Ewa Lipska
« Noctem quietam et finem perfectum concedat nobis Dominus omnipotens »
Office des Complies
Nous vivons, Ewa,
Comme des solitaires évanescents
Qui, tristes, à la douce tombée de
la nuit,
Reclus dans des chambres
ensauvagées,
S’effondrent sur eux-mêmes.
Pourquoi le monde aurait-il cure de
nous ?
Les heures fuient avec l’évidence
de l’éclair
Et le temps continue de lui-même.
Mais nous, Ewa,
Du cœur de l’obscurité
Où nous vivons,
Nous croyons
Que la lumière divine ne se ternit
jamais,
Que l’apparat des esprits célestes
ne s’use point.
Et nous rêvons, le visage buriné
Par le sel des larmes,
À l’antique élégance des narthex,
Au parfum magique des atriums
Et aux blancs baptistères remplis
d’eau vive !
Et nous ajoutons,
Silencieux et fébriles,
Aux mailles de la Création
Les perles miraculeuses de nos
poèmes.
Alors, comme un écho lointain,
Arrive à nos âmes
Le non-être de Pseudo-Denys
Abyssal, vertigineux,
Pur et impossible à dire.
Athanase
Vantchev de Thracy
Paris le 3 novembre 2013
Ewa Lipska (née à Cracovie le 8 octobre 1945) : éminente poétesse polonaise.
« Noctem quietam
et finem perfectum concedat nobis Dominus omnipotens » = « Que
le Seigneur tout-puissant nous accorde une nuit tranquille et une heureuse
fin »
Les complies sont
une prière de l'Office Divin et une prière contemplative dans la liturgie des
Heures.
C'est la dernière prière de la journée, chantée par les moines peu après le crépuscule
et avant leur coucher. Dans les monastères, cette prière est suivie d'un grand
silence qui durera jusqu'à l'office des Laudes. Le grand silence est conservé
en général jusqu'à 9 heures du matin environ, jusqu'après l'office de tierce
(dans les monastères bénédictins et cisterciens principalement). Les clercs
séculiers sont astreints eux aussi à cet office de Complies, ils peuvent le
dire à une heure adaptée à leur activité pastorale, mais de préférence peu
avant le coucher.
Narthex (n.m.) :
le narthex est un élément de construction propre aux églises. Il s'agit d'un
espace qui précède la nef et, pour cette raison, le narthex est aussi appelé «
avant-nef ». Le narthex est une sorte de portique interne. Généralement fermé
vers l'extérieur, il s'ouvre sur la nef, contrairement au porche qui est quant
à lui ouvert sur l'extérieur. Initialement, le narthex était destiné à recevoir
ceux qui ne pouvaient pas entrer dans l'église elle-même (comme les pénitents,
par exemple). La construction des narthex varie selon les époques. À l'époque
romane, par exemple, ils étaient fréquents et parfois si grands qu'ils
formaient une sorte de petite église, allant jusqu'à contenir un autel ; à
l'époque gothique, ils ont eu tendance à disparaître, ou à être très fortement
ouverts vers l'intérieur de l'église.
Atrium (n.m.) : pluriel
latin : atria, pluriel francisé : atriums. Chez les Étrusques
et dans la Rome antique, pièce centrale de la maison familiale (domus). C’était la partie de la maison
ouverte aux hôtes, aux clients et aux visiteurs. Selon une théorie admise par
la plupart des historiens, l'atrium était dans la Rome primitive une cour
entourée de bâtiments précédant la pièce d'habitation du maître de maison.
Baptistère (n.m.) :
dans l'architecture chrétienne, un baptistère (du latin baptisterium
« piscine », « bassin pour les bains froids », lui-même du
grec baptistêrion) est un bâtiment le
plus souvent isolé et de plan centré spécifiquement destiné à pratiquer le
baptême.
Pseudo-Denys l'Aréopagite : un des plus grands auteurs grecs de traités chrétiens de théologie mystique. Il est l'une des sources majeures de la spiritualité mystique chrétienne. Pseudo-Denys était probablement un moine syrien qui a vécu à Constantinople vers l'an 500. D'inspiration néo-platonicienne, il est influencé par les écrits de Proclus, auxquels il fait de larges emprunts. Il a aussi été influencé par l'école théologique d’Alexandrie (Origène, Clément d’Alexandrie) et par Grégoire de Nysse.
ENGLISH :
Ewa Lipska
‘ Noctem
quietam et finem perfectum concedat nobis Dominus omnipotens ‘
(‘The Lord Almighty grant us a quiet night and a
perfect end’)
Office of Compline
We live, Ewa,
Like evanescent hermits,
Sad recluses in untamed rooms,
Who collapse upon themselves
At the gentle fall of night.
Why would the world care about us?
The hours flee as manifestly as a streak of lightning
And time goes its own way.
But we, Ewa,
From the heart of darkness
Where we live,
We believe
That the divine light never dulls,
That the pageant of celestial spirits never loses its
glamour.
And we dream, our faces etched
By the salt of tears,
Of the ancient elegance of narthexes,
Of the magic fragrance of atria
And of white baptisteries full of living waters!
And we stitch,
Silent and febrile,
Into the mesh of Creation
The miraculous pearls of our poems.
Thus, like a distant echo,
There arrives in our hearts
The non-being of the Pseudo-Denys
Abyssal, dizzying,
Pure and impossible to speak.
Translated from the French of Athanase Vantchev de
Thracy by Norton Hodges
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