1942) : écrivain, poète et traducteur marocain. Il fonde en 1966 la revue Souffles qui joue un rôle considérable dans le renouvellement culturel au Maghreb. Son combat lui vaut d'être emprisonné de 1972 à 1980. Il s'exile en France en 1985. Il reçoit le Prix Goncourt de la Poésie en 2009 et le Grand Prix de la Francophonie de l’Académie française en 2011.

Léo Norge (né le le 2 juin 1898 à Molenbeek-Saint-Jean (Bruxelles) – mort le 25 octobre 1990 à Mougins (France) - pseudonyme de Georges Mogin) : un des plus importants poètes belges francophones.
ENGLISH :

Abdellatif Laâbi

‘What is the fire that feeds the fire’s thirst?’

            Léo Norge

There is a path, Abellatif, that leads
From our tearful hearts
To the shimmering colours
Of a landscape intimately ours!

There, beneath the feeling eyes,
Of amorous ash trees,
Evening passes close to us and abandons us
To the ancient black arts of pure night.

By this path, Abdellatif,
By these small country flowers,
We live, we breathe,
We are made definitively ourselves!

There, suddenly, tropes of an
Elysian clarity fling themselves
Upon the blue quiet of our hallucinated bodies.

And suddenly we know
That nothing is ever finished,
That nothing is a lie or a fleeting dream,
That everything brings its essence
To the essence of the world!

And that is why  we want as epitaphs
Upon our gravestones,
The sweet poem of a sprig of lily of the valley,
The charming calligraphy
Of the transparent voices of blue tits
And the resonant music
Of the names of our for ever beloveds!

Ah, when you come into your reign, Lord,
Think of us, your modest friends and glorifiers!


Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges

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