LE TIARÉ DE HAHITI
I.
La fraîcheur aux pieds d’azur
Descend lentement
Les pentes émeraude du mont Orohena.
Elle s’avance vers ta poitrine de soie
Plus délicate, plus prévenante, plus parfumée
Que les blanches fleurs du tiaré.
II.
Ma princesse souriante,
Mon printemps délicieux !
Ta haute naissance
Fut mille fois confirmée
Par les prêtres solennels du marae.
Que scintille le tapu,
L’immémoriale
Pierre de fondation
Baignée par les flots du soleil !
Lourdes, odorantes, nombreuse
Sont les guirlandes
Dans les élégantes corbeilles
Tissées d’herbes sauvages.
Et cette infinie mosaïque bleue de la mer,
Ces joyeux reflets de la clarté verte
Fuyant d’île exquise en île exquise
Pour saluer le chant vierge
Des vahinés !
III.
Ineffable mémoire des ancêtres !...
Le premier arri, le prince au visage de jade,
Ofa’i Honu de Vavau !
Lignée royale de Havai'i,
Toi, princesse enfant, Hohora'i !
Firiamata-o-Vavau !
Le grand Vavau, le guerrier indomptable,
L’amant indocile des vagues hostiles de l’océan,
Le voyageur couronné d’étoiles fraîches
Et d’écume de narcisses,
Sa frêle épouse, la splendide
Tetuamatatini i Vaeara'i,
Petite-fille de Taaroa-nui-tahi-tumu i Vaeara'i,
Princesse héritière de Hava’i,
Leur fils Te-ohu-mata-tua-o-Havai'i !
La seconde compagne de Vavau,
La douce, la rayonnante To’amu
Qui lui donna, ô bonheur inégalé,
Un deuxième fils,
Mana-tere-i-te-pô.
Le roi Vavau
Qui eut des chapelets d’autres enfants mâles
De femmes fertiles comme la terre des îles,
Tepou et Tu-hoho'i-ru,
Papatea !
Et toi, belle parmi les belles,
Tige gracieuse d’une race splendide,
Te-arii-o-te-ra'i vahine
Qui gratifias le souverain des eaux de trois fils :
Tiihopu, Taehau et Rere-i-hotu.
IV.
Les ancêtres…
Les dieux et les nymphes de la mer qui
Qui saluent de leurs chants généreux
Les innombrables tribus de poissons !
V.
Et vous poètes qui courez après les ondes
En lesquelles vous cherchez votre image dispersée
En myriades de scintillements !
Caressés par les brises, l’âme frissonnante de joie,
Vous avancez sous l’abondante pluie d’or du soleil
Ou dormez, fatigués d’émotion, souriant à l’éternité,
Sous l’arbre immortel de la lune.
La nuit est votre céleste royaume,
Vous, qui versez les baisers de votre âme
Dans les baisers des songes !
Vous dont la tendresse fluviale
Ouvre les hésitants calices des fleurs
Et fait danser les ruisseaux à l’eau somptueuse
Sur l’armée de galets blancs !
VI.
Ô ancêtres antiques,
Chefs guerriers venus de Havai'i
Pour vous mêlez aux pacifiques habitants de Tahiti,
Les Manahune,
Pères laborieux des Taetaevao.
Ô routes d’eau, ô courants toujours inquiets
Où tant de héros anonymes
Ont pleuré leur chagrin,
Que d’heures, que de jours, de mois, d’années
Ils marchèrent dans leur haute affliction !
Les nuages viennent et s’en vont
Sans laisser de traces dans le ciel !
Scribe palatin, scribe,
Où donc sont les temps élancé de jadis ?
Les feuilles tombent
Et vieillissent les eaux !
Ô legendes, ô tefaora,
Oiseau d'eau !
Les constellations qui tournent dans le ciel
Avec les saisons !
Les pleurs qui couvrent de leur rosée salée
Les herbes insouciantes !
VII.
Phare de la Pointe Vénus !
Cascade Vaimahuta !
Source Waima,
Beauté, beauté, beauté…
Beauté qui emporte, qui déporte
Les cœurs !
Les pahis, les grandes pirogues doubles
A la proue audacieuse, les pahis vagabonds,
Le sable noir, fin comme de la poussière de diamant,
Qui garde dans ses mouvants, dans ses séculaires manuscrits
La magnificence des antiques cérémonies,
Le souvenir heureux des temples entièrement décorés de plumes rouges,
Les symboles et les allégories des poètes,
Gardiens de l’âme humaine !
VIII.
Ô ma princesse d’eau,
Corps nacré à la souplesse des palmiers
Que tord le vent dans sa matinale passion mauve*
Vahiné de mes songes !
Le jour, tu viens vers moi, robe blanche et rubans roses
Contre le bleu léger, le bleu pur du ciel !
Je me regarde dans les lacs de tes yeux grand-ouverts
Et mon visage, transparent d’amour,
Se met à voyager
Parmi les barques lumineuses de tes pensées.
La nuit ! La nuit divine,
Tu étales sur ma poitrine brûlante
La double source de ta chevelure !
La nuit ! Nuit !
Nuit des anges !
Chaude, humide, captieuse, la nuit,
Et caressante comme le duvet doré des oiseaux !
Souffle, souffle, cours, gambade Mara'amu,
Alizé porteur de félicité !
Précipitez-vous, vagues éclatantes de l’océan vert,
Chantez, piaffez, hennissez, cabrez-vous !
IX.
Je m’endors,
J’ai encore tout le poids de la lumière dans mon cœur…
Je sais, ô mon Amie, le silence me l’a dit,
Des failles intimes dictent les destins des hommes,
Des interstices du temps naissent,
Grandissent, s’épanouissent nos choix !
Raffinements séraphique de la sensibilité pure,
Hardiesse tropicale de l’âme innocente !
Acuité, clairvoyance, subtilité de l’air
Qui vient revigorer l’intelligence !
X.
Ö très difficile, ô impalpable savoir de l’amour,
Heureuse multiplicité des métamorphoses des cœurs,
Tant que les poèmes jaillissent de mes lèvres,
Tant que mes doigts tremblent d’affection,
Je ne peux pas mourir à toi,
Ô monde !
Non, je ne peux pas mourir !
Venez à moi eaux sans borne,
Hautes marées, sœurs du soleil et de la lune,
Vagues florissantes, ondulantes, heureuse,
Désir toujours plus vibrant de Dieu,
Dieu qui pénètre,
Dieu qui embrasse et enveloppe,
Dieu qui déverse dans chaque mot d’amour,
Dans chaque sourire
Le trop-plein de son Âme !
Temps irréductible,
Faces luisantes, faces changeantes des vents,
Accourez au jour de la naissance
De ma mort !
Athanase Vantchev de Thracy
Paris, décembre 2009
Glose :
Tiaré ou Tiare Tahiti – Gardenia taitensis – (n.m.) : littéralement « fleur de Tahiti ». Petit arbuste à fleurs que l'on retrouve dans une grande partie du Pacifique insulaire, jusqu'au Vanuatu. La fleur de tiare est l'emblème national de Tahiti en Polynésie française et des îles Cook. Un premier échantillon de cette magnifique plante fut recueilli et ramené en Europe par Durmont d’Urville en 1824. Le tiaré possède de grandes feuilles brillantes et jouit d’une extraordinaire floraison blanche très parfumée. Le célèbre Monoï de Tahiti est obtenu par macération des fleurs de tiaré dans l'huile de coprah. L’huile de coprah est fabriquée à partir de l'albumen séché de la noix de coco (palmier Cocos nucifera).
Tahiti : c’est l'île la plus importante de Polynésie française, dans le sud de l’océan Pacifique. Elle fait partie des îles du Vent dans l’archipel de la Société. Sa superficie est de 1043 km2, sa population de 180 000 habitants environ. Principale ville Papeete ou Pape’ete.
L’île fut aperçue par Quirós en 1606. Cependant elle a été réellement visitée par Samuel Wallis qui y accosta le 19 juin 1767 et qui la baptisa « île du Roi George ». Bougainville, qui y aborda quelques mois plus tard, lui donna tout d'abord le nom de « Nouvelle-Cythère ». L'amiral Abel Aubert Du Petit-Thouars obligera la reine Pomare IV à signer un traité de protectorat avec la France en 1842.
L'île se compose de deux parties centrées sur des volcans éteints et reliées par un court bras de terre, l’isthme de Taravao. La plus grande de ces parties est nommée Tahiti Nui (Grand Tahiti) et l'autre Tahiti Iti (Petit Tahiti). À 15 km à l'ouest de Tahiti se situe l'île-sœur Moorea, que l'on aperçoit parfaitement depuis la plupart des communes de l'ouest de Tahiti Nui. De nombreux travailleurs habitent à Moorea et vont travailler à Tahiti en prenant le ferry tous les matins.
Tahiti est entourée par une barrière de corail.
Histoire : il y a 5 000 ans (3 000 av. J.-C.), des habitants du littoral de la Chine du Sud, cultivateurs de millet et de riz, commencent à traverser le détroit pour s'installer à Taïwan. Vers 2 000 av. J.-C., des migrations ont lieu de Taïwan vers les Philippines. De nouvelles migrations commencent bientôt des Philippines vers Célèbes et Timor et, de là, vers les autres îles de l'archipel indonésien. Vers 1 500 av. J.-C., un autre mouvement mène des Philippines aux îles du Pacifique. Les Austronésiens sont sans doute les premiers navigateurs de l'histoire de l'humanité.
Les Manahune furent les premiers habitants de Tahiti.
Mont Orohena (2 241 m) : le mont le plus élevé de l’île.
Marae : temple à ciel ouvert, dont les prêtres avaient, outre le service du culte divin, la charge de confirmer le rang et les droits de chaque prince régnant, et de chaque chef de famille importante. L'enceinte ainsi que tout ce qui faisait partie du marae étaient tapu, c'est-à-dire sacrés, seuls les ayants droit y étaient admis. Le premier marae royal de Hitinui (Tahiti) fut construit à l'avènement du roi Tetuana’e nui.
Les ancêtres : pour Vavau (Bora-Bora) les généalogies ne remontent pas au-delà de Ofa'i-Honu, premier arii (roi) connu, appartenant à une lignée royale différente de celle de Havai'i.
Il existe encore dans l'île, une grande pierre taillée en forme de tortue appelée Ofa'i-Honu (Pierre-Tortue). Cette pierre appartenait à Ofa'i-Honu et symbolisait sa souveraineté sur l'île. Il épousa Hohora'i qui lui donna un fils, Firiamata-o-Vavau. C'est à la naissance de ce dernier que le nom de Vavau fut donné à l'île et le marae ou temple de Vaiotaha fut édifié en son honneur.
Vavau fut des générations durant, le premier nom de l'île Porapora et Vaiotaha le premier marae royal de l'île sur lequel Firiamata-o-Vavau fut intronisé solennellement Ariinui ou souverain de Vavau. Ce prince plus connu sous le nom de Vavau, épousa la princesse héritière de Havai'i, Tetuamatatini i Vaeara'i, petite-fille de Taaroa-nui-tahi-tumu i Vaeara'i. Ainsi, dès les origines, les deux dynasties de Havai'i et de Vavau s'unirent par les liens du mariage ; elles devaient continuer à régner sur ces îles et plus tard sur Tahiti.
Ces alliances matrimoniales étaient recherchées par les familles régnantes des ces deux îles dans le but de maintenir la paix entre ces deux royaumes.
Vavau, grand guerrier et illustre navigateur, après avoir eu un fils, Te-ohu-mata-tua-o-Havai'i, ne put résister à l'appel du large. Il s'embarqua pour un long voyage à travers les déserts océaniques et parvint à Nuku-Tere (Rarotonga) où il connut la belle To'amu, laquelle lui donna un fils appelé Mana-tere-i-te-pô.
Ce fils devint comme son père un grand navigateur ; son pahi (grande pirogue double) s'appelait Taaroa-nui-mai-tu-ra'i. Il partit pour Hitinui (Tahiti), où il épousa Taurua-horo-po'ipo'i de Vaiari (Papeari).
Mais Vavau reprit la mer et réussit à gagner Avaru (Nouvelle-Zélande) où il eut deux fils : Tepou et Tu-hoho'i-ru. Ils grandirent près de leur mère, car leur père poursuivit ses voyages d'exploration qui le menèrent à Nukalofa (Tonga). Dans cette île, il rencontra Papauri dont il eut un fils nommé Papatea.
Au retour de ce long voyage, Vavau visita les îles Tuamotu, où il connut Te-arii-o-te-ra'i vahine. De cette liaison naquirent : Tiihopu, Taehau et Rere-i-hotu. Ce dernier fils à l'exemple de son père devint un grand navigateur. L'histoire raconte qu'il sillonna, lui aussi, le grand Océan et parvint jusqu'à Oahu (îles Hawaii) où il se fixa.
C'est à l'époque de Firiamata-o-Vavau, vers le milieu du IXe siècle, qu'un groupe important de chefs guerriers quitta Havai'i (Raiatea) pour des raisons politiques et démographiques. Il arriva à Hitinui (Tahiti) et débarqua à la pointe de Taunoa dans le district de Vaiari (Papeari).
Les Manahune, premiers habitants de l'île, s'opposèrent à l'établissement de ces colons, mais les grandes familles de Vaiari, Papara, Punaauia firent exception, préférant l'alliance avec les nouveaux venus, des guerriers dont la supériorité paraissait éclatante. La lutte du petit peuple manahune ne dura pas longtemps ; après quelques combats, la supériorité technique des guerriers de Havai'i s'imposa. Les Manahune qui ne voulurent pas se soumettre aux vainqueurs se réfugièrent dans les montagnes ; ce sont les ancêtres de ceux qui seront appelés plus tard les « taetaevao ».
Le Phare de la Pointe Vénus est situé dans la commune de Mahina, à l’extrême nord de l’île de Tahiti.
La vahiné est la femme tahitienne. C'est une icône de l'imagerie occidentale vis-à-vis du mythe polynésien depuis le XVIII e siècle. Gauguin lui réserva également une place de prédilection dans ses tableaux.
samedi 5 décembre 2009
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