jeudi 7 août 2014

EFFEUILLAGE AMOUREUX DU CHAGRIN



EFFEUILLAGE AMOUREUX DU CHAGRIN

La robe sur le porte-manteau,
Ô ma mère, est-ce la vôtre ?
Votre parure sans vous,
La vie sans la vie !

Silence de la clarté
Reconquise de haute lutte !

Et cette déchirante allégresse de la douleur,
Sa force aérienne, sa sainteté créatrice !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 7 août 2014

dimanche 9 février 2014

Frontières inachevées du songe (poème N°1 français / anglais)

1.
La mauve gravité des jours,
Le rouge au pourtour dentelé du coucher du soleil,
Poèmes et rêves, frontières inachevées
Entre le cœur et la hâte du temps.

ENGLISH :
1.

The mauve gravity of days,
The red lace edge of the setting sun,
Poems and dreams, still unsecured borders
Between the heart and rushing time.

Tranduit en anglais par Norton Hodges

Frontières inachevées du songe - poème 101 (français / anglais)



101.

La Fête des morts,
Je suis seul devant l’abîme de ce jour,
J’allume une bougie, tombe à genoux
Et dis à haute voix la prière
Apprise par cœur dans l’enfance !

Et soudain, tremblant, j’entends
L’émouvante, la pure voix de ceux
Qui m’ont tant aimé :

« Bonjours, Athanase,
Nous sommes là, chéri, toujours là,
Dans chaque parole de ta prière,
Dans chaque frisson
De la flamme de la bougie ! »

Ô mon Dieu, comme il est merveilleux
Le chant amoureux de la lumière !

Mes morts, laissez-moi caresser
Longtemps vos noms !


ENGLISH :

101.

All Souls Day,
I’m alone before the abyss of the day,
I light a candle, fall to my knees
And say aloud the prayer
I learned by heart in childhood!

And suddenly, trembling, I hear
The moving, pure voices of those
Who once loved me so much:

Our greetings to you, dear Athanase,
We’re here, always here,
In every word of your prayer,
In every tremor
Of the candle flame.

O Lord, how marvellous is
The loving song of the light!

My lost loved ones, let me spend long hours
Caressing your names!


Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracyby Norton Hodges

Poème extrait du recueil “Frontières inachevées du songe”.

mercredi 5 février 2014

Nazik Al-Mala'ika (français / anglais)



NAZIK AL-MALA’IKA

Nazik Al-Mala’ika, ma Sœur arabe,
Ce matin, j’ai mis des roses blanches
Devant ton portrait jauni de jeune fille !

Toi qui écartais les nuages
Pour monter dans le monde des astres !

Je lis, frissonnant d’envoûtement,
Tes vers tissés de la lumière de ton cœur !

Et voici que ta terre bénie
Bruit dans les forêts vertes de mon lit,
Des oiseaux chantent et l’eau du Tigre
Coule entre la blancheur de mes draps.

Les étoiles, le soleil et les larmes
Qui ont fait naître tes poèmes immortels
Ouvrent les murs qui m’entourent
Comme un livre qui fait l’éloge
De l’éternité !

Ah, toutes tes pensées impérissables
Qui ont connu, Nazik,
Les mêmes mots vivants que moi !

Glose :
Nazik Al-Mala'ika (1922-2007) : (en arabe : نازك الملائكة)). Une des plus grandes poètes irakiennes. Al-Mala'ika est célèbre pour avoir été la première à écrire des vers libres en arabe. Elle naquit à Bagdad dans une famille cultivée : sa mère était déjà une poétesse et son père professeur de lettres. Elle montra son talent très tôt en écrivant son premier poème à 10 ans. Al-Mala'ika obtint en 1944 son diplôme du Collège des Arts à Bagdad et plus tard un Master en littérature comparée à l'Université du Wisconsin.
Son premier livre de poésie publié est intitulé Ashiqat al-Layl (L'Amante de la Nuit). En 1949 suivit Shazaya wa Ramad (Étincelles et Cendres). En 1957 vit le jour son recueil Qararat al-Mawja (Le bas de la Vague).  Son dernier livre Arbre de la Lune fut publié en 1968.
Al-Malaika enseigna dans de nombreuses écoles et université. Elle quitta l'Irak en 1970 avec son mari Abdel Hadi Mahbooba et sa famille après l'accession au pouvoir du parti Baas. Elle vécut d’abor au Kuweit, jusqu'à l'invasion du pays par Saddam Hussein en 1990. Al-Malaika et sa famille partirent alors pour Le Caire, où elle vécut le reste de sa vie.
ENGLISH :

Nazik Al-Mala’ika

Nazik Al-Mala’ika, my Arab Sister,
This morning I put white roses
In front of the yellowed portrait
Of you as a young girl!

You who parted the clouds
To ascend into the world of the stars!

I read, shivering with bewitchment,
Your verses woven from the light of your heart!

And now your blessèd homeland
Resounds in the green forests of my bed,
Birds sing and the waters of the Tigris
Flow between the whiteness of my sheets.

The stars, the sun and the tears
That gave birth to your immortal poems
Open up the walls that surround me
Like a book giving praise to
Eternity!

Ah, all your deathless thoughts,
Nazik, which well knew
The same living words as I!

Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges

dimanche 2 février 2014

Nazik al-Mala'ika



NAZIK AL-MALA’IKA

Nazik Al-Mala’ika, ma Sœur arabe,
Ce matin, j’ai mis des roses blanches
Devant ton portrait jauni de jeune fille !

Toi qui écartais les nuages
Pour monter dans le monde des astres !

Je lis, frissonnant d’envoûtement,
Tes vers tissés de la lumière de ton cœur !

Et voici que ta terre bénie
Bruit dans les forêts vertes de mon lit,
Des oiseaux chantent et l’eau du Tigre
Coule entre la blancheur de mes draps.

Les étoiles, le soleil et les larmes
Qui ont fait naître tes poèmes immortels
Ouvrent les murs qui m’entourent
Comme un livre qui fait l’éloge
De l’éternité !

Ah, toutes tes pensées impérissables
Qui ont connu, Nazik,
Les mêmes mots vivants que moi !

Glose :
Nazik Al-Mala'ika (1922-2007) : (en arabe : نازك الملائكة)). Une des plus grandes poètes irakiennes. Al-Mala'ika est célèbre pour avoir été la première à écrire des vers libres en arabe. Elle naquit à Bagdad dans une famille cultivée : sa mère était déjà une poétesse et son père professeur de lettres. Elle montra son talent très tôt en écrivant son premier poème à 10 ans. Al-Mala'ika obtint en 1944 son diplôme du Collège des Arts à Bagdad et plus tard un Master en littérature comparée à l'Université du Wisconsin.
Son premier livre de poésie publié est intitulé Ashiqat al-Layl (L'Amante de la Nuit). En 1949 suivit Shazaya wa Ramad (Étincelles et Cendres). En 1957 vit le jour son recueil Qararat al-Mawja (Le bas de la Vague).  Son dernier livre Arbre de la Lune fut publié en 1968.
Al-Malaika enseigna dans de nombreuses écoles et université. Elle quitta l'Irak en 1970 avec son mari Abdel Hadi Mahbooba et sa famille après l'accession au pouvoir du parti Baas. Elle vécut d’abor au Kuweit, jusqu'à l'invasion du pays par Saddam Hussein en 1990. Al-Malaika et sa famille partirent alors pour Le Caire, où elle vécut le reste de sa vie.

mardi 28 janvier 2014

Deux poèmes en chinois

Poems by Athanase Vantchev de Thracy(阿沙納斯.凡切夫.德.薩拉西)
Translated by Lee Kuei-shien, Taiwan
李魁賢  譯

自由的美學
L'esthétique de la liberté
給法妥斯.阿拉琵

此外無其他住所
觀賞破曉,除了死亡

畢貢加里、彼埃羅


你的話語閃亮著技巧
在孚洛拉寧靜的空氣中,
那城市設在亞德里亞海
開闊的水面上
容貌高貴得像晶瑩的清晨!

海岸整體一致的美
無論人為或是偶然意外
都不會減少分毫嫵媚!

你譜出的迷人音樂
像大夜的床頭燈
伴著內心深濃的孤寂!

你的靈性以光明交織
是承諾繁花盛開的王國,
嬴得慈悲移情同感
以及法老的慷慨寬懷!

你是伊利里亞的吟遊詩人
刻畫出忠實的幸福
擺脫恐怖的威脅
且以絕對無限的字眼
讚美你故鄉的名號!

你的怍品,都在讚美,
是光明的五洲大陸
對抗我們時代無常黑暗!

如今你透過評論歌唱
正是我所愛的教諭!

波動的朋友呀
別讓慈善神明的淚水
滴落在我們的傷口!

註:給法妥斯.阿拉琵(Fatos Arapi,  b. 1930)是阿爾巴尼亞文學泰斗,在孚洛
拉(Vlora)受完中學教育後,到索菲亞(Sofia)進修數學和經濟學。擔任
記者多年, 然後在地拉那(Tirana)教歷史和哲學,出版詩集十餘部。
畢貢加里、彼埃羅(Bigongiari Piero , 1914-1997)是義大利20世紀著名詩
人。


詠伊麗莎白.布朗寧
Elizabeth Barrett Browning

炫目的愛情,心靈的意外救主
凸顯帝國統制下的死亡,
前方溫柔的路途,淨心若僧尼
把薔薇的心聯結夏日的自然。

慌亂的手親筆書寫的詩歌,
大膽敘說光明擁抱的天堂
語氣比聖人禱告更純潔
令天使的音樂在夜裡失聲!

馬爾薩斯排闥高興蒞臨,
雙唇因羞怯擦傷而變蒼白
悲愁的寒冬讓恐懼結晶

在苦悶的胸懷被暈眩掃空!
她被感情升華的熱火俘虜
變成害怕、高山、天空、深淵!

註:伊麗莎白.布朗寧(1806~1861)是英國女詩人,與詩人愛德華(Robert Browning)
絕璧雙輝。詩集以《葡萄牙十四行詩》最著名,里爾克曾譯成德文。

Huit poèmes en géorgien

ატანას  ვანჩევ  დე  ტრასი


თარგმანი პაატა ნაცვლიშვილისა





seneca / сенека

სენეკა


რომის ღირსება, ძლიერება, სინდის-ნამუსი,
და ესპანეთის თავისუფალი სული მაღალი!..
შენ სიკვდილი სულ სხვაგვარი სევდით აღგვავსებს
ამქვეყნიური ტრაღედიებით დასტურ დაღალულთ.





LE BRUIT DU MATIN / ЗВУКИ УТРА

დილის ხმები
„ბაღში სუფეს სიჩუმე და ციმციმი ნამის“.
მარია ვოლტორტა
„ქრისტეს ვნება“

მოდის და მოდის ბგერები დილის
და განიბნევა ჩემი ოთახის სიმყუდროვეში.

და შაშვის მღერა,
მაღალი ბგერა,
გამჭვირვალე და
ყოვლისმომცველი,
აცოცხლებს დროჟამს!

და მღერა იგი სოფელივით სადა არის და ბუნებრივი
და დიადი თეოკრიტეს
გენიალურ ქმნილებებს მოჰგავს.

იგივ მუსიკა,
იგივ გრძნობა,
ბუნებით სავსე
და მთების გული,
რომელიც წყაროს სიცოცხლეს აძლევს.

და უცებ უფრო ნათლად, მკაფიოდ,
გამჭვირვალედ და
გულში ჩამწვდომად
ქრისტეს ხმა ისმის:

იწამეთ უფალი!

და მე ხმა იგი
დიდებული სიმშვიდით მმოსავს.

სიტყვები მისი, უღრუბლონი, სურნელოვანნი,
ვარდის ჯერ კიდევ გაუშლელ კოკორს
თანდათან აზრს და ძალას აძლევენ.

და თავს გვატყდება დღე, როგორც ზვავი!

რუეი-მალმეზონი, შაბათი, 14 ივნისი, მადლიანი წელი XXVIII


შენიშვნები:

მარია ვოლტორტა (1897–1961): იტალიელი მისტიკოსი. დაიბადა კაზერტაში 1897 წლის 14 მარტს და მაშინვე მოხვდა ძიძის ხელში. ოჯახში მხოლოდ წლინახევრისა დააბრუნეს. დედამისს, ინტელიგენტურ, მაგრამ სასტიკ ქალს, იგი არ უყვარდა და მთელი ცხროვრების მანძილზე აგრძნობინებდა ამას. ერთადერთი ნუგეში მარიათვის მამამისი იყო, რომლის წყალობით შეიგრძნო მან მამა-ღმერთის სიკეთე.
მამამისი პროფესიონალი სამხედრო იყო და ბევრს მოგზაურობდა, ამიტომ მარია ხან კაზერტაში ცხოვრობდა, ხან ფაენცაში, ხან მილანში, ხან ვოგერეში, ხან ვიარეჯიოში და ხანაც ფლორენციაში.
თავიდან მარია მილანის ურსულელთა საბავშვო ბაღში დადიოდა. სწორედ აქ, სამლოცველოს შთამბეჭდავი ჯვარცმის შემყურემ შეიცნო მან „ღვთაებრივი სიკეთის გამოუთქმელი საიდუმლო“. 12 წლისა იგი მონცის ბართოლომეა კაპიტანოს დედათა ტექნიკურ კოლეჯში შევიდა, სადაც ხუთი წელი ლიტერატურისა და ისტორიის შესწავლაში გაატარა. 1917 წლიდან 1920 წლის ზაფხულამდე  მარია მოწყალების დად წავიდა ომში. დედამისმა ორჯერ უღირსი მეთოდებით ჩაუშალა მას ნიშნობები.
მას შემდეგ მარია მიხვდა, რომ ღმერთს სურდა, მთელი სიცოცხლე მისთვის მიეძღვნა. 1925 წლის 25 იანვარს მან, ტერეზა ლიზიოს მსგავსად, საკუთარი თავი მოწყალების სიყვარულის სამსხვერპლოზე მიიტანა. 1929 წლის დეკემბრიდან, სამი წლის განმავლობაში, „აკსიონ კატოლიკში“ მუშაობდა. რევოლუციონერების მიერ მძიმედ დაჭრილს, საშინელი ტკივილებით გაწამებულს, მას დამბლა დაეცა. 1934 წლიდან იგი ლოგინს მიეჯაჭვა.
აქედან იწყება მისი სიცოცხლის მეორე ნაწილი – ნაყოფიერი სამწერლო კარიერა, რომელსაც საოცარი მისტიკური ცხოვრება ახლდა. რვა წლის მანძილზე, 1943-დან 1951-მდე მან 17 ტომი დაწერა, რომელთაგან ათს ერთნაირი სათაური ჰქონდა – „პოემა ღმერთკაცზე“.
მარია ვალტორტა გარდაიცვალა 1961 წლის 12 ოქტომბერს.
თეოკრიტე – ბერძენი პოეტი. დაიბადა ძველი წელთაღრიცხვის დაახლოებით 315 წელს. ბიოგრაფიული ცნობები მის შესახებ ძალზე მცირეა. მისი თქმით (იდილია 28), იგი დაიბადა სირაკუზში, სიცილიაზე. ამის მიუხედავად, ტრადიცია მას კოსის მკვიდრად მიიჩნევს, რაც იმას ნიშნავს, რომ იგი პტოლემეოს II-ის აღმზრდელის, პოეტ ფილეტის მზრუნველობის ქვეშ იყო. მისი მეგობრობა კუნძულ კოსის მკვიდრ ექიმ ნისიასთან და ადგილობრივი მითოლოგიის ღრმა ცოდნა ამ ტრადიციის სასარგებლოდ მეტყველებს. იგი მიღებული იყო ალექსანდრიის კარზე, რასაც ადასტურებს მისი იდილია 17, პტოლემეოს II-ის ქება. იდილია 16 კი მიუთითებს, რომ იგი მოგვიანებით ჰიერონ II სირაკუზელის კარზეც მიიღეს. მისი სიკვდილის თარიღი ჩვენთვის უცნობია.
თეოკრიტე ბერძნული იდილიური პოეზიის ფუძემდებლად ითვლება.






L’ÉPITAPHE DE LYSANDRE  / ЭПИТАФИЯ ЛИСАНДРА

ლისანდრეს ეპიტაფია

ო, წამიერად, გამვლელო, შესდექ!
და დაუმშვენე სულ მცირე ხნით გვერდი ლისანდრეს.
ჯერ კიდევ გუშინ ის მშობელთა სინათლე და იმედი იყო,
დღეს კი მათ გულებს მწუხარების უფსკრული ხეთქავს.

და თუ ოდესმე კლეონი შეგხვდა,
უთხარ, კეთილო მეგობარო, გვედრი, უთხარი,
რომ მის ამბორთა მხურვალე ცეცხლი
ამ ჩემს გაყინულ სხეულსაც ათბობს.

შენიშვნები:

ლისანდრე – ბერძნული სახელი, ნიშნავს განმათავისუფლებელს. სიტყვებიდან: „ლიზის“ – „განთავისუფლება“ და „ანდროს“ – „ადამიანი“.

კლეონი – ბერძნული სიტყვიდან „კლეოს“, რაც „დიდებას“ ნიშნავს.

O NOTRE DAME DES OUBLIES ! / О БОЖЬЯ МАТЕРЬ ПОЗАБЫТЫХ!

ო, ღვთისმშობელო დავიწყებულთა!

ჩემს უსაყვარლეს დეიდას, მარია დე სირაკოვოს

„ის მხოლოდ მისი ბეჭდებით იცნეს“.
ოსკარ უაილდი
„დორიან გრეის პორტრეტი“

ო, რა დიდია ეს ჩემი გული!
და რა ვიწროა ეს ოთახი!
და რა ბევრია ამ ოთახში  წიგნი,
აღსავსე ამქვეყნიური სიბრძნით და შუქით.
და რა ბევრია ამ წიგნებში სიტყვა და სიტყვა.
და რა ბევრია ამ წიგნებში
ჩიტების სტვენა,
იმ ჩიტებისა, ჩვენს სახელებს რომ ინახავენ.
იმ ჩიტებისა, რომელთა სული
ფანჯრებიდან შემოფრენილ შუქს ემატება.

აჰა, წიგნები! – მათში ჩემი მშობელი მხარის
ბაღ-ვენახები აყვავებულან.
ჩემი ხალხი, ჩემი ხეები, ჩემი ჩიტები,
დიდპატარანი –
უფერულიდან დაწყებული
ცისარტყელისებრ მრავალფერად ამღერებულნი
ამ წიგნებში აყვავებულან

ო, სულო ჩემო, გთხოვ, მიმიშვა ამ იდუმალი დღის ნაპირას,
ვით ნაზი სიტყვა ღამისმიერ სიმყუდროვეში!

ო, ღვთისმშობელო თვინიერთა,
უთქმელთა და დავიწყებულთა!
ღვთისმშობელო, მოწყალეო,
მოდი, აღბეჭდე შენი ამბორი
დამაშვრალთა ცივ სხეულებზე.

და მაზიარე საიდუმლოს ამ სამყაროს სიხარულების
ჩრდილოეთიდან სამხრეთისკენ
და აღმოსავლით დასავლეთისკენ.
შენ განწმინდე ჩემი ფიქრები და მომეც ძალა,
რომ აღვმართო მარადიული ჰარმონიის წმინდა ტაძარი
სუყველა სახლში, სადაც ჩემსავით თავს აფარებს
ყველა, ვინც იცის ხმიადის ფასი,
ყველა, ვინც იცის ოფლისა და ცრემლების ფასი.

შენ შეგვეწიე მეც და იმათაც,
რომ დაღლილობას ამქვეყნიურს
პურისა და ველურ მარწყვის გემო მიეცეს,
როგორც საზღაურს დამაშვრალთა
ძალისხმევისთვის
ამ ცხოვრების აუტანელ სისასტიკეში.

ფლერინის მამული, შაბათი, 21 აპრილი, Anno Domini XXVI


VOX CORDIS / ГОЛОС СЕРДЦА

VOX CORDIS

მარკიზა დე რამბუიეს

მე ეს ლექსი თქვენთვის მინდა, მშვენიერო მარკიზა,
თითქოს თქვენი თვალებია, არის ისე ნათელი,
თქვენზე ფიქრში დაღალული, თქვენზე ღამენათევი,
ეს ოცნება თქვენ გეძღვნებათ, მშვენიერო მარკიზა!


შენიშვნები:

Vox cordis – „გულის ხმა“ (ლათინური გამოთქმა).

მარკიზა დე რამბუიე (1588–1665): წარმოშობით იტალიელი კატრინ დე ვივონი ესპანეთის ელჩის, პიზანის მარკიზის ჟან დე ვივონის ქალიშვილი იყო. მას ეკუთვნოდა პარიზის პირველი სახელგანთქმული სალონი, რომელიც ლუვრის შენობამ შეიწირა. მარკიზა რამბუიეს სალონმა დიდი გავლენა იქონია იმ პერიოდის ფრანგულ ლიტერატურასა და ენაზე. მოლიერმა ამ სალონის მუდმივ სტუმრებს დასცინა თავის პიესაში „სასაცილო პრანჭიები“. პრანჭიებმა მნიშვნელოვანი როლი შეასრულეს ფრანგული ლექსიკის განვითარებაში.

მარკიზას დე რამბუიეს სალონში ფართოდ იყვნენ წარმოდგენილი ქალები, მაშინ, როცა სხვა სალონებში ძირითადად მხოლოდ მამაკაცები დაიარებოდნენ. ამისათვის მარკიზამ შექმნა ესკადრონი კარგი წარმომავლების ქალიშვილებისა, რომლებიც თავისი სილამაზითა და გონიერებით ამშვენებდნენ სალონს. ერთ-ერთი მათგანი, მისი ქალიშვილი ჟიული დ’არჟენი სალონის სტუმარ პოეტთა შთაგონების წყაროდ იქცა; იქამდე, რომ მისი ერთ-ერთი თაყვანისმცემელი, ვუტიური, 50 წლის ასაკში მის გამო დუელშიც კი გავიდა.






L’ARDENT DÉSIR, CHLOÉ / ЖГУЧЕЕ ЖЕЛАНЬЕ, ХЛОЯ


მწველი სურვილი, ქლოე

„სინაზისგან და სიყვარულისგან დაგმძიმებიათ ქუთუთოები“.
პოლ ლე სილიანსიერი

მწველი სურვილისაგან ტანი მითრთის, ქლოე,
კვიპაროსის ბრალია, გაზაფხულის სუნთქვის,
მაგ თვალების ფირუზი, საფირონი სულთქმის
ციური სილამაზის ცეცხლში მიმაქროლებს.

რუეი-მალმეზონი, ორშაბათი, 7 აპრილი, Anno Domini XXVIII


შენიშვნა:

პოლ ლე სილიანსიერი (VI საუკუნე): ბიზანტიელი პოეტი, მაღალ მოხელეთა წრიდან გამოსული და დიდი ქონების მემკვიდრე. სახელი დაერქვა იმის გამო, რომ იყო სოლიანსიერი ანუ მდივანი იმპერატორ იუსტინიანესი. მის კალამს ეკუთვნის „აია სოფიას აღწერა“, 1029 ლექსისაგან შემდგარი პოემა და „პითიის აბანოთა აღწერა“, აგრეთვე 89 ეპიგრამა – გრაციოზული თუ ვნებიანი, მანერული თუ სახალისო.



OH, QU’ATTENDONS-NOUS ? / АХ, НУ ЧЕГО Ж МЫ ЖДЁМ?

მაშ, რაღას ველოდებით?

გიორგი ტოლსტოის

„ოდეს ვიქცევი იგავად სამკურნალო ბალახთა შემგროვებლისა“.
ჟიუდ სტეფანი

თქვენი სიტყვები, ნათელი, ვით მაისის დილა,
თითქოსდა სინჯავთ აბრეშუმს ხელით,
დღე გაზაფხულის მღელვარებით, თავადო, გელით,
მართალი სული არემარეს ანათებს თბილად.

თქვენი სიტყვებით – დრო ქცეულა უსასრულობად,
განვლილი წლები გადავშალოთ ფურცელ და ფურცელ.

პარიზი, 25 იანვარი, 2009

ამ ლექსს ვუძღვნი ახალგაზრდა სანკტ-პეტერბურგელ ფოტორგაფს გიორგი ტოლსტოის

შენიშვნა:

ჟიუდ სტეფანიჟაკ დიუფური (დაიბადა 1930 წლის 1 ივლისს). პოეტი, ნოველისტი, მორალისტი. მრავალი წიგნის ავტორი. მიიღო განათლება სამართლის, ფილოსოფიისა და ლიტერატურის სფეროებში. ბერნეის ლიცეუმში ასწავლიდა ფრანგულ, ლათინურ და ბერძნულ ენებს. ცხოვრობდა ორბეკში. პოეზია მასთან სიტყვებისა და ენების გემოს შეგრძნებით მივიდა. ბერტრანისადმი მიწერილ ბარათში ამბობს, რომ იგი წერს „მხოლოდ იმიტომ, რომ არ მოკვდეს დამუწული პირით“. და ამატებს, რომ „იმედი აქვს, არ მოესწრება XXI საუკუნეს, როცა ლიტერატურა დაეცემა და ადგილს გამოსახულებას დაუთმობს“. 1985 წელს ჟიუდ სტეფანმა მაქს ჟაკობის პრემია მიიღო, 2000-ში კი – ქალაქ პარიზის პრემია პოეზიაში.









LES TEMPS ORDINAL  / ПОРЯДКОВОЕ ВРЕМЯ

ორდინალური დრო

აბდულ ქაზიმ ჰასან იბნ აჰმად უნსური ბალხს

„დე, იქცეს ფერფლად, რაც ღირსია გაცამტვერების“.
რაბინდრანათ თაგორი

მის სულს ფლეიტა ბალახების ავსებს მუსიკით,
ცისფერ ფიალას აირეკლავს თვალების ჩერო,
ბაგეთ სურნელი, სხვა რა დაგვრჩა, ბატონო ჩემო,
დაუწერელი ასოების კითხვა უსიტყვოდ?

რუეი-მალმეზონი, 8 ივნისი, 2008


შენიშვნა:

აბდულ ქაზიმ ჰასან იბნ აჰმად უნსური ბალხი (დაახლოებით 968-1050 წწ) – ერთ-ერთი უდიდესი სპარსელი პოეტი. ინფორმაცია მისი ახალგაზრდობის შესახებ არ მოგვეპოვება. სულთან მაჰმუდის მმართველობის დასაწყისში (დაახლოებით 1008 წელს) სულთნის უმრწემესმა ძმამ, ამირ ნასრ იბნ ნასირ ალ-ვაკარმა უნსური სულთნის კარზე წარადგინა, რის შემდეგაც უნსური სულთნის ერთ-ერთ ყველაზე ახლო მეგობრად იქცა. იგი ყველაზე სასურველი პოეტი იყო ორი სულთნის – მაჰმუდისა (1008-1030) და მისი შვილის მასუდის (1030-1041) კარზე. ამბობენ, რომ უნსურის დივანი (ლექსთა კრებული) 30 000 ლექსისგან შედგებოდა. მათგან ჩვენამდე მხოლოდ 2500 ბაიათია მოღწეული.

Divine dignité du Verbe (français / breton)

CLXX.

Vivre, me tenir entre le son et la lumière,
Être sauvé par une parole pure se tenant
Près de l’archange qui soutient, agenouillé,
La sainteté des autels.


(Poème extrait du recueil de poésies « Divine dignité du Verbe paru en 2013)

BRETON :

CLXX

Bevañ, bout a-sav etre ar son hag al luc'h,
Bout savetaet gant ur gomz c'hlan a sav
Tost d'an arc'hael a souten, daoulinet,
Santelezh an aoterioù.

Traduit en breton par Fabrice Coupechoux

Treize poèmes en esperanto (Divine dignité du Verbe)

Athanase Vantchev de Thracy

Divine dignité du verbe
Dia digno de la vorto

Esperantigo de Amerigo Iannacone (traduit en esperanto par Amerigo Ianncone)

I.
La splendeur des camélias, le cristal de la brise,
Âme, garde le sourire
Qui tient à distance le désespoir!

La brilo de la kamelioj, la briza kristalo
gardu, mia animo, la rideton
kiu tenas for la desperon!

II.
Je contemple la tribu laborieuse des fourmis,
Leur optimisme coriace et ingénu –
Admirable, prodigieuse solidarité d’entrailles!

Mi observas la laboreman tribon de la formikoj,
ilian obstinan kaj naivan optimismon –
admirinda mirakla viscera solidareco!

III.
Je lis Lucien sous les fines dentelles
De l’ombre féerique des bouleaux –
Atargatis, Dea Syria, veilles-tu encore sur ta patrie?

Mi legas Lucianon sub la fajnaj puntoj
de la magia ombro de la betuloj
Atargata, siria diino, ĉu vi ankoraŭ prigardas vian patrujon?

IV.
Quelqu’un jette des roses blanche sur l’eau de la source,
Le taffetas de l’oubli recouvre doucement les souvenirs
Au goût vertigineux de madiran.

Iu ĵetas blankajn rozojn sur la akvon de la fonto,
la forgesa tafto milde kovras la memorojn
en la vertiĝa aromo de la madirano.

V.

Dehors, les pommiers se recouvrent de fleurs,
Un rameau frappe contre ma vitre
Et me dicte le premier vers d’un poème printanier!

Ekstere, la pomarbejo sin kovras per floroj
branĉo frapas ĉe la fenestro kaj diktas al mi
la ununa verson de printempa poeziaĵo.

VI.

La mélodie captivante des seigles mûrs,
L’affolante immensité du ciel thrace,
Arômes et brise m’empêchent de dormir la nuit!

La alloga melodio la matura sekalo,
la konsterniga senlimeco de la Trakia ĉielo,
aromoj kaj brizo ĉi-nokte malebligas al mi la dormon...

VII.

L’abeille qui embrasse avec acharnement
Le chardon flamboyant –
Ô suave lexique de la tendresse pure!

La abelo kiu brakumas obstine
la flamantan kardon
ho milda leksiko de la pura tenereco!

VIII.

Le feu crépite joyeusement dans l’âtre,
Près de lui résonne le rêve de mon chat –
Est-il au monde joie plus délicieuse?
La fajro gaje kraketas en la kameno,
apud ĝi aŭdiĝas la revo de mia kato –
ĉu estas en la mondo pli delica ĝojo?

IX.

Il est né le petit veau
Sur un tapis de marguerites blanches –
Pleins d’azur sont les yeux de sa jeune mère!

Naskiĝis la eta bovido
sur tapiŝo de blankaj lekanotoj
lazurplenaj estas la okuloj de ĝia juna patrino.

X.
La haute montagne,
La chorale féerique des cimes –
La neige qui recouvre de ses baisers tout!

La alta montaro
la fea ĥoralo de la pintoj –
la neĝo kiu kovras ĉion per sia kisoj...

XI.

Les coccinelles apportent sur leurs ailes
Le crépuscule. Les capucines embaument le soir,
Un enfant, assis au seuil de l’antique maison, chante!

La kokcineloj portas sur iliaj flugiloj
la krepuskon. La nasturcioj parfumas la vesperon.
infano, sidanta tere en la antikva domo, kantas.

XII.

Une cétoine dorée brode sur la soie de l’aurore
Son poème solitaire –
L’ortie brûlante écoute, envoûtée, le chant de ses ailes.

Orkolora cetonio brodas ĉe la aŭrora silko
sian solecan poemon –
la urtiko brulante aŭskultas, ravite, la kanton de ĝiaj flugiloj

XIII.

Dans l’humble église italienne, une femme implore :
Seigneur, ne retire point Ta lumière
De moi et de mes enfants,
Ne nous laisse pas devenir néant.

En la humila itala preĝejo, virino petegas:
Sinjoro, ne retiru Vian lumon
de mi kaj de miaj gefiloj,
ne lasu nin iĝi nenio.

Père

PÈRE

« Le malheur de t’avoir perdu ne doit pas me faire oublier
le bonheur de t'avoir connu ».

Anonyme

Je dédie ce poème au merveilleux père
De mon Ami et Poète Giuseppe Napolitano

Père, j’entends tes pas
Sur les dalles aériennes de mon âme !
Tu me souris entre l’argent des feuilles
Et l’or des sèves !

Père, tu ne dis rien,
Mais ton allure inspirée par le génie
De la divine simplicité,
Emplit l’air du soir
De vigueur, de grâce et de félicité !

Père, tu as été, tu es la preuve rayonnante
De la nudité transparente d’une vive
Et éternelle vérité !

Je contemple les lettres de feu
Des marronniers en automne,
La féerie élégante des épigrammes
De la neige et du givre
Sur les vitres silencieuses de janvier
Qui disent que le mystère
De la mort est la vie !

Et j’écoute, ému comme le ciel de mai,
La mélodie chaude, intime et lente des heures
Qui se mue doucement en larmes d’espoir !

Toi, père, musique de la mémoire
Qui illumine le cœur cicatrisé
Et soutient sourdement le monde !

Oui, père, tout en nous est mis
Dès le début !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 17 janvier 2014

EVOCATION (français / anglais / allemand)

ÉVOCATION

« Nous nous en souviendrons de cette planète »

Villiers de l'Isle-Adam

Nous marcherons au bord de l’été,
Sans dire mot, calmes comme
Le vol des libellules dans le sourire de l’air.

Puis, le soir, nous nous assiérons
Au bord de la mer amoureuse
Des profondeurs des cieux.

Et tout autour de nous
Sera infiniment beau et doux
Comme la prière d’un enfant
Avant de poser sa tête délicieuse
Sur le cœur généreux du sommeil
Avec le même désir de rien et de tout !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 22 janvier 2014

Glose :

Jean-Marie-Mathias-Philippe-Auguste de Villiers de L'Isle-Adam, dit le comte puis, à partir de 1846, le marquis de Villiers de L'Isle-Adam (1838-1889) : écrivain, romancier, nouvelliste, dramaturge et poète français. Cet auteur a joué un grand rôle dans la naissance du symbolisme français. Il fut un grand admirateur de Poe et de Baudelaire, un passionné de Wagner et un ami de Mallarmé.
Cet aristocrate qui défendit la monarchie est en fait résolument moderne en esthétique. Familier de l'irréel, il part de postulats étranges, hors de toute réalité. Idéaliste impénitent, le rêve seul l'enchante et l'exalte, non sans s'accompagner d'une ironie sombre qui reste sa marque. Comme peut-être aucun autre écrivain, il a su allier, selon Mallarmé « les deux modes en secret correspondants du rêve et du rire ». Cette conception du rêve (et une grande part de sa philosophie), il la tient de ses connaissances sur l'oeuvre d'Edgar Poe. En effet, celui-ci prônait la rêverie et le rêve pour retrouver un passé bienheureux, celui d'avant la captivité de son « moi » dans un monde quotidien perverti. Par le rêve, Poe pensait pouvoir retrouver un état d'intégrité et de liberté intuitive. Son œuvre la plus célèbre aujourd'hui est les Contes cruels (1883).
Libellule (n.f.) : les odonates (Odonata), ou odonatoptères, plus connus sous le nom de libellules, sont un ordre d’insectes à corps allongé, dotés de deux paires d'ailes membraneuses généralement transparentes. Ils sont aquatiques à l'état larvaire et terrestres à l'état adulte. La science qui étudie les odonates est l'odonatologie, dont les spécialistes sont les odonatologues.

ENGLISH :

Evocation
‘We will remember this planet’

Villiers de l’Isle-Adam

We will walk on the edge of summer,
Without a word, tranquil as
The flight of dragonflies in the smile of the air.

Then, in the evening, we will sit
Beside a sea that yearns for
The depths of the skies.

And all that lies around us
Will be infinitely beautiful and tender
Like the prayer a child says
Before it lays its enchanting head
Upon the generous heart of sleep
Wanting nothing, wanting everything!

Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges

ALLEMAND :

Beschwörung

"Wir werden uns erinnern an diesen Planeten"

Villiers de l'Isle-Adam

Wir werden den Sommer entlang schreiten
Ohne ein Wort, lautlos wie
der Flug der Libellen durch das Lächeln der Lüfte.

Dann, am Abend,  werden wir uns niederlassen
an den Gestaden des Meeres, vereint
mit den Tiefen der Himmel.

Und alles  um uns herum
Wird unendlich schön und zart
Wie das Gebet eines Kindes
Bevor es sein kostbares Haupt
Bettet auf das großzügige Herz des Schlafes
Mit dem gleichen Verlangen nach nichts und allem!

Traduit en allemande par le professeur Lorenz Paul

LES MENHIRS

LES MENHIRS

A Fabrice Coupechoux

« Âmes qui surpassez les rochers en dureté »

Du Perron

I.

Sous les hauts menhirs,
Lieux sacrés et axe du monde,
Points célestes fixes et repères des saisons,
Images sacrées du grand Pèlerinage,
Dorment les âmes des hommes sans âge !

Je contemple,
Touché par la grâce des impénétrables Celtes,
Les mouvements incarnés de leur génie !

Comme mes rêves passent
Sous la fine lumière de l’émotion !

Ah, ces heures qui jouent
Avec les embruns des vagues !

Comme tout est mort et tout est vie !
Comme l’eau nous lave de ses oublis !

II.

Et je pense soudain au Livre de Kells,
À ces majestueuses, à ces somptueuses enluminures !

Beauté éblouissante et fastueuse des coloris,
Excellence vertigineuse des techniques de finition :
Fruits, fleurs, feuilles, animaux et créatures magiques,
Faits fabuleux et phrases tremblées
Témérité fringante et si profondément réfléchie des esprits!

Intelligence nostalgique et virtuosité princière !

III.

Et c’est toujours et partout ce tremblement des âmes,
Ces mains vigoureuses qui n’ont de cesse qu’elles
N’atteignent la vibrante clarté de l’essence !

Ô mon âme, bois, calme et debout,
Toute cette beauté et meurs dignement !

Ô mon cœur, dis-moi,
L’homme avance-t-il jamais le jour de sa mort
En pénétrant le mystère des divins symboles
Et lisant le cadastre secret
Des mouvantes constellations du ciel ?

Menhirs qui vivent si puissamment
Dans l’air insomnieux
Et dans notre chair !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 24 janvier 2014

Glose :

Menhir (n.m.) : le menhir est une pierre dressée, plantée verticalement. Ils se rencontrent de façon générale un peu partout en Afrique, Asie et Europe, mais c'est en Europe de l’Ouest qu'ils sont le plus répandus.

Le terme « menhir » est construit à partir du breton maen, « pierre » et hir, « long ». Il semble que ce soit Théophile-Malo de la Tour d’Auvergne-Corret qui, le premier, officialise le terme « menhir », dans son ouvrage « Origines gauloises. Celles des plus anciens peuples de l'Europe puisées dans leur vraie source ou recherche sur la langue, l'origine et les antiquités des Celto-bretons de l'Armorique, pour servir à l'histoire ancienne et moderne de ce peuple et à celle des Français », publié entre 1792 et 1796.
Le Livre de Kells également connu sous le nom de Grand Évangéliaire de saint Colomban : manuscrit illustré de motifs ornementaux et réalisé par des moines de culture celtique vers l’an 820.
Considéré comme un chef-d'œuvre du christianisme irlandais, il constitue malgré son inachèvement l'un des plus somptueux manuscrits enluminés ayant pu survivre à l'époque du Moyen Âge. En raison de sa grande beauté, le manuscrit est considéré par beaucoup de spécialistes comme l'un des plus remarquables vestiges de l'art religieux médiéval. Rédigé en langue latine, le Livre de Kells contient les quatre Évangiles du Nouveau Testament ainsi que des notes liminaires et explicatives, l’ensemble étant accompagné de nombreuses illustrations et enluminures colorées. Le manuscrit fait aujourd'hui l'objet d'une exposition permanente à la bibliothèque du Trinity College de Dublin.
Jacques Davy du Perron (1556-1618) : prélat, diplomate et poète baroque français.

Abdelkrim El-Khattabi



Abdelkrim El-Khattabi

« O feros animos! o crudeles cogitationes !
o derelictos homines ab humanitate! »

(« Âme farouches, projets barbares,
Hommes dénaturés »)

        Cicéron

I.

Ton nom, Abdelkrim, ton nom sempiternel,
Ami fidèle des hommes valeureux,
Porte en sa splendeur irradiante,
L’odeur envoûtante de la terre légère de Tamazgha,
Des plaines riantes du Rif, l’air libre, pur et généreux
Des montagnes, la langue suave des ruisseaux limpides,
Et les strophes puissantes de la mer toujours inquiète !

Eaux lustrales des oueds,
Huiles essentielles des oliveraies,
Tous les chrêmes et flocons de l’âme
Qui dans les dentelles des nuages !

Il ya dans ton nom l’azur central du ciel,
Le murmure dryadique des arbres,
Les versets enluminés
Du temps infini qui coulent en vagues déchaînées
Dans les veines intarissables de ton peuple hardi.

II.

Tu as aimé, Frère des aigles, tu as chéri
D’un vigoureux amour filial
Les autels de tes dieux domestiques,
Les grimoires lapidaires des contes
De tes ancêtres qui veillent sur le doux foyer,
Les veilles solennelles de ta mère
Penchée sur le blanc berceau de ses enfants !

Tu as épuisé, Frère des sables ardents,
Toute la rigueur des supplices de l’âme,
Aussi peuvent-ils mes vers plein d’affection
Ajouter quelque force à ta propre révolte ?

III.

Toi, doux, courtois et clément pour tes amis,
Féroce et inexorable pour les ennemis !
Tu n’as pu passer sous coupable silence
Les odieuses rapines
Et les sanglants brigandages de ceux qui avaient écrasé
Les hommes dignes de ta race !

Ô Abdelkrim, le temps passe,
Mais grandit le ciel et s’épanouit ta gloire !

Tu n’as craint ni les ardeurs du ciel
Ni le froid paresseux,
Pareil au chant de l’alouette
Qui tremble dans la lumière indivisible du jour
Alors que le soleil moissonne
Les épis de rosée dans les champs !

Toi qui sus soutenir la plus dure des gageures
Au cœur d’un monde furieusement cruel !

Ah, la langue est vivante
Quand dans son sang coule,
Brûlante et pure la vivifiante foi !

IV.

Ô mes vaillants amis amazighs,
Sachez, ô mes amis :
La gratitude jaillit de la source divine du cœur,
Ne soyons pas avares à l’égard des héros !

Ô vie simple comme l’eau,
Bonté des âmes tendue comme un arc
Entre le sourire aimant et l’innommable matin !

Oiseaux qui s’en vont sur la barque rapide du vent !

V.

Toi qui versais l’amour de ta patrie sur ton corps !
Toi qui te répandais dans le musc magique
De la langue amazighe,
Toi qui avais en toi la paix de marbre !

Ô temps, enveloppe de myrrhe et d’encens
Tout homme qui aime, imbibe toute parole
Qui est rythme et flux !

Homme qui accomplit sans le savoir
Ce qui est établi d’avance !

VI.

Oui, Abdekkrim, quand le cœur est d’azur,
Le sublime s’épanouit dans un seul mot,
Dans une seule action, dans une seule pensée.

Ô jeune Imazighen, frères aimés,
N’oubliez jamais, jamais, jamais
Le valeureux vainqueur de la bataille d’Anoual !

Une étoile filante en plein jour
Et d’étranges éclats tout autour !

Et voici les âmes immortelles
Regroupées en myriades
Comme les jours et les nuits
Se regroupent en mois, en années,
En siècles, en millénaires…

VII.

Il y a dans les rides de ton beau visage, Abdelkrim,
Toute la beauté des mondes en mouvement,
Toutes les vertus des sphères célestes !

Et le miroir se réveille la nuit
Et converse allégrement
Avec les faces des héros
Qu’il a jadis retenu
Dans l’empire de son cœur !

VIII.

Dors à présent heureux et paisible, Abdelkrim,
Ô nom de lumière, dors adoré par ton peuple,
Loin du sol solennel, de la terre aimante de ta patrie !

Dors, le temps ne saura engloutir
Dans les cercles funestes de son oubli
Les instants de magie !

Liberté, c’était ta sublime religion,
Ton impérissable étoile polaire !

Pour qui détient dans sa chair
Les lois éternelles de la divine Vérité,
Tout le reste semble poussière et néant !

Dors, âme magnanime, âme somptueuse,
C’est l’heure de s’abandonner
Au doux repos de la suave nuit amazighe,
Dors en compagnie délectable
De la tendre et parfumée famille des fleurs
Qui poussent, touchées par la grâce,
Sur ta tombe !

Rassure-toi, Ami pur, le vent vagabond
Ne sèmera plus cette nuit
L’agitation et l’inquiétude
Dans la terre du Rif recouverte de lauriers-roses !

Et que les anges au visage grave et secret
Viennent et déposent sur nos yeux
Ce qu’il y a de divin !

            Athanase Vantchev de Thracy

Janvier 2014

Glose :

Mohamed ben Abdelkrim El Khattabi (rifain : Muḥand N Σabdel Krim Lxeṭṭabi, aussi nommé Moulay Muḥand, arabe : محمد بن عبد الكريم الخطابي), né vers 1882 à Ajdir, au Maroc, et mort le 6 février 1963 au Caire, en Égypte : un des plus éminents résistants marocains du Rif. Il est devenu le chef d'un mouvement de résistance contre la France et l’Espagne au Maroc lors de la guerre du Rif, puis l'icône des mouvements indépendantistes luttant contre le colonialisme.

Cicéron (en latin Marcus Tullius Cicero), né le 3 janvier 106 av. J.-C ; à Arpinum en Italie, et assassiné le 7 décembre 43 av. J.-C., à Gaète : philosophe romain, homme d’État et auteur latin.
Tamazgha (en tifinagh (berbère) : ⵜⴰⵎⴰⵣⵖⴰ) est un néologisme créé et utilisé par des militants berbéristes pour désigner le « monde berbère », c'est-à-dire l'espace géographique qui constitue la patrie historique du peuple berbère. Il comprend l'ensemble de cinq pays d'Afrique du nord (Algérie, Maroc, Tunisie, Libye et Mauritanie), le territoire du Sahara occidental ainsi que, partiellement, quatre autres pays (nord du Mali, nord du Niger, une partie de l'ouest de l'Égypte, les enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta et les Îles Canaries
Le terme « Tamazgha » est l'expression du nationalisme berbère puisqu'il affirme l'existence d'une nation et d'un peuple unis transcendant les sous-groupes ethniques berbères et les frontières géopolitiques actuels.
Le Rif (en amazigh : en Arrif / ⴰⵔⵔⵉⴼ,  « rivage, bord ») : région septentrionale du Maroc bordée par la mer Méditerranée au nord, l’Algérie à l’est, le Moyen Atlas au sud et l'océan Atlantique à l'ouest. Le Rif est composé de montagnes et de plaines. Il s'étend de la péninsule tingitane (Tanger) jusqu'à la petite région de Kebdana (frontière algérienne), irriguée par la Moulouya. Ainsi, la grande région du Rif se subdivise en Rif occidental (Jbala), s'étendant de Tanger à Taza, et Rif oriental (Riyafa), qui s'étend d'Alhoceima à Ghazaouet (Algérie).

Oued (n.m.) : cours d'eau d'Afrique du Nord et des régions semi-désertiques à régime hydrologique très irrégulier. Cependant, à plus petite échelle, il existe aussi des oueds dans les régions méditerranéennes du sud de la France. Surtout présent dans les régions endoréiques (se dit des régions dont les eaux fluviales ne gagnent pas la mer), il s'anime lors des rares et fortes précipitations. Le plus souvent à sec, il peut connaître des crues spectaculaires, charriant d'énormes quantités de boue qui provoquent parfois des changements de lit. C'est pourquoi on dit d'un oued qu'il roule plus qu'il ne s'écoule.

Chrême (n.m.) : huile consacrée utilisée pour certains sacrements. 
Dryaduque (adj.) : du terme dryade (du grec ancien drus, « chêne »). Des nymphes protectrices des forêts dans la mythologie grecque.
Grimoire (n.m.) : livre composé de recettes de potions, de sorts et autres choses magiques. 
Lapidaire (adj. et n.m.) : relatif aux pierres et pierres précieuses. Concis et bref ou laconique (pour une expression). Personne qui taille les pierres précieuses (synonyme : diamantaire).
Gageure (n.f.) : défi qui semble irréalisable.
Amazigh, amazighe (adj. et n.m.) : (en berbère : Imazighen, en tifingah /écriture berbère/ : ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⴻⵏ et au singulier Amazigh, en tifinagh : ⴰⵎⴰⵣⵉⵖ), sont un ensemble d'ethnies autochtones d'Afrique du Nord. Ils occupaient, à une certaine époque, un large territoire qui allait de l'ouest de la vallée du Nil jusqu'à l'Atlantique et l'ensemble du Sahara où ils fondèrent de puissants royaumes, formés de tribus confédérées. Connus dans l'Antiquité sous les noms de Libyens, Maures, Gétules, Garamantes ou encore Numides, ils connurent ensuite la conquête romaine, la christianisation, l'invasion vandale, la conquête arabe et la conversion à l'islam.
Musc (n.m.) : matière naturelle animale entrant dans la composition des parfums. Il est extrait des glandes abdominales des cerfs porte-musc d’Asie centrale. D'autres espèces animales et végétales peuvent produire une substance qualifiée du nom de musc, notamment les Viverridae  appelées civette, le rat musqué (ondatra), l’érismature à barbillons (une espèce d’oiseau de la famille des Anatidés qui se rencontre en Amérique du Sud), le canard musqué, le bœuf musqué (ovibos).
Myrrhe (n.f.) : gomme-résine aromatique produite par l'Arbre à myrrhe (Commiphora myrrha ou Commiphora molmol), appelé aussi « myrrhe ».
Une gomme à peu près similaire, le baume de La Mecque, est produite par Commiphora opobalsamum. Elle pouvait être un des multiples constituants de la théarique de la pharmacopée maritime occidentale au XVIIIe siècle. Thériaque (n.f.) : appelée θηριον par les Grecs : célèbre contrepoison rapporté à Rome par Pompée,  puis complété par Andromaque, médecin de Néron. Autre appellation : Mithridate, du Roi Mithridate, qui s'en servait comme contrepoison
Le mot vient du latin murra ou myrrha, lui-même emprunté au grec.


La bataille d’Anoual connue comme le désastre d'Anoual par l'historiographie espagnole (desastre de Annual en espagnol), opposa un contingent militaire espagnol à l'armée rifaine de Abdelkrim El-Khattabi, dans la région du Temsamane, dans le Rif, en juillet 1921. Les affrontements eurent lieu à 120 km de Melilla dans le Nord du Maroc. La victoire d’une armée de résistants rifains sur l’armée espagnole devint un important symbole de la lutte anticoloniale  marque un tournant de la résistance au double protectorat espagnol et français instauré au Maroc.
Le désastre d'Anoual est une défaite cuisante de l'armée espagnole. Elle marque la naissance d’un mythe : celui d’Abdelkrim, héros de guerre, fin stratège et chef charismatique de la résistance.
La crise politique que provoqua cette défaite fut une des plus importantes que dût subir la monarchie libérale d'Alphonse XIII. Elle fut la cause directe du coup d’État et de la dictature de Miguel Primo de Rivera.