vendredi 30 avril 2010

LE QUOUÏ SYMPHONIQUE

LE QUOUÏ SYMPHONIQUE

A Mursal-Nabi Tuyakbayev

Musique gris perle, vert menthe de la steppe,
C’est toi qui remplis mon cœur d’espace bleu !

C’est toi qui retiens,
Dans l’élévation sublime de l’air d’Asie,
Le souffle mauve des foudroyants cavaliers
Qui traversent le cœur des jeunes filles
Du Kazakhstan !

Toi, steppe qui bois,
Assoiffée de danses et de chants,
Les visages des hommes libres
Comme des nuages !

C’est toi qui tisses,
Des filaments des brises,
L’immortelle écriture des poètes
De ce pays à l’espace sans limites !

Que de parfums exaltants
Dans tes mélodies hautes et mates,
Dans tes sons d’or embouti,
Ô dombra :
Cardamome, cèdre, ciste-labdanum,
Cumin, girofle, muscade, élemi,
Néroli, osmanthus, myrrhe et myrte,
Opoponax, ylang-ylang, vétiver et styrax…

Et toi, langue kazakhe,
Trempée dans la pluie paisible de mai,
Immémoriale profondeur
Qui hante l’ouïe des enfants !

Et vous, ondoyante syntaxe des vents voyageurs,
Grammaire des graminées à la racine forte,
Origine de la matière translucide
Qui élabore la magie des chants d!

Comme j’aime ta musique à la voix
Plus pure que les campanules des chemins,
Ta musique qui caresse le songe aérien
De mes paupières,
L’éclat de tes consonnes cuivrées,
Toi, langue kazakhe aux voyelles libres
Qui mesurent la vérité du monde !

Quouï, aile de moineau innocent
Qui rend plus spacieuse ma joie,
Plus légère la beauté
De l’envoûtant mausolée
De Khoja Ahmed Yasavi !

Quuoï,
Qui se referme sur mon cœur
Comme les pages soyeuses
D’un livre perpétuel !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 29 avril 2010

Glose :

Quouï (n.m.) : le quouï est une pièce musicale pour dombra, instrument national kazakh à deux cordes. Le dombra, accompagné par l’orchestre, donne une saveur inimitable à la musique.

Embouti, emboutie (participe passé.) : du verbe emboutir, comprimer, donner une forme artistique à une feuille d’or par emboutissage.

Cardamome - Elettaria cardamomum - (n.f.) : du grec καρδάμωμον / kardámômon, mot probablement d'origine indienne, transmis par les Arabes. Plante herbacée à rhizome appartenant à la famille des Zingibéracées originaire de la côte de Malabar, région dont provient également le poivre. Elle est parfois appelée cardamome verte ou cardamome aromatique pour bien la différencier d'autres plantes apparentées.

Ciste-labdanum (n.m.) : les cistes (du grec κίστος / kistos) sont des arbrisseaux dicotylédones de la famille des Cistacées poussant le plus souvent sur le pourtour méditerranéen. Ils adorent les sols secs (généralement siliceux mais aussi calcaires) et ensoleillés. De plus ils sont pyrophytes (qui supportent le feu, du grec pyros, « feu » et phytos, « plantes »), ayant la particularité de se régénérer facilement et même de se multiplier après les incendies. Autant dire que les maquis ou les garrigues méditerranéennes, si souvent touchés par les feux de forêts, sont tapissés de cistaies qui fleurissent entre le printemps et l'été (avril-juin).

Classés traditionnellement dans l'ordre des Violales, les cistes appartiennent aujourd'hui à celui des Malvales. Le ciste-labdanum, cette absolue (extrait obtenu à partir d'une concrète ou d'un résinoïde), est obtenue par extraction de la résine du ciste. C’est un excellent parfum.

Elémi (n.m.) – Canarium luzonicum - (n.m.): résine qui provient de l’exsudation d’un arbre tropical des Philippines. Elle donne, après distillation, une essence à l’odeur poivrée, citronnée, aromatique, avec des facettes encens, térébenthine et baie rose. On en trouve dans les grands parfumes comme Nu, Tumulte pour Homme, L’Eau des Merveilles, L’Eau Bleue d’Issey.

Néroli – Citrus aurantium - (n.m.) : l'essence de Néroli est une huile essentielle produite à partir de la fleur de bigaradier (Citrus aurantium). Son odeur est caractéristique et similaire à celle de la fleur du bergamotier.

À la fin du XVIIe siècle, Anne-Marie Orsini, duchesse de Bracciano et princesse de Nerola, mit à la mode l'essence d'orange amère comme parfum en l'utilisant pour parfumer ses gants et son bain. Depuis lors, le nom de Néroli est utilisé pour décrire cette essence.

Osmanthus - Osmanthus heterophyllus - (n.m.) : le genre Osmanthus comprend des arbustes ou des petits arbres aux fleurs blanches odorantes et aux feuilles soit entières, faisant penser à celles du troène, soit épineuses. Ils sont originaires principalement d’Asie tempérée.

Opoponax - Opoponax Chironium - (n.m.) : gomme-résine tirée de l'Opoponax Chironium, plante poussant sous les climats chaud. Cette gomme a une note acide proche de celle du vétiver. Un peu surprenante, on se laisse vite apprivoiser par cette flagrance pure ou mêlée à d'autres encens comme le benjoin ou l'oliban. Parfum à l’odeur très montante, herbale et fruitée.

On trouve de l’opoponax dans des parfums tels que Shalimar, Poison, Coco, l’Eau lente et bien sûr dans la bougie Opoponax de Diptyque.

Ylang-ylang - Cananga odorata – (n.m.) : arbre de la famille des Annonacées, originaire d'Asie du Sud-Est. On le cultive pour ses fleurs dont on extrait par distillation une huile essentielle très utilisée en parfumerie. Le terme de Cananga vient du nom malais de l'arbre, kenonga ou kananga. Le nom vernaculaire ylang-ylang vient du nom de l'arbre en tagalog, langue des Philippines.

Styrax – Styrax – (n.m.) : : On appelle styrax un genre d'arbres ou d'arbustes poussant le plus souvent en Extrême-Orient, appartenant à la famille des Styracacées et comportant diverses espèces, quelques-unes très appréciées en parfumerie et en pharmacie pour leur baume. L'arbre est également appelé aliboufier, en particulier lorsqu'il s'agit de l'espèce Styrax officinalis. Le baume ou résine se nomme storax ou benjoin selon les espèces, le premier de ces deux termes étant aujourd'hui inusité. Le nom styrax sert aussi de façon abusive à désigner la résine du liquidambar.

Le mausolée (mazar) de Khoja Ahmed Yasavi : mausolée inachevé de la ville de Turkestan (ou Türkistan, ou Hazrat-e Turkestan), au sud du Kazakhstan. En 2002, il devint le premier patrimoine kazakh reconnu par l’UNESCO comme patrimoine mondial de l’humanité. La structure actuelle a été commandée en 1389 par Tamerlan pour remplacer un plus petit mausolée du XIIe siècle d’un célèbre maître soufi, Khoja Ahmed ...

Tamerlan (Timour ou Timur Lang, « Timur le boiteux » (1336-1405) : guerrier turco-mongol du XIVe siècle, conquérant d'une grande partie de l'Asie Centrale et de l'Ouest. Il fonda l'Empire et la dynastie des Timourides qui survécut jusqu'en 1857. Son prénom, Timur, signifie « fer » en turco-mongol (cf. le mongol tömör et le turc demir).

vendredi 23 avril 2010

L'ODEUR HUMIDE DE LA TERRE (en anglais))

The Smell Of Wet Earth

For Norton Hodges

‘Art is made to represent the hidden meaning of things.’

Aristophanes

Norton, do you see us? We’re living right beside you,
Trees in blossom, bushes thronged with tiny birds,
Dark cellars full of precious wines,
Country roads edged with bindweed.
We breathe the same lilac air as you,
We swallow mouthfuls of light with the same heartiness.

Our memories are sheer and silent continents ,
Off their coasts our lips, strangers to all violence,
Sometimes gather, on the taciturn stones of evening,
Pure words of love,
Foam-crested rumours, accents
With the smell of wet earth.

Sometimes between our clear-seeing fingers, we take
The colours of rainbows
Which we give as gifts to the gardens of our poems,
To the pliable calligraphy of our disquietudes.

We are the old lockkeepers of eloquence,
Our hearts drunk on the blue of this world,
On waters infused with its verdant herbs,
Even now our throats are shrill-stringed instruments through which the unknown
Passes to the unknown the mysteries of ancient books.

Like magi, we have learned,
Through bloodletting and tears,
Behind our walled-up bodies
And our shadowless smiles
The sublime knowledge of how to embalm with sweet fragrances
Our wounds, our scars, the mutilated corpses of our sadnesses
And our comical wanderings.

Norton, we have both
Always worshipped the green velvet eyes
Of the young Infanta –
Poetry!

Paris, 22nd April 2010
Note: I spent today at the hospital. This poem was born in me with the same ease as a Bach fugue.

Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges

jeudi 22 avril 2010

LE PARFUM HUMIDE DE LA TERRE

LE PARFUM HUMIDE DE LA TERRE

A Norton Hodges

« L’art est fait pour figurer le sens caché des choses. »

Aristophane

Nous vivons avec toi, Norton,
Arbres en fleurs, buissons peuplés de mésanges,
Caves obscures remplies de vins précieux,
Chemins de campagne bordés de liserons.
Nous respirons le même air lilas,
Nous buvons à belles gorgées la même lumière !

Au large des continents abrupts et muets de nos mémoires,
Nos lèvres, étrangères à toute violence,
Cueillent parfois, sur les pierres taciturnes des soirs,
Des purs mots d’amour,
Des rumeurs écumeuses, des accents
Au parfum humide de la terre.

Il arrive que nous prenions entre nos doigts clairvoyants
Les couleurs des arcs-en-ciel
Que nous faisons don aux jardins de nos poèmes,
A la flexible calligraphie de nos inquiétudes.

Nous, maîtres mûrs des écluses de l’éloquence,
Cœurs grisés de bleu et d’eau d’herbes,
Gorges aux grêles cordes intactes où l’inconnu
Livre à l’inconnu les mystères des livres antiques.

Thaumaturges, nous avons appris,
A force de saignées et de larmes,
Derrière l’emmurement de nos corps
Et le sans-ombre de nos sourires
Le sublime savoir d’embaumer nos blessures,
Nos cicatrices, les corps mutilés de nos tristesses
Et de nos errances comiques.

Nous, Norton,
Qui avons toujours aimé les yeux velours vert
De la poésie infante !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 22 avril 2010

J’ai passé ma journée à l’hôpital. Ces vers naquirent en moi avec l’aisance d’une fugue de Bach.

Glose :

Aristophane (en grec ancien Ἀριστοφάνης / Aristophánēs) : poète comique grec du Ve siècle av. J.-C., né dans le dème de Kydathénée vers 450–445 et mort vers 385 av. J.-C.

Il débuta jeune au théâtre, se fit connaître par deux pièces aujourd'hui perdues : Les Banqueteurs (427) et Les Babyloniens (426). Il écrivit de nombreuses comédies, dont la plupart ne nous sont connues que par des fragments. Onze nous sont parvenues : Les Acharniens (les habitants d’Acharne) (425) et La Paix (421), où l'auteur intervient franchement dans la politique et combat le parti de la guerre ; Les Cavaliers (424), où il attaque ouvertement Cléon, le tout puissant démagogue ; Les Nuées (423) où il raille Socrate ; Les Guêpes (422), où il tourne en ridicule l'organisation des tribunaux athéniens et les manies des juges ; Les Oiseaux (414), où il s'en prend aux utopies politiques et sociales, comme plus tard dans Lysistrata (411) et dans l'Assemblée des femmes (392), etc. Les Thesmophories (fête en l’honneur de la déesse Déméter) (411) et Les Grenouilles (405) sont des satires littéraires dirigés contre Euripide. Cependant, la hardiesse des poètes comiques, le retour au pouvoir du parti aristocratique, et les malheurs d'Athènes, avaient amené une réaction contre la liberté du théâtre. Cette réaction s'était dessinée déjà vers (412) et sous les Trente: elle aboutit vers 388 à une loi qui interdisait formellement les attaques contre les personnes. C'était l'arrêt de mort de la comédie ancienne. Aristophane tenta des voies nouvelles. Par Le Cocalos (nom du roi mythique des Sicanes) (388), (aujourd'hui perdu) et la seconde édition du Ploutos (dieu de la richesse), il inaugura la satire des mœurs, d'où devait sortir la comédie nouvelle des Athéniens.

Liseron (n.m.) : nom vernaculaire ambigu désignant en français certaines plantes herbacées vivaces à rhizome plus ou moins charnu, de la famille des Convolvulacées (du latin convolvere, « s'enrouler »), à tiges volubiles et feuilles en forme de flèche.

Thaumaturge (n.m.) : du grec thauma, « prodige » et ergon, « œuvre ». Personne qui fait des miracles.

DES NOTES NAÏVES (en anglais)

NAIVE NOTES...

For Heydar Yaghma

They make me tremble with astonishment:
This song lost in itself
And this night where a hand seeks
The perfection of a sleeping face!

Naive notes which the translucent green of the wind
And the joyful yellow of the daisies,
Both besieged by the gentleness of dawn,
Scatter over the unpronounceable elegance of the hills.

Unnameable burgeoning of the possibilities of being,
Urgency of day to rush
Into the fine cracks of the soul!

The infinity of every word,
The sowing of the stream of syllables
Knocking against the innocent lucidity of a young heart!

You are struck dumb by a life beyond repair,
By the language of nasturtiums
And the lively scent of modest wallflowers,
You turn your face away
From the fainthearted brightness of a white morning
And you turn, gripped by the unanimity of so many rituals,
Towards the slow flowing of the age-old river!

mercredi 21 avril 2010

DES NOTES NAIVES

DES NOTES NAÏVES…

A Heydar Yaghma


Ils me font trembler d’étonnement
Ce chant égaré en lui-même,
Cette nuit de la main qui cherche
La perfection d’un visage endormi !

Notes naïves que le vert translucide du vent
Et le jaune joyeux des pâquerettes,
Toutes assiégées de la douceur de l’aube,
Eparpillent sur l’imprononçable élégance des collines.

Innommable foisonnement des possibilités d’être,
Précipitation du jour
Dans les ténus interstices de l’âme !

Infini de chaque mot,
Ensemencement du ruisseau des syllabes
Qui frappent contre l’ingénue lucidité du jeune cœur !

Tu restes muet devant la vie irréparable,
Devant la langue des capucines
Et le vif parfum des pudiques giroflées,
Détournes ton visage
Du pusillanime éclat de la blancheur du matin
Et t’en retourne, saisi de tant de rites unanimes,
Vers le lent écoulement de la vieille rivière !


Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 20 avril 2010

Glose :

Heydar Yaghma (1926- 1986) : poète iranien. Il est enterré sur le site archéologique de Shadiyakh, entre la tombe d’Omar Khayyam et celle de Farid Al-Din Attar. Issu d'une famille modeste, il doit travailler dès son plus jeune âge pour subvenir à ses besoins et ne peut fréquenter l'école, ce qui ne l'empêche pas d'apprécier les grands poètes iraniens, tels que Ferdowsi. Il exerce le métier de maçon. À l'âge de trente ans, il s'installe en ville, se marie et fréquente des associations de lecture du Coran. Il y apprend à lire et rencontre des gens cultivés qui, séduits par ses poésies, l'encouragent à écrire et à publier. Il est l’auteur d’un célèbre recueil de poésie "Voyage parmi les ghazal de Yaghma" (1986), contenant près de 4500 strophes. Une partie de cet ouvrage sera reprise et intégrée au livre "Le maçon poète" paru en trois volumes en 1994 aux éditions Mohaqeq. Sa poésie traite en majeure partie de l'amour et véhicule les valeurs de la vie modeste et de la richesse intérieure.

dimanche 18 avril 2010

L'ESPERANCE (en espagnol)

LA ESPERANZA

" Si, velando como el mar,
es lo que tú sólo ves" .

Shafiee Kadkani

Hay aun,
y habrá siempre
un enigma de luz!

Flores y frutos,
ríos y montañas,
mares y continentes
se esmeran en dar
un nombre abierto,
un sentido incompleto,
un número intacto
a su presencia pura!

Dentro y fuera,
en el soplo del vacío,
en los paseos primaverales a caballo
de la plenitud desnuda,
a la única casa
blanqueada por voces inteligibles,
corazón a corazón con el acumulamiento de noches
y la fluidez de los días,
avanzamos hacia
el corazón refractario del poema!

Próximo e innominado,
el verdadero canto!

Somos los únicos
con los granos del aire
y las impetuosas espigas de las estrellas
al oír el relincho de la aurora,
los besos de la delicada palabra,
la música de la claridad inclinada
contra el rostro necesario del silencio?

Athanase Vantchev de Thracy

París, 16 de abril de 2010

Glosa:

Mohammad-Reza Shafiee Kadkani (nacido en 1939): uno de los más grandes poetas, y de los críticos literarios y traductores contemporáneos iraníes. Nació en Kadkan, un pueblo en las afueras de Nichapour, cuna de los destacados poetas Khayyâm y Attar. Esta ciudad espléndida y sus suntuosos jardines son objeto de un gran número de textos del poeta, nostálgico del pasado luminoso de Persia que todavía no había conocido el asalto de los tártaros. Kadkani es un rebelde poeta, que se considera guardián de la brillante civilización de la antigua Persia cual caracteriza la obra del poeta, en su inmensa erudición.

Janice Montouliu

samedi 17 avril 2010

PAROLES QUI AUGURENT LA JOIE

PAROLES QUI AUGURENT LA JOIE


« Oh ! Ce songe qui me vient, ce songe ! »

Sohrâb Sepehri


C’est pour vous,
C’est pour les rochers
Que le soir s’est fait si beau !

L’eau, contre les murs couleur d’aube,
Dessine, recueillie sur elle-même,
Les logogrammes de l’amour !

Plus clair est désormais
Le souffle des herbes,
Plus assonants les battements des mots,
Plus fine l’ocre léger du pays !

Plus vrais
Les petits sentiers de lumière
Que les larmes dessinent
Sur votre joue.

Syntaxe somptueuse de l’été
De ce côté-ci du fleuve,
Rétive et docile,
Ruisselante, enflammée !

Voix pleines des éclats
D’un regard nu,
D’une confiance absolue !

J’ai oublié le rubis du baiser,
J’ai égaré le saphir du poème
Que je voulais mettre
A votre doigt !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 17 avril 2010

Glose :

Sohrâb Sepehri (1928-1980) : un des grands poètes iraniens du XXe siècle. Contemporain, entre autres, d'Ahmad Shamlou, Forough Farrokhzad et Nima Yushij, il était également célèbre pour ses peintures. Sepehri était un voyageur. Il a fait de nombreux voyages en Europe et en Afrique, a vécu un an aux États-Unis puis deux en France. Sepehri avait une écriture très particulière. Les grands thèmes de son œuvre sont la nature, l'amitié et le sens de la vie. C'est en hommage à Sepehri qu'Abbas Kiarostami réalisa en 1987 « Où est la maison de mon ami ? » (« Khané-yé doust kodjast ? »), un film portant le titre d'un de ses poèmes.
Son œuvre a été partiellement traduite en français par Daryush Shayegan et Mahshid Moshiri.

Logogramme ou idéogramme (n.m.) : un idéogramme est un symbole graphique représentant un mot ou une idée utilisé dans certaines langues vivantes comme le chinois et le japonais ou anciennes, comme les hiéroglyphes de l'Égypte antique. Le terme de logogramme est préféré pour sa plus grande clarté. Il faut les différencier des pictogrammes qui représentent une chose concrète par un dessin et des phonogrammes qui représentent un son.

vendredi 16 avril 2010

L'ESPERANCE

L’ESPÉRANCE


« Si, veillant comme la mer,
C’est toi seul qui vois. »

Shafiee Kadkani

Il y a déjà, il y a encore,
Il y aura toujours
L’énigme de la lumière !

Fleurs et fruits,
Fleuves et montagnes,
Mers et continents
S’appliquent à donner
Un nom ouvert,
Un sens lacunaire,
Un nombre intact
A sa pure présence !

Dedans et dehors,
Dans le souffle du vide,
Dans les chevauchées printanières
De la plénitude nue,
Au seuil d’une maison
Blanchie par des voix intelligibles,
Cœur à cœur avec l’amoncellent des nuits
Et la fluidité des jours,
Nous avançons vers
Le cœur réfractaire du poème !

Proche et innomé,
Le vrai chant !

Sommes-nous les seuls
Avec les grains de l’air
Et les épis violents des étoiles
A entendre
Le hennissement de l’aurore,
Les baisers de la parole amincie,
La musique de la clarté infléchie
Contre la face nécessaire du silence ?

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 16 avril 2010

Glose :

Mohammad-Reza Shafiee Kadkani (né en 1939) : un des plus grands poètes, critiques littéraires et traducteurs contemporains iraniens. Il est né à Kadkan, un village aux environs de Nichapour, berceau des remarquables poètes Khayyâm et Attar. Cette ville splendide et ses somptueux jardins font l’objet d’un grand nombre de textes du poète, nostalgique du passé lumineux de la Perse qui n’avait pas encore connu l’assaut des Tatars. Kadkani est un chantre rebelle, qui se veut gardien de la brillante civilisation de la Perse antique. Ce qui caractérise l’œuvre du poète, c’est son immense érudition.

LES JOIES RUSTIQUES DE LA POESIE (en portugais)

AS ALEGRIAS RÚSTICAS DA POESIA

Para Tiburce

"Após a chuva de estrelas
No prado de cinzas
Todos reuniram-se sob a guarda
dos anjos"

Zbigniew Herbert

Eu amo as sílabas modestas e humildes das palavras

O esplendor suave da sua integridade

Nessa noite de maio, nadando numa paz suprema

Em busca de um país cheio de luz

Que se derrama dentro de mim mesmo.


O castelo

Está cheio de propostas que fazem rir

Mas que na verdade deveriam fazer chorar

Tão grande e irrevogável é seu vazio

Sua peremptória insignificância

Desprovido de toda consistência


Estou parado, fora, no limiar

De uma ala solitária

Distante do abismo dessa boquiaberta omnidicência

Em companhia de um velho gato

Apaixonado por mim


Silencioso, tomado de um ardor indomável

Admiro, sem mover-me, o harmonioso movimento

Dos arbustos, sob a respiração elegante do ar

Que docemente se transforma em sombra

ao toque do veludo suave da noite.


E me parece nesse momento exato

Que fico também imponderável

E que as volúveis rosas sobem

Ao redor das estacas de madeira clara

em busca de um céu lilás.



Uma tristeza suave flutua

Ao redor de todos os seres

Como uma bênção inesperada,

Profunda,

Legível, vibrante

Do anjo do crepúsculo

Que tarda em se juntar

Ao voo disperso

De seus alados pares


E sonho de repente com palavras

Estruturas de sons tão discretos

Tão humildes, tão pudicos

Que já não podem mais opor

nem o mínimo obstáculo

À clarividência do coração

à densa presença desse universo puro.


Palavras que não ousam mais ferir

A alegria dum minuto

Talhado no cristal do amor.


Palavras vindas do mundo invisível,

Mas suntuosamente real

Dum tempo imemorável

Para celebrar a eclosão taciturna

Desse lindo jardim primaveril.



Paris, quarta-feira 11 de junho , do Ano da Graça de MMVIII

Glossário : Tiburce: velho pronome, do latin tiburtinus, originário de Tibur, cidade do Latium (Itália)

A Sibyla de Tibur anunciou a Augusto o nascimento de Jesus.

Zbigniew Herbert (1924-1998) Figura maior na paisagem da poesia polonesa do século XX. Nascido em 1924 em Lviv ou Lvov (atualmente na Ucrânia)

debutou tardiamente no seio de uma geração de poetas mais jovens. A fama repentina deu-se com a ressonância política de seus poemas: o ano da publicação de seu

primeiro livro de poemas foi também o do relativo afrouxamento do sistema totalitário da Polônia e com ele o desaparecimento da censura. Ele continuou escrevendo

até o fim de sua vida. Seu último poemário foi publicado em 1998, alguns meses antes de sua morte.


Traduit en portugais pae Guilem Rodrigues da Silva

EN PEU DE PAROLES (en portugais)

EM POUCAS PALAVRAS

Para Sarane Alexandrian

"Oh, cala-te, quando entornas o terror em ti"
Alain Jouffroy


Momentos densos,

Pássaros migratórios,

Tais como velas no estreito do céu,

As raízes dos arbustos sobem,

Invisíveis, para os frutos maduros

E as estrelas pálidas,

O poema dos mortos.


Mais suave

Que flocos de lã,

Branca,

A música de Schubert

Passeia a sua alma vaporosa

Sobre a cabeça

De crianças adormecidas!


Perfeitamente,


Paris, 1 de julho de 2008

Fazia um calor insuportável em Paris.

Glossário :

Sarane Alexandrian (nascido em 1927) : Ensaista, romancista, historiador de arte, crítico literário francês.

Alain Jouffroy (nascido em 1928) Um dos grandes poetas contemporâneos franceses.

Franz Peter Schbert (1797-1828) compositor austríaco. Apesar de morrer aos trinta e um anos, Schbert foi um dos grandes compositores do século XIX e mestre incontestável do lied.

Traduit en portugais par Guilem Rodrigues da Silva

jeudi 15 avril 2010

INCANTATION (Ali)

INCANTATION

A Ali

Vous souriez, mon Prince, et soudainement le temps
Devient délicieux comme une églogue romaine,
L’aurore répand dans l’air sa lumière sereine
Et rend léger le cœur et transparent le sang !

Athanase Vantchev de Thracy

Glose :

Eglogue (n.f.) : l’églogue est un poème de style classique consacré à un sujet pastoral. Les poèmes de ce genre littéraire sont parfois qualifiés de « bucoliques ». L’étymologie du mot latin eclogæ est grecque : εκλεγη / eklegē, qui signifie « recueil, florilège ». Le terme faisait référence à l’origine à des suites de poèmes courts de genre indifférent, odes, épîtres, satires, épigrammes, bucoliques, etc., et à des extraits de recueils d’auteur. Les Anciens appelaient « églogues » les poèmes du recueil de Virgile intitulé les « Bucoliques » et les poètes latins postérieurs à Virgile prirent l’habitude d’appeler leurs propres poèmes bucoliques « églogue », par référence au célèbre poète d’Auguste et Mécène. De là serait venu l’emploi du mot églogue dans le sens de poème pastoral, et l’identification de ce mot avec celui de « bucolique ». Parmi les épigones de Virgile auteurs d’églogues, on peut citer Calpurnius et Nemesianus.

mardi 13 avril 2010

L'ARMAGNAC

L’ARMAGNAC

(AYGUE ARDENS)

Ciel qui cache les racines de l’éclair
Dans les grappes d’or !
Soleil qui verse son feu ardent
Sur les hauts fleuves flamboyants des vignes
De la divine Armagnac !

Pays adoré, toi, temps ressemblé
De tous les temps !

J’aime les vaisseaux diaphanes de la lumière
Dans le blond enchevêtrement de tes vergers,
Mon cœur frissonne en écoutant le suave bruissement
De tes cépages généreux,
En prêtant l’ouïe au clair murmure des sèves
Qui courent dans tes tiges heureuses.

Ô feuilles luisantes des vignobles,
Ô fruits d’ambre rose !

Y a-t-il chose plus aimable
Que les vents endormis dans la paix des colombiers.
Que les chants trempés dans les parfums envoûtants
De ce pays franc où la vie absolue
Baigne dans son rayonnement incessant toute chose.

Armagnac, poème au savoir immédiat,
Hymne sans larmes ni préambules :
Arène, sang, volupté, vie, mort
Et résurrection pure !

Vivre ici, à l’ombre des roses,
Respirer, rire, converser en ami intime
Avec cette eau-de-vie plus subtile
Que le vol léger des séraphins.

Arômes sublimes d’herbes folles bien fondus,
Senteurs sereines qu’exhalent
Les collines élancées
Et les garrigues sauvages !

Aygue ardens,
Bouquet de violettes blanches et de pruneaux mauves,
De cannelle brune et de fruits confis,
De noisette et de framboise des bois,
De tabac blond et d’abricot d’or !
Oui, j’aime ce liquide éblouissant,
Son onde doucement madérisée
Qui surpasse par sa saveur bouleversante
Le nectar des rhytons que les éphèbes échansons
Tendent aux lèvres des dieux immortels !

Où que j’aille, j’hume ses fragrances vertigineuses
D’épices et de sucre roux venus des îles lointaines,
De miel de menthe et d’acacia à la rondeur d’été,
De fruits rouges et de café robuste,
De valérianelle printanière !

Elle vit en moi, elle enflamme mes entrailles
Cette longueur enivrante en bouche,
Cet équilibre dans le tourbillon de goûts et d’odeurs,
Âme et esprits légers de la vigne !

Elles hantent ma mémoire ces indicibles saveurs d’automne :
Abricot de jade, citron couleur d’aurore, prune d’ombre pourpre,

Il vogue dans mon sang ce goût d'amandes grillées et de cacao,
De poire et de framboise à l’exquisité attique,
De réglisse amère et de pain grillé.

Pays d’Armagnac, pays mien,
Contrée enchantée aux mille millésimes superbes
Ample et souple.

Eau-de-vie solaire ! Longueur et plénitude,
Souplesse racée et douceur de velours dans chaque gorgée !

Je t’aime, eau-de-vie à la virilité romaine
Eau-de-vie à la féminité égyptienne !

Oui, j’aime cette bouche franche et précise,
Souple et fruitée, lucide et discrètement sucrée !
Cette queue de paon
Qui ouvre les portes des paradis pleins de suavité !
Les palais des royaumes où mûrit l’éternité !

Pays d’Armagnac,
Accueille mon cœur
Assoiffé de lire l’alphabet
De ton ciel fait de chants de rossignols
Et de danses d’hirondelles !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, avril, Anno Domini MMX


Glose :

En 1310, Domini Vitalis de Furno, dit Maître Vital Dufour, prieur d’Eauze en Gascogne, vantait les 40 vertus de l’aygue ardente (l’eau qui brûle), l’eau de vie locale, qui allait prendre plus tard le nom d’armagnac. Voici ce que ce savant ecclésiastique écrit dans son ouvrage de médecine « De Maitre Vital Dufour ... livre très utile pour conserver la santé et rester en bonne forme... " :
" Cette eau, si on la prend médicalement et sobrement, on prétend qu'elle a 40 vertus ou efficacités. Elle aiguise l'esprit si on en prend avec modération, rappelle à la mémoire le passé, rend l'homme joyeux au dessus de tout, conserve la jeunesse et retarde la sénilité...
Armagnac (n.m.) : eau-de-vie produite dans la région d’Armagnac, dans le Sud-Ouest de la France, issue de la distillation de vins blancs secs vinifiés à partir de quatre principaux cépages :

- l’ugni blanc : un cépage très répandu. Il est présent dans de nombreux terroirs du sud de la France. Sous le nom de "Saint-Emilion" c'est le raisin prédominant du Cognac. Il est également exploité pour sa fraîcheur dans le Languedoc, la Provence et la Cortse. Arôme : banane.

- le baco blanc : le baco blanc est une obtention de François Baco (1865-1947). L'origine génétique est vérifiée et c'est un croisement des cépages folle-blanche x noah réalisé en 1898. Le cépage est le seul hybride producteur direct faisant partie de l'encépagement d'une Appelation d’origine contrôlée, l’armagnac. En France, il couvre 2.103 hectares (2004).

- le colombard : il est originaire des Charentes, un cru de Cognac au nord de Cognac. Il fait partie dès l'origine, des cépages utilisés pour l'élaboration de vins destinés à être distillés pour donner du cognac. Donnant des vins moins âpres et plus alcoolisés que la folle blanche. sa culture a été favorisée par le marché hollandais pour l'exportation de vins blancs secs. Avec la folle blanche, il a été introduit depuis longtemps dans le vignoble de Bordeaux et d’Armagnac.

- La folle-blanche : cépage de cuve blanc français qui produit un vin très acide (folle) et très pâle (blanche). Son autre nom, gros plant tire son nom de la grosseur des ceps ou de ses gros rendements. Ce cépage porte de nombreux noms en France, parmi lesquels Blancheton, Enrageat, Grosse chalosse ou grosse blanquette, Hivernage, Picpoul, piquepoul ou piquepoult, piquepouille ou picpouille, Talos ou talosse.

Le taux en alcool de l’armagnac est supérieur ou égal à 40% vol. Eauze est la capitale de l'Armagnac.

mercredi 7 avril 2010

PATRIE (en espagnol)

PATRIA

A James Whitcomb Riley

“ Dame a un hombre que ame (…)
El sabrá lo que quiero decir “.

San Agustín

Patria,

Isla errante en la noche fangosa de sangre,
tierra irresistible, cercada de luz
sin sombra ni límites,
y doble carne de mi carne!

Patria!

Este olor indescriptible
de verónicas, de capucines y lilas,
de geranio dulce, de risa de niño y almas ingenuas!

Patria,

Libro de oro a las letras de saúcos y azul
poema extático y canto superior,
navío de serenos murmullos sin orillas ni tiempos
que navega, llevado por los vientos
de la ternura aérea
sobre las olas incesantes
de las acacias de Tracia en flor!

Patria,

Y este azul unánime,
estas sonrisas de verano manchadas de quemaduras
y de agua de cielo!
¡ Y los narcisos de la nieves, narcisos de las nieves vírgenes
para decir que has florecido, blanca,
en mi pequeño corazón de adolescente!


Patria, ô Patria,

Tu cara indiscernible
es la claridad
que guía mi mano agitada
sobre las páginas lilas de las montañas,
vertiendo la alegría milenaria de tu saber
en los oscuros pozos de los siglos!

Patria,

Rutas y campanarios
de un paisaje qué vibra
bajo los párpados,
sueños reunidos en la luz
de una lágrima inesperada,
y los ojos de las habituales palabras
que miran el cielo engarzado
por el vuelo melodioso de las aves!

Patria,

Un nombre,
algunas sílabas
reflejadas para siempre en el corazón avizor,
una voz patética
en la memoria
qué niega todo olvido!

Patria,

Raíz que libera generosamente
su belleza humilde
en las hojas de los árboles
y sus frutos!

Golondrinas venidas hasta el alma,
los sublimes versos de talentosos
antiguos poetas sobre labios cariñosos!

Patria,

Tan nativa es hoy la tarde,
y tan deliciosos los versos de Riley
que hacen transparente mi oído:

" Una atmósfera indolente, una brisa perezosa,
con la respiración penosa, desplaza el trigo... "

Athanase Vantchev de Thracy

Saint-Germain-en-Laye, el 4 de abril, Pascua, 2010

Glose :

James Whitcomb Riley (1849-1916) : poeta y escritor americano.


Traduit en espagnol par Janice Montouliu

CHOSE OFFERTE

CHOSE OFFERTE

(το πρσφερόμενον)

A Romain Guerrière De Beaufort

Les mots tremblent
Comme une âme en extase
Dans un corps en transe.

Mots que l’ange prononce
Par nos lèvres !

L’eau chante
Ses poèmes transparents
Aux gracieux rhododendrons
Du rivage.

Poèmes, piliers
Du temple de la Beauté !

Le vent touche
De ses doigts sonores
Le cœur nu des fleurs.

Doigts qui donnent
Comme les fleurs donnent leurs parfums !

Le jour se dissipe
Et éparpille ses rubis
Dans les prés !

Et il est bon
Qu’il en soit ainsi !

Ah, comme sont sublimes,
Comme sont brûlantes
Les paroles
De l’humble curé d’Ambricourt :

« Ô merveille qu’on puisse ainsi faire présent
de ce qu’on ne possède pas soi-même »

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 7 avril, Anno Domini MMX

Glose :

Rhododendron (n.m.) : du grec ‘ρόδον / rhodon, « rose », et δένδρον / dendron, « arbre », littéralement arbre à rose ou azalée (du grec ’αζαλέος / azaleos, « sec »). Plante dont le genre appartient à la famille des Ericacées.

« Ô merveille qu’on puisse ainsi faire présent
de ce qu’on ne possède pas soi-même » : phrase extraite du célèbre ouvrage de Georges Bernanos « Le journal d’un curé de campagne ».

Georges Bernanos (1888-1048) : un des plus grands écrivains français et inspirateurs de la Résistance. Sa tombe à Pellevoisin (Indre) est devenue lieu de pèlerinage.

lundi 5 avril 2010

PATRIE

PATRIE

A James Whitcomb Riley


« Donne-moi un homme qui aime (…),
il saura ce que je veux dire ».

Saint Augustin

Patrie,

Île errante dans la nuit trouble du sang,
Irrésistible terre, enclos de lumière
Sans ombre ni limites,
Et double chair de ma chair!

Patrie!

Cette odeur inexprimable
De véroniques, de capucines et de lilas,
De doux géranium, de rire d'enfant et d'âmes naïves!

Patrie,

Livre d'or aux lettres de sureaux et d'azur,
Poème extatique et chant supérieur,
Navire de sereins chuchotis sans rives ni temps
Qui vogue, porté par les vents
De la tendresse aérienne
Sur les vagues incessantes
Des acacias thraces en fleurs !

Patrie,

Et ce bleu unanime,
Ces sourires d'été tachés de brûlures
Et d'eau de ciel!
Et des perce-neige, des perce-neige vierges
Pour dire que tu as fleuri, blanche,
Dans mon petit coeur d'adolescent!

Patrie, ô Patrie,

Ton visage indiscernable
Est la clarté
Qui guide ma main enflammée
Sur les pages lilas des montagnes,
Versant la joie millénaire de ton savoir
Dans les puits obscurs des siècles!

Patrie,

Routes et clochers
D'un paysage qui vibre
Sous les paupières clauses,
Songes rassemblés dans le feu
D'une larme inattendue,
Et les yeux des mots familiers
Qui mirent le ciel traversé
Par le vol mélodieux
Des oiseaux!

Patrie,

Un nom,
Quelques syllabes
Collées à jamais au coeur attentif,
Une voix pathétique
Dans la mémoire
Qui refuse tout oubli!

Patrie,

Racine qui livre généreusement
Son humble beauté
Dans les feuilles des arbres
Et leurs fruits!

Des hirondelles venues jusqu'à l'âme,
Des vers sublimes des antiques poètes
De génie sur des lèvres aimantes !

Patrie,

Si nativement est au aujourd'hui le soir,
Et si délicieux les vers de Riley
Qui rendent transparent mon ouïe :

« Une atmosphère indolente, une brise paresseuse,
Avec la respiration pénible, déplace le blé ...»

Athanase Vantchev de Thracy

Saint-Germain-en-Laye, le 4 avril, Pâques, 2010

Glose :

James Whitcomb Riley (1849-1916) : poète et écrivain américain.