samedi 31 décembre 2011

NOËL 2011

NOËL 2011

" Des saints émane toujours une telle force,
une telle lumière, un tel baume "

Athanase Vantchev de Thracy

Inachevé poème, inachevable vie,
C’est de nouveau Noël, et de nouveat le Christ
Embaume l’éternité de son haleine de myste,
Iris de lumière, échelle vers l’infini !

Frayeurs, joies, soucis, la neige silencieuse
Efface de ses caresses le livre des blessures,
Papier de mûrier, retiens les douces épures
Des mots qui font frémir d’extase les mains pieuses !

Seigneur des âmes qui marchent toutes nues dans le froid
Et que l’absurde rend libres et belles comme le ciel,
Que vaut l’extrême Bien sans l’or de la Foi ?

En cette nuit splendide, redis aux coeurs fidèles
Le Verbe essentiel qui fait pousser les blés,
Bénis ton troubadour, ton hymnographe zélé !

Athanase Vantchev de Thracy

Haskovo, le 24 décembre 2011

Glose :

Myste (n.m.) : terme d'antiquité. Initié aux mystères de l’univers.

mardi 20 décembre 2011

STARETS ISIDORE

STARETS ISIDORE

À tous mes amis russes qui vénèrent la mémoire du Père Isidore

« Vers Toi, ô Mère Très Sainte,
J’ose élever ma supplication…

Vers attribué à Gogol

La chambre minuscule, l’icône de la Vierge,
Dans une vieille bouteille, une marguerite dorée,
La bleue veilleuse qui parle avec l’éternité,
Et le visage du saint penché sur le cierge.

Comme tout cela est beau, comme tout ici est pur,
Et si serein qu’on peut entendre les archanges
Verser leur chant céleste, parfait et sans mélange
Sur l’âme du vieillard serré contre le mur.

Ô infinie bonté, tu as orné son cœur
De l’immanente beauté de Dieu et du ciel,
De fleurs du paradis, de mots essentiels,

Cueillis dans les blessures terribles du Seigneur !
Mon Père, souviens-toi dans ton sommeil divin
De ceux qui errent, le coeur, navré par le chagrin.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 20 décembre, Anno Domini MMXI

Glose :

Starets (n.m.) : mot russe (en grec « geron »). Père spirituel, moine doué de sagesse et d’une expérience reconnue. Tels étaient saint Jean de l’Echelle (saint Jean Climaque ou Jean le Sinaïtique), saint Eustache Placide, le starets russe Georges le Reclus, etc.

Le starets Isidore (XIXe siècle) habitait un ermitage (skite) non loin du monastère de la Sainte-Trinité, fondé vers 1340 par saint Serge de Radonège (1314-1392). En 1774, le monastère fut élevé au rang de laure. Depuis 1814, la laure héberge dans ses murs l’Académie ecclésiastique de Moscou. Le célèbre philosophe et théologien russe, Paul Florensky (1882-1937) lui a consacré un magnifique livre intitulé « Le sel de la terre ».

dimanche 18 décembre 2011

LA NEIGE CIRCASSIENNE

LA NEIGE CIRCASSIENNE

A Ali

La neige circassienne, plus pure que diamant,
Couvrait de ses caresses nos faces émerveillées,
Et douce comme un soupir, l’immense éternité
Rendait plus transparent le fleuve limpide du sang.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 18 décembre 2011

Glose :

Circassien, circassienne (adj.) : de Circassie, une des régions du Caucase où se situent les républiques de Karatchaïévo-Tcherkessie, de Kabardino-Balkarie et d’Adyguée qui font partie de la Fédération de Russie. Beaucoup de Circassiens vivent un peu partout dans le monde.

MAHLER

MAHLER

Au Prince Alessandro Bonetti

L’adagio de Mahler, le haut soir de soie,
Le suave velours de l’air, la mauve splendeur des cimes,
Et votre tête d’archange, comme un cadeau sublime
Au fond de mes prunelles irradiant de foi !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 18 décembre 2011

En écoutant l’adagietto de la Symphonie N° 5 de Mahler.

Glose :

Gustav Mahler (1860-1911) : un des plus grands compositeurs, pianistes et chefs d’orchestre du XIXe siècle, né à Kaliste, ville de l’Empire austro-hongrois (aujourd’hui en République chèque).

FLEURIT LA BELLE CORÊTE

FLEURIT LA BELLE CORÊTE

À Louis-Amédée de B.

Au bord de l’eau d’azur fleurit la belle corête
Plus lumineuse que l’or, plus douce que le ciel,
Comme elle, mon Prince aimé, mon chant essentiel,
Vous fleurissez mon cœur de vos paroles discrètes.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 18 décembre 2011

Glose :

Corête (n.f.) : arbuste de taille modeste originaire d’Asie. Il ne dépasse que rarement 2 mètres de hauteur et forme un élégant buisson étalé. Contrairement à ce qu'elle laisse paraître, ses nombreux rameaux ne sont que peu ramifiés. Ils se couvrent de petites feuilles simples, caduques, de couleur verte. En forme de cœur à la base, elles se terminent en pointe effilée. Les contours sont dentelés.
À partir du mois d'avril, et jusqu'au mois de juin, les fleurs font leur apparition. De couleur jaune d'or, elles sont petites et nombreuses. L'espèce type possède des fleurs simples mais il existe une variété aux fleurs doubles, ressemblant à de soyeux pompons.

lundi 12 décembre 2011

TELEMANN

TELEMANN

A Hadrien

Nous dormions bercés par les élans du sang,
Et Telemann frôlait nos faces de sa musique,
L’été couchait sur nous son élégance dorique
Et tout était splendide comme les poèmes du vent.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 11 décembre 2011

En écoutant la Fantaisie de Telemann.

Glose :

Georg Philipp Telemann (14 mars 1681 à Magdebourg – 25 juin 1767 à Hambourg) : le plus célèbre compositeur allemand de l’âge baroque. Par les impulsions novatrices qu'il a données tant à l'art de la composition qu'à la sensibilité musicale, il a puissamment marqué la musique de la première moitié du XVIIIe siècle.

Dorique (adj.) : l'ordre dorique est le plus simple, le plus dépouillé des trois ordres grecs. Les colonnes doriques se caractérisent notamment par leurs chapiteaux à échine plate (nue, sans décors), par leur fût orné de 20 cannelures et par l'absence de base (pour le dorique grec) ; la frise dorique se caractérise par ses triglyphes et ses métopes.

L'ordre dorique est aussi le plus ancien des ordres grecs (il apparaît durant la seconde moitié du VIe siècle av. J.-C.). L’architecte romain Vitruve (Marcus Vitruvius Pollio – premier siècle av. J.-C.) attribue son invention à Dorus (Doros) fils d’Hellénos (Hellen), l’ancêtre des Hellènes (les Grecs) et de la nymphe Orséis. Il reçoit de son père toute la région qui fait face au Péloponnèse, et dont les habitants sont appelés Doriens d'après son nom. Ceux qui l'employèrent les premiers « mesurèrent, dit Vitruve, le pied d'un homme, et, trouvant qu'il était la sixième partie de la hauteur du corps, ils appliquèrent à leurs colonnes cette proportion : quel que fût le diamètre de la colonne à son pied, ils donnèrent à la tige, y compris le chapiteau, une hauteur égale à six fois ce diamètre ».

Les ordres, en architecture, déterminent les proportions, les formes et l'ornementation de toute partie construite en élévation (en particulier des colonnes, sans que leur présence soit impérative, des pilastres, des supports, des entablements). Les Grecs n'en reconnaissaient que trois : l’ordre dorique, l’ordre ionique et l’ordre corinthien. Les Romains en ont ajouté deux : l’ordre toscan et l’ordre composite.

DIX ALDRAVIAS

DIX ALDRAVIAS

A Marilza Albuquerque

1.

Capucines
Qui
Rendent
Aérienne
Mon
Âme.

2.

Être,
Frissonner,
Boire
Le
Matin,
Miséricorde !

3.

Pommiers,
Fleurs,
Calices,
Livres
Antiques,
Abeilles.

4.

Vivre,
Respirer,
Sentir,
Devenir
Douceur,
Liberté.

5.

Parménide,
Platon,
Pascal,
Chanter
Comme
Orphée !

6.

Ouvrir
Les
Agrafes
De
La
Chasteté !

7.

Marc-Aurèle,
Astrée,
Pudeur,
Êtres
De
Lumière !

8.

Reconnaître
Les traces
De Dieu
Dans
Le
Silence !

9.

Toucher,
Caresser
De Cérès
Les
Saintes
Bandelettes !

10.

Un
Lit
De forestier,
Joie,
Extase
Infinies !


Athanase Vantchev de Thracy

Décembre 2011

Glose :

Aldravia : qu’est-ce donc que l’aldravia ? Une nouvelle forme de poésie synthétique capable de prouver que la poésie est un art toujours vivant, un savoir-faire immortel. Le poème aldraviste est une composition métrique de six vers contenant chacun un seul mot. Le nombre limite de mots est aléatoire. La préoccupation principale de cette poésie est d’être une condensation de sens conforme à l'esprit poundien, sans que cela implique un effort extrême pour son élaboration. Ce mouvement créateur est né au Brésil. Marilza Albuquerque, une de ses fondatrices, dirige la Société des poètes aldravistes de cet immense pays. Parmi les représentants du mouvement on peut mentionner les noms de Andreia Donadon, J.B. Donadon,, J.S. Fereira, Gabrile Bicalho, Elvandro Burity dont j’ai eu le privilège de traduire les poèmes en français, etc.

Je suis le premier poète français à m’essayer à cet art.

Parménide d'Élée (fin du Vie – milieu du Ve siècle av. J.-C) : philosophe grec présocratique. Il est célèbre pour un texte en vers qui eut une immense influence sur la pensée de son époque. Un dialogue de Platon, Le Parménide, porte son nom.

Platon (428/427 – 348/347 av. J.-C.) : un des plus grands philosophes grec, contemporain de la démocratie athénienne et des sophistes. Son œuvre est immense.

Blaise Pascal (1623-1662) : mathématicien, physicien, inventeur, philosophe, moraliste et théologien français.

Orphée (il a vécu vers 1300 av. J.-C.) : héros et poète de la mythologie grecque, fils du roi thrace Œagre et de la muse Calliope. Il a inspiré, en Grèce antique, une secte religieuse appelée orphisme, qui était liée aux Pythagoriciens et aux mystères du dieu Dionysos.
Marc Aurèle (121-180) : empereur romain. Il régna de 161 à sa mort. Philosophe et écrivain.
Astrée et sa sœur Pudeur : filles justes et vertueuses de Jupiter et de Thétis. Elles vivaient sur terre à l’âge d’or.

Cérès (Déméter): dans la mythologie grecque, Cérès (Ceres) est la déesse de l'agriculture, des moissons et de la fécondité. C’est le nom latin de la déesse grecque Déméter. Fille de Saturne et de Ops. Elle apprit aux hommes l'art de cultiver la terre, de semer, de récolter le blé, et d'en faire du pain. Jupiter (Zeus), son frère, épris de sa beauté, eut d'elle Proserpine (Perséphone). Elle fut aussi aimée par Neptune (Poséidon) et, pour échapper à sa poursuite, elle se changea en jument. Le dieu s'en aperçut et se transforma en cheval. Les amours de Cérès la rendirent mère du cheval immortel Arion (Areion), doué, selon le poète Properce, de la parole. Elle est la déesse des pauvres .

vendredi 9 décembre 2011

ARMENIE (EXALTATION DE LA SAINTE CROIX)

ARMENIE

EXALTATION DE LA SAINTE CROIX

I.

Seigneur, je veux chanter la divine Arménie,
Mélanger, unir, imbriquer la parole
À son angélique iconographie,
Glorifier
L’imminence perpétuelle de Dieu
Dans les méandres chargés d’éloquence
De son immense histoire.

Je veux voir mon nom inscrit, ô Seigneur,
Parmi les noms des tornores logi :
Lumen orationis,
Claritas sanguinis,
Generis nobilitas !

II.

Vint saint Grégoire l’Illuminateur
Et enfin fut la vraie lumière
Dans l’immaculé ciel
De la patrie arménienne !

Et le Christ a donné
À la chérubinique Arménie
Aristakès, Vertanès, Houssik,
Grigoris et l’immortelle clarté du pays,
Le catholicos saint Nersès.

Et l’air du pays se mit à l’écoute
De la cithare mansuète de l’air des montagnes,
Et des trompettes des torrentiels ruisseaux !

III.

Élevées par l’inspiration intime
Dans les cieux de l’éternelle harmonie,
Les âmes pures perdent conscience
De tous ce qu’elles disent et écrivent.

Et les bouches des hommes frôlés
Par la grâce de leurs dits
Rendent pertinente la beauté de leurs paroles
Et de leurs noms !

Hommes de Dieu,
Torches de foi enflammées,
Arbre de vie
Et sources fulgurantes des jours sans repos !

IV.

Or, ayant entrevu d’un coin d’œil la splendeur
Du savoir divin,
Le cœur s’élance irrésistiblement
Vers la Beauté continuelle,
Toujours transparente
Et à jamais sans mélange !

Ô homme de feu,
Votre légèreté a tant de poids !
Faites-moi fête,
Entrez en mon âme
Devenue palais de rêve !
Donnez-moi quelques miettes
De votre infigurable amour
Pour ce pays,
Le premier, le plus vénéré
Dans le rang des royaumes chrétiens !

V.

Et cette musique des mots arméniens,
Cette musique au-delà de l’empire de l’oreille
Relicto aurium iudicio !

La Foi, la grande chaîne de l’être
Où rien ne peut être ni défini ni classé !

Le cœur amoureux de Dieu est comme un épervier
Qui vole mieux que le faucon, la colombe et la perdrix !

Âme, que d’imbroglio dynastique !
Des annales couchées sous les dalles mortuaires,
Des blessures d’innocence perdue,
Des fêlures de promesses non tenues,
Des corps éviscérés,
Tant de siècles quittes de la vie,
Des inscriptions à demi effacées
Qui donnent à la rude réalité un tour d’écrou !

VI.

Et cette rafale de poèmes
D’une grâce fabuleuse,
Des livres aux enluminures plus que splendides
Où chaque lettrine est un chiffre précis !
Des discours hautement exhortatoires
Et des exégèses
D’une exhaustivité herméneutique !

VII.

Hommes qui aimiez la patrie arménienne,
Hommes qui teniez entre vos mains
La pureté du soleil, la clarté de l’eau
Et la neigeuse hauteur des montagnes
Entre vos mains et dans les prunelles
De vos yeux extasiés !

Architecture, sculpture,
Peinture, musique, poésie, danse,
Tu es tout cela dans mon amour perpétuel,
Ô Arménie,
Moi qui découvre, au crépuscule de mon temps,
Que tu es seule à être toi
Dans l’infini !

VIII.

Pensées ailées, passion délicate, sentiments déliés !
Brumeuses, fugaces, volatiles visions sans âge
Des lacs, des prairies, des sentiers ornés de fleurs,
Des maisons ouvertes à l’âpre amour
De ses enfants éparpillés comme des grains d’or
Sur le changeant visage de la Terre !

C’est ici, devant une simple hutte
Et des visages rudes illuminés par la bonté
Que je conjure,
À travers les calices des fleurs et les gouttes du matin
La juste leçon du Bien,
La blanche Chrétienté de toujours !

IX.

Ô authenticité des êtres,
Originalité historique,
Pureté autoriale,
Autodestin des écrits !

X.

J’aimerais te chanter encore,
Et que plus de sang coule dans ma voix !
J’aimerais faire grandir le cœur de mes mots dans mon poème
Comme, en été, sur les cimes blanches et roses, grandit l’aube !

Amis arméniens,
Je veux que les jours de beauté
Ne meurent jamais en moi
Et que, debout, mon être se tienne toujours
Au seuil de l’immatérielle confiance !

Arménie, toi sœur de l’espace,
Toi, généreuse poignée d’éternité !

Je t’aime, Arménie à la tête
Au sourire resplendissant,
Arménie
Couronnée de petites fleurs de perce-neige !


Athanase Vantchev de Thracy


Paris, décembre 2011

Glose :
L' exaltation de la Sainte-Croix, ou Fête de la Croix Glorieuse, est une fête chrétienne qui honore, le 14 septembre, la Croix du Christ. Cette fête existe chez les catholiques, les orthodoxes et certains groupes protestants, en particulier ceux issus de l’anglicanisme. Cette fête liturgique a lieu le jour anniversaire de la consécration de la basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Aux siècles suivants, on y ajoute la libération de la Vraie Croix des mains des Perses en 628. Cette fête a lieu en Gaule le 3 mai. Lorsque les usages gaulois et romains se fondent, le 14 septembre est fixé par le calendrier liturgique comme fête du Triomphe de la Croix et, le 3 mai, comme Recouvrement de la Croix. Celle-ci est maintenue par la forme extraordinaire du rite romain.
Les orthodoxes fêtent ensemble ces deux événements. L'Exaltation de la Sainte-Croix est l'une des douze grandes fêtes du calendrier liturgique de l'Église d'Orient. Le 1er août est celle de la Procession du Bois vénérable de la Croix, jour où les reliques de la Croix furent portées en procession à Constantinople pour bénir la cité.
L'Église reconnaît aussi d'autres fêtes mobiles qui ont la Croix de la Crucifixion de Jésus comme thème de commémoration, ainsi l'Adoration de la Croix le Vendredi Saint et, pour les orthodoxes, le troisième dimanche du Grand Carême pour la Vénération de la Croix. Une grande croix est portée en procession le Jeudi Saint chez les chrétiens orientaux.
Nersès Ier le Grand ou Nersès Ier Medz ou saint Nersès est Catholicos d’Arménie de 353 à 373. Il est l'arrière-arrière-petit-fils de Grégoire Ier l’Illuminateur. Nersès est considéré comme un saint dès sa mort ; son tombeau, situé près d’Erzurum, est un lieu de pèlerinage jusqu'aux invasions arabes du VIIe siècle.
Tornores logi : expression latine qui signifie « polisseurs de mots ».

Lumen orationis : expression latine qui signifie « éclat de la parole » ou « lumière du discours. La fin d'une période (longue phrase latine) se terminait souvent par un soudain éclat rhétorique qu’on appelait « lumière du discours ».

Claritas sanguinis : expression latine qui signifie « éclat du sang ». Elle signifie une naissance illustre, l’appartenance à une grande famille romaine.

Generis nobilitas : expression latine qui signifie la « noblesse d’une ancienne et illustre famille ».

Saint Grégoire l’Illuminateur ou Grégoire Ier l'Illuminateur (né vers 257- mort en 331) est le saint qui a évangélisé l'Arménie et qui en a été le premier catholicos.

Tiridate IV devient, en 298, roi d'Arménie. Le souverain désire restaurer les fêtes de la déesse Anahit (Tiridate est païen). Grégoire, qui est chrétien, exprime son mécontentement et n'accepte pas d'y participer. Le roi décide de le jeter dans une fosse à Khor Virap, qui sera appelé « Prison de saint Grégoire », où il reste emprisonné durant treize années. Puis Tiridate tombe malade et décide de le libérer pour qu'il vienne le soigner. Grégoire le guérit miraculeusement et devient officiellement Catholicos d’Arménie. le premier de l'histoire, faisant du royaume, le plus ancien pays chrétien au monde. Il se fait ordonner évêque de Césarée de Cappadoce, d'où il ramène les reliques de saint Jean-Baptiste et du martyr Athanagène.
L’Eglise d’Arménie existait, certes, plus ou moins superficiellement et de manière presque légendaire avant Grégoire l'Illuminateur, mais il en est le réel créateur. C’est lui qui fonde les évêchés du pays.
Grégoire meurt vers 331. Ses descendants directs, dont ses deux fils, forment une dynastie, les Grégorides, laquelle contrôle ensuite le catholicosat arménien pendant une centaine d'années et s'oppose parfois à la famille royale arsacide.
L'Église apostolique arménienne, indépendante, est également surnommée grégorienne. Le 30 septembre, on célèbre la Saint-Grégoire. C’est la fête la plus importante en Arménie.
Aristakès,Vertanès, Houssik,
Grigoris et l’immortelle clarté du pays,
Le catholicos Nersès : catholicos issus de la famille de saint Grégoire l’Illuminateur.

Mansuète (adj.) : du latin mansuetus, « doux », « bienveillant », lui-même de mansuetudo, mansuetudinis, « douceur », « indulgence », « bienveillance ».
Catholicos : le titre de catholicos est un titre équivalent à celui de patriarche porté par des dignitaires de plusieurs Eglise orthodoxe orientales, notamment les Eglises de tradition nestorienne et les Eglises monophysites, en particulier l’Eglise apostolique arménienne. Le mot lui-même vient du grec καθολικός, signifiant « universel ».

Relicto aurium iudicio : expression qu’on trouve dans l’ouvrage de Boèce De la Musique et qui signifie « abandonner le jugement de l’oreille ». Boèce (Anicius Manlius Torquatus Severinus) : philosophe et homme politique latin, né vers 470 à Rome, mis à mort en 525 à Pavie par Théodoric le Grand. Il a commenté Aristote, publié des traités de mathématique, logique, théologie, musique. Il a notamment contribué à organiser les disciplines scientifiques comme Trivium Quadrivium. Trivium ; « art de la parole » qui se compose de la grammaire, de la rhétorique et de la logique. Quadrivium : désigne l'ensemble des quatre sciences mathématiques dans la théorie antique : arithmétique, musique, géométrie, astronomie.

dimanche 4 décembre 2011

TROIS MUSICIENS

TROIS MUSICIENS

A Valeriy Sokolov, violoniste de génie

« Deus nobis haec otia fecit »
(« C'est à un dieu que je dois cette tranquillité. »)

Virgile


1.

HENRY PURCELL

Ami des Anges, Seigneur des seringas,
Toi qui reposes près des orgues
De Westminster,
Toi dont la musique astrale
A su défaire les nœuds solennels de l’oubli.

La nuit, émerveillé,
Je bois le chuchotis de tes notes,
Moi, l’anonyme poète
Aux 41 recueils de poésies,
Moi, l’exilé des saisons
A la trempe coriace des désespérés !

Mon cœur imprégné
Du parfum sacré de tes mélodies,
Se meut comme une étoile dans l’obscurité,
Vêtu de la clarté des mots purs
Comme Shiva dansait
Dans les flammes
Qui détruisent et recréent le monde.

Attentif à l’éternité, je veille tard, très tard,
Attendant le chant du vent frais
Qui m’apporte des collines
De l’huile pour ma lampe,,

Et un peu de la beauté de ton âme divine
Changée en harmonie délicieuse !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 30 novembre 2011

Glose :

Henry Purcell (1659-1695) : musicien et compositeur de musique baroque, né et mort à Westminster (quartier de Londres). On admet généralement que Purcell a été le plus grand compositeur anglais de naissance (Haendel ayant été britannique par naturalisation). Purcell a incorporé à sa musique des éléments des styles français et italien, mais a développé un style anglais particulier.

Shiva, transcrit parfois par Siva ou Çiva, « le bon, le gentil, qui porte bonheur », est un dieu hindou, un des membres de la Trimoûrti avec Brahmâ et Vishnou.

2.

CAMILLE SAINT-SAËNS

Un rayon irisé
Sur l’aile d’une libellule,
Splendor orationis,
La sémiose métaphysique
De Jan Scot Érigène,
Non, aucun sens secret n’échappe,
Féerique Saint-Saëns,
A ton âme de musique !

Bien, Beauté, Être
Délectables propriétés séraphiques
De ton être !
Toi, qui traduis en musique
Les amples sinuosités,
Les suaves frissons du ciel
Et les mouvements extrêmes
Des rêves
Sur fond d’azur !

Ô genèse du matin
Dans cette sensualité languissante du cœur,
Une note, une larme
Enferment toute l’apesanteur
De ce jour d’été !

Et cet anéantissement dans la chair
Pour n’être plus
Que soupir,
Gémissement
Et extase !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 2 décembre 2011

Glose :

Camille Saint-Saëns (1835-1921) : pianiste, organiste et compositeur français. Il a écrit douze opéras, dont le plus connu est Samson et Dalila (1877), de nombreux oratorios, cinq symphonies, cinq concertos pour piano, trois pour violon et deux pour violoncelle, des compositions chorales, de la musique de chambre et des pièces pittoresques, dont Le Carnaval des animaux (1886).

Il occupe une place particulière dans l'histoire du septième art, puisqu'il est, en 1908, le tout premier compositeur de renom à composer une musique spécialement pour un film, L’Assassinat du duc de Guise.

Splendor orationis : expression latine qui signifie « splendeur de la parole »
Sémiose (n.f.) : désigne la signification d’un mot ou d’un signe en fonction du contexte où il se trouve. C'est une notion de sémiologie.
Exemple : le signe « lever le doigt » peut signifier :
1. « Je voudrais la parole » s'il est employé dans une salle de classe
2. « Arrêtez-vous » s'il est utilisé à un arrêt de bus
Jan Scot Érigène - Iohannes Scottus (né entre les années 800 et 815 – mort en 876) : moine, théologien et philosophe irlandais, il était laïc, quoique clerc. Il possédait une immense culture. Il a voyagé en Grèce et en Orient. Il traduit les Pères de l’Eglise et annote les œuvres de Maxime le Confesseur et Sur les images de Grégoire de Nysse. Il étudie Origène et saint Augustin. Il annote et commente Martianus Capella et Boèce. Il reste, encore aujourd'hui, reconnu pour avoir été traducteur et commentateur brillant du Pseudo-Denys l’Aréopagite.

3.
GABRIEL FAURÉ
Fleurissent les deux pommiers de mon petit jardin,
Mon cœur aimant revit avec le printemps.
J’écoute Fauré, lui qui a su charger sa musique
De moments du monde.

Fenouils, coquelicots, sauges et prêles
Toutes les plantes
Chaleureuses,
Confiantes,
Lucides
Tendent leurs âmes champêtres vers
Les notes de ces mélodies tissées de délicatesse.

Ô matin dilué dans la sonore clarté
De la musique ! Quelle grâce légère,
Quelle éblouissante subtilité.
Perles remplies de soleil et d’eau amoureuse !

Et toi, Mère de Dieu,
Oratrix pacis,
Qui veille sur le cœur des êtres pudiques !

Jour d’ambre,
Jour fait des larmes
Que versèrent les filles du soleil
Changées en peupliers !

Ô harmonie, entre les élégantes collines s’épure
Un paysage d’une tendre clarté !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 4 décembre 2011
Glose :
Gabriel Fauré (1845-1924) : pianiste, organiste et compositeur français.
Élève de Saint-Saëns et Gustave Lefèvre à l’Ecole Niedermeyer de Paris, il est d’abord organiste à l’église de la Madeleine à Paris. Il est ensuite professeur de composition au Conservatoire de Paris, puis directeur de l'établissement de 1905-1920.
Avec Debussy, Ravel, Satie et Saint-Saëns, il est l'un des grands musiciens français de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
Oratrix pacis : expression latine qui signifie « celle qui demande la paix ».
Ambre (n.m.) : mythologie grecque : les Héliades, filles d’Hélios et de l’Océanide Clyméné sont les sœurs de Phaéton. Lorsque leur frère fut foudroyé par Zeus et tomba dans le fleuve Eridan, les Héliades le pleurèrent tant qu’elles furent transformées en peupliers. Leurs larmes donnèrent naissance aux gouttes d’ambre.

dimanche 27 novembre 2011

TROIS PETITS FRISSONS

TROIS PETITS FRISSONS

À Geoffrey de Vinsauf

1.

Nos cœurs sont restés suspendus
A la porte d’une maison ancienne.

Sont-ils toujours en fleurs
Les pêchers dans le jardin ?

Fleurissent-ils toujours, les chèvrefeuilles,
Le long des rues où se promènent les roses ?

Discret, innocent royaume de la nuit !
Tant de solitude entre les êtres !

Dis-moi, dis-lui, dis-nous, amour,
Où reposent-elles, les cendres
De tant de génies généreux !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 23 novembre 2011

Glose :
Geoffrey de Vinsauf ou encore Galfrigus de Vinosalvo, surnommé « Anglicus » est un poète et un écrivain anglais vivant entre la seconde moitié du XIIe siècle et la première moitié du XIIIe siècle. Jean George Théodore Graesse lui attribue le Traité du Vin (premier livre imprimé sur le sujet). On ne connaît presque rien de sa biographie, si ce n'est qu'il fut un loyal sujet du roi Richard Ier, qu’il avait visité la France et l’Italie et qu’il fut fort bien traité par le Pape Innocent III à Rome.


2.

Comme tout est subtil chez Ishiguro,
Comme sa langue, claire et retenue,
Sait effleurer les choses !

Tout est suggestion ; la vie, l’oubli, le déni,
Les touches douloureuses, les mots étrangers
A toute insistance, à toute vanité.

Il semble
Fortuitement,
Gracieusement,
Imperceptiblement
Descendre l’insaisissable pente de la vie.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 24 novembre 2011

Glose :
Kazuo Ishiguro (né à Nagazaki en 1954) : écrivain et romancier britannique d’origine japonaise. Il suit son père en Angleterre, où il réside à partir de 1960. Ishiguro suit ses études de littérature et de philosophie dans les universités du Kent et d'East Anglia.

3.
Coumba Thioupam,
Ô bon génie du Cap de Naze,
Eclaire de ta lampe-tempête
La grande nuit que nos cœurs traversent,
Les années nodulaires
Qui font souffrir nos corps.

Rends paisibles les maisons insomnieuses
Et fais, Coumba Thioupam,
Que les mots, trempés dans les mots,
Ressuscitent les tendresses de l’enfance
Et rendent aux exilés
Leur pays clair comme un alphabet de neige.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 25 novembre 2011

Glose :

Coumba Thioupam : un bon génie qui veille sur le village de Popenguine, situé au bord de l´océan Atlantique, à 50 km au sud de Dakar au Sénégal, et protège de sa lampe-tempête les voyageurs.

Nodulaire (adj.) : qui a des nodules. Qui comporte des nœuds.

LES ACOUSMATICIENS

LES ACOUSMATICIENS

À Jesper Svenbro

“Then let some holy trance convey my thoughts…”

(« Alors, laissez une transe sacrée transmettre mes pensées… »)

Christopher Marlowe

Comme est fascinante pour l’âme
Cette indomptable légèreté du matin,
La lumière blanche dans les délicates mains
Des êtres aimés !

Liberté contemplative,
Volonté désespérée d’atteindre la perfection
De ce ciel si bleu qu’il donne le tournis !

Nous restons face à la vie qui déploie
Dans un nouvel allant, les mystères de ses fastes,
Point de suspension,
Point intangible de l’infini.

Acousmaticiens,
Nous essayons de capter le souffle incandescent
Qui émane de chaque objet, de chaque être vivant,
Immense, insistante force de la poésie
Partout, ici, ce matin, aujourd’hui !

Et nous refusons les subversions carnavalesques
Du quotidien d’où la tendresse s’absente,
Car nous, disciples des dieux éternels,
Nous aimons la translation en sourire
Des chuchotis de mots blessés par la froideur des lèvres.

Nous, les acousmaticiens aux cœurs ouverts à chaque cri,
Nous sommes vivants ! Nous ne sommes pas des mausolées du néant !

Nous savons que l’amour est la langue que parlent même les morts.


Athanase Vantchev de Thracy


Paris, ce dimanche 27 novembre, Anno Domini MMXI


Glose :

Acousmaticien (n.m.) : la communauté pythagoricienne s'échelonne sur quatre degrés initiatiques et hiérarchiques, Les femmes et les étrangers y sont admis. Les profanes (bébêloi) sont « les gens du dehors » (oi exô, οί έξω), les gens du commun, auxquels rien ne doit être révélé.

Premier degré : les postulants :

Pythagore observe, chez ceux qui se présentent comme candidats, les traits du visage (physiognomonie) et les gestes (kinésique), mais aussi les relations avec les parents, le rire, les désirs, les fréquentations. On est admis ou pas.

Deuxième degré : les néophytes

Leur période de probation dure trois ans, pendant laquelle Pythagore examine la persévérance, le désir d'apprendre. Au terme, ils sont refusés ou acceptés. Acceptés, ils prononcent le serment de silence.

Troisième degré : les acousmaticiens

Les acousmaticiens - ou acousmatiques - (άκουσματικοί : « auditeurs »). Ils reçoivent un enseignement de cinq ans, donné sous forme de préceptes oraux (άκούσματα), sans démonstration, destinés à être gardés en mémoire.
Postulants, néophytes et auditeurs forment le grade des « exotériques » (έξωτερικοί) ou novices.

Quatrième et dernier degré : les mathématiciens

Christopher Marlowe (baptisé le 26 février 1564 - décédé le 30 mai 1593) : dramaturge anglais, poète et traducteur de l'époque élisabéthaine. Comme premier tragédien à côté de William Shakespeare, il est connu pour sa poésie, sa vie agitée, et sa mort mystérieuse.

jeudi 24 novembre 2011

CINQ ILLUMINATIONS DU COEUR

CINQ ILLUMINATIONS DU CŒUR

« Non, par celui* qui a trouvé la tétraktys de notre sagesse,
Source qui contient en elle les racines de la nature éternelle. »


1.

Ô Hikuptah, ma ville immortelle,

La Voie lactée sépare nos cœurs
Comme elle sépare les étoiles Altaïr et Véga.

Le vent léger fuit en faisant chanter les feuilles éveillées
Et lacère ma poitrine de sa douceur.

Non ! Les nuits de tendresse ne se répètent jamais,
Jamais ne fleurissent deux fois les pommiers le même printemps.

Chancelant, je m’appuie sur la faiblesse de mes amis
Et, pour ne pas mourir de tristesse,
Je respire le violet parfum des matthioles.

Ô dieux favorables, faites que les étoiles de Bouvier
Rejoignent les étoiles de la Tisserande
Dans le sourire de la Rivière céleste !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 18 novembre 2011

Glose :

* Celui qui a trouvé… : il s’agit du philosophe grec Pythagore (VIe siècle av. J.-C.).

Tétraktys (n.f.) : image qui figure la structure du monde inventée par Pythagore. La figure classique est celle d’un triangle de quatre lignes (ou étages) tel que 1 + 2 + 3 + 4 = 10 points ou cailloux. 4 est ainsi la racine triangulaire de 10. L’analogie avec les quatre éléments est évidente. Quatre contient tout et la somme des quatre premiers nombres donne 10, ce qui dans le système décimal (universel chez les grecs) est un retour à l’unité. Tout ce qui existe dans ce monde « sublunaire » est analogue au point (= 1), à la ligne (= 2), à la surface (= 3) ou au volume (= 4). Rien d’autre ne peut exister hors de ce triangle primordial, figuré par la tétraktys.


Hikuptah : mot égyptien qui signifie « château du ka (âme) », de Ptah, un des noms de la ville de Memphis dont les Grecs firent Aiguptos qu’ils appliquèrent à tout le pays qui existait depuis des siècles. Ancien Empire (2720 – 2300 av. J.-C.) ; Moyen Empire (2065 – 1785 av. J.-C.) ; Nouvel Empire (1580 – 1085 av. J.-C.).

Altaïr (α Aquilae) est l'étoile la plus brillante de la constellation de l'Aigle.

Véga, également appelée Alpha Lyrae (α Lyrae), est l'étoile la plus brillante de la constellation de la Lyre.

Matthiole (n.f.), appelée encore giroflée de jardin ou violier : plante dont on cultive une espèce sous le nom de giroflée rouge ou giroflée violet.

Bouvier : constellation qui porte le nom de Bouvier depuis longtemps (elle fut compilée sous cette dénomination par Aratus de Soles, puis par Ptolémée. Nous ne savons pas qui ce bouvier représente. Selon une version, il s'agit d'un laboureur qui conduit les sept bœufs (septem triones) de la constellation de la Grande Ourse à l'aide de ses deux chiens Chara et Astérion (de la constellation des Chiens de chasse). Les bœufs seraient liés à l'axe polaire et le Bouvier perpétuerait la rotation des cieux.

Tisserande : constellation de la Tisserande. En Chine, la constellation de l’Aigle (Aquila) est connue comme celle de la Tisserande, et celle de la Lyre (Lyra) comme la constellation du Bouvier. Un des récits les plus anciens de la Chine relate les amours de la Tisserande et du Bouvier, confirme l'existence d'un culte des astres dans la Chine archaïque dont la popularité a traversé les siècles.




2.

Vos rêves flottent comme un fil de soie au vent
Quand les dernières étoiles frôlent votre élégant oreiller.

Le matin d’août approche allègrement de votre fenêtre
Orné d’armoises, d’aristoloches, d’iris et d’arnica,
Et, agile comme une mésange,
La joie prend des formes lumineuses
Qui m’appellent et m’échappent.

Souriez-moi avec délicatesse et douceur,
Fermez vos yeux de pluie verte
Pour entendre les mesures marmoréennes d’un chant antique
Des montagnes de mon sang où se reposent les dieux
Dans une félicité radieuse !

Vous, amour et tristesse doublement impossibles !

Athanase Vantchev de Thracy

Le 19 novembre, Anno Domini MMXI

Glose :

Armoise (n.f.) : plante. Le genre Artemisia (les armoises), famille des Asteracées, regroupe des herbacées, des arbrisseaux et des arbustes aromatiques, densément tomenteux (d‘un rouge qui rappelle la couleur des tomates), pubescents (portant des poils fins plus ou moins espacés) ou glabres.

Aristoloche (n.f.) : plante herbacée (plus particulièrement de type liane) de la famille du genre Aristolochia qui comprend plus de 300 espèces.

Arnica (n.m.) : plante pérenne, herbacée, appartenant à la famille des Asteracées. Il existe quelque 30 espèces qui poussent essentiellement dans les montagnes.



3.


Reviens à moi, vague errante, emporte-moi
Sur l’autre rive du savoir où, magnifiques,
Se dressent encore les temples ancestraux de mon âme.

Ici, vague vagabonde, dès que la clepsydre
Arrête son chant suave, tout s’endort :
Arbres à fleurs aux parfums envoûtants,
Herbes émeraude, mésanges et buissons odorants,
Hommes en larmes et bêtes harassées.

Ici, j’ai peur de mon propre reflet !

Qui peut connaître les sursauts d’effrois
Des exilés solitaires, mes frères en Dieu,
Qui errent, ombres furtives et fluides
Dans la haute obscurité de la nuit voluptueuse ?

La splendeur de la tendresse, personne
Ne la partage avec les muets vigiles de l’infini !

Ici, vague somptueuse, ma seule consolation est
Le mélodieux tintement des gouttes de la pluie
Et l’harmonieuse image
De la chair éblouissante des déesses,
Bouquet de roses pourpres et d’iris blancs.

Ô musique du vent glacial du nord,
La mort est-elle le sublime devoir
De chacun de nous ?

Poésie extatique, sobre ou rêveuse,
Poésie, toccatas et passacailles,
Célestes ressacs entre le pur et l’impur !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, ce dimanche, 20 novembre, L’An de Grâce MMXI

Glose :

Clepsydre (n.f.) : du latin clepsydra, terme emprunté au grec ancien klepsydra / κλεψύδρα. Horloge qui indique la marche du temps par l’écoulement d’une certaine quantité d’eau.
Vigile (n.m.): personne qui surveille un lieu. Les vigiles Urbani, dans la Rome antique, sont les membres des forces de police et les pompiers.


Toccata ou toccate (n.f.) : de l'italien toccare, « toucher ». Pièce musicale pour instruments à clavier : orgue, clavecin, piano.

Passacaille (n.f.) : on emploie aussi le nom italien passacaglia. Genre musical pratiqué aux XVIIe et XVIIIe siècles. Initialement, la passacaille est une danse populaire espagnole qui remonte à la Renaissance.



4.

La haute nuit
Et ce vertigineux Office des ténèbres
De Palestrina.
L’âme peut-elle exalter
Avec un plus déchirant entrain
Dieu !

Frêles flambeaux des astres
Dans les profondeurs de l’air !
L’hésitante lumière des veilleuses
Déverse sa suave beauté
Sur la face tranquille du temps empli de chants !
Vie qui s’ouvre sur d’autres vies
Constamment, irrésistiblement,
Spontanément
Et cela à l’infini.

Dehors, les hymnes ferventes des arbres
Montent vers les cimes des montagnes,
Se répandent sur l’eau fiévreuse des fleuves
Sous les voluptueux baisers de la dense,
De l’intransigeante l’obscurité.

Les feuilles des deux chênes du jardin
Assistent, tantôt impassibles, tantôt inspirées,
À la cérémonie nocturne de la grâce !

Palestrina des cigales et des roses
Face de l’assourdissante vanité
Du silence et des ombres !

Et plus rien n’existe alentours
Que ce fleuve continu d’âmes et de songes
Soumis au divin théorème
De l’impériale liberté de la Foi !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, ce 21 novembre, Anno Christi MMXI

Glose :
Office des Ténèbres est le nom donné aux matines et aux laudes des trois derniers jours de la Semaine Sainte (jeudi, vendredi, samedi). L'office porte le nom de ténèbres puisqu'il est chanté normalement très tôt le matin dans l'obscurité plus ou moins complète.
Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525/6 – 1594) : compositeur, organiste, maître de chapelle italien. Palestrina est le nom de sa ville natale, près de Rome, qu’il prendra comme patronyme. Il a passé la plus grande partie de sa vie à Rome. Palestrina fit ses études avec Robin Mallapert et Firmin Lebel.
En 1544-1551, Palestrina a été organiste de l'église principale de sa ville natale, et dans sa dernière année, il devint maestro di cappella à l'église basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome.



5.

Aussitôt que le jour déploie le tissu soyeux de l’eau
La chair délicate de l’air s’illumine.

La féline élégance du ruisseau
Coule à travers les poèmes de Tranströmer.

Les sapins sauvages, la rhétorique des neiges,
Les congères altières et les sévices de la grammaire
Des vents scandinaves !

Le sommeil hivernal des herbes généreuses
Et les veilles assidues d’une âme
Qui ne veut qu’aimer !

Tomas Tranströmer,
Savez-vous que, plus enivrants que nos poésies,
Sont les trois cents cépages grecs
Et l’Oremus de l’Espagnol
Pablo Alvarez ?

Thomas des forêts vierges,
Il n’y a pas d’autres réalités
Que celles qui font frémir de joie
Nos mains.
Tout est là :
La pluralité ordonnée des mondes,
Les principes structurés des choses et des êtres.

Ne sommes-nous pas, Ami poète,
Les diadoques des dieux ?

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, ce mercredi 23 novembre, Anno Christi MMXI

Glose :

Tomas Tranströmer (né en 1931) : poète contemporain suédois, le plus renommé et le plus traduit. Il a publié une quinzaine de recueils. Tranströmer a reçu de nombreux prix, dont le Prix Nobel en 2011. Il était ami du grand poète américain Robert Bly.

Oremus : vin appartenant au groupe Vega Sicilia. Vega Sicilia est un vin mythique en Espagne et dans le monde, et pour cause : cette vieille propriété datant de 1864 produit plusieurs vins de grande qualité dont le fameux « Unico », aux élevages extrêmement longs (jusqu’à 8 ans avant la mise en bouteille), qui ravit les plus fins palais.

Fondé par Eloy Lecanda en 1864, la propriété achète ses premiers plants à Bordeaux. Elle produira la première cuvée de Vega Sicilia Valbuena et de Vega Sicilia Unico en 1914 ou 1915, sous l’impulsion de Txomin Garramiola.

Une autre étape pour la propriété a été la création, en 1993, d’un domaine en Hongrie (Tokaj Oremus qui produit les meilleurs tokajs au monde.

Diadoque (n.m.) : du grec ancien diadokhos, « successeur ». Titre porté par le prince héritier de Grèce.

jeudi 17 novembre 2011

STABAT MATER

STABAT MATER

« Stabat Mater dolorosa
uxta cruce lacrimosa
dum pendebat Filius »

En écoutant la crucifiante musique de Stabat Mater de Pergolèse

I.

La douleur mauve
Et pleine de murmures,
Le langage cru, fleuri,
Abrupt du ciel
Et la douloureuse mélodie
Du poignant silence !

Mère, je saigne,
Et mon âme, vêtue d’inédite neige,
Admire, émerveillée, éblouie, fascinée,
Les gestes impénétrablement diaphanes
De ta inépuisable miséricorde !

Ô mon cœur enivré, englouti, consumé
Par les abîmes du tombeau !

II.

Le temps blessé, avec ses ailes de peine,
Trace de ses mots précis
Les lignes
De la perfection absolue !

Âme, que fais-tu
De la captation de la grâce,
Des dons exigeants de l’amour,
Des arômes de bonté,
Âme ?

Je t’offre, Mère éplorée,
Toute la tendresse orange
Du jour, les sources bleues de mes mains,
Les eaux envoûtées de mes larmes.

III.

Bientôt la vague inaltérée
De la nuit.
Tremblant de douleur,
Rempli d’amour,
J’écoute
L’ondoyante spiritualité des collines,
Les enluminures des arbres faites du bleu du ciel
Et de la mauve clarté
Des premières vivantes étoiles !

Mère,
Comme je veux vénérer, Mère,
La transparence navrée de ta face,
Les richesses infaillibles
De ton inépuisable beauté !

Je veux tomber à genoux, Mère,
Te tendre le livre modeste de ma vie !

Et, ouvert à la grâce,
Me proposer à toi ? Mère des sept plaies
Et à ton fils,
Mon Dieu, mon impensable Seigneur et Sauveur !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, ce jeudi 17 novembre, l’An de Grâce MMXI

Glose :
Jean-Baptiste Pergolèse (Giovanni Battista Pergolesi en italien), né le 4 janvier 1710 à Jesi, dans la province d’Ancône. Mort le 17 mars 1736 à Pouzzoles près de Naples. C’est un des plus délicats compositeurs italiens du XVIIIe siècle.
Son nom lui vient de la ville de Pergola, d’où sa famille était originaire. Enfant très doué, il fut envoyé dès l’âge de douze ans au célèbre conservatoire des Poveri di Gesù Cristo à Naples. Il l’élève de plusieurs professeurs réputés et exigeants dont le célèbre compositeur de musique baroque Francesco Durante (1684-1755). Pergolèse y reçoit une solide formation musicale centrée sur l’apprentissage de la beauté et des difficultés de l’opéra napolitain et de la polyphonie religieuse.

mercredi 2 novembre 2011

TU OUVRES TOUTES LES FENËTRES (en français et en anglais)

15.

Tu ouvres toutes les fenêtres
Pour mieux entendre
La musique des champs,
Pour mieux voir
Le spectacle divin
Des peupliers penchés
Sur les eaux émerveillées
De l’étang.

Chaque tremblement de feuille
Est une note angélique,
Un voluptueux morceau de ciel.




15.

You open all the windows
Better to hear
The music of the fields,
Better to see
the divine vision
Of poplars leant
Over the wonder-struck waters
Of the pond.

Each tremble of a leaf
Is an angelic note,
A voluptuous piece of heaven

Traduit en anglais par Norton Hodges

Norton, mon Ami (en français et en anglais)

17.

Norton, mon Ami,
Tu nourris ton coeur de poèmes,
Chaque vers de tes chants
Est un morceau arraché à ta vie,
Toi, qui aimes tant
La douceur évangélique de la mer,
Les hymnes martelés des alouettes
Et la grâce craintive des rouges-gorges.

Comme m’est chère
Ton écriture de haute noblesse !

Ô Poésie,
Trésor de lumière
Enfoui dans la poitrine
Des êtres de lumière !

Je le sais, Norton,
Dieu regarde le monde
Au travers nos prunelles
Illuminées et heureuses !





17.

Norton, my Friend,
You feed your heart with poems,
Every line of your songs
Is a piece torn from your life,
You, who so love
The evangelical sweetness of the sea,
The hymns hammered out by larks
And the timid grace of robins.

How dear to me
is your lofty noble work!

O Poetry,
A treasure of light
buried in the breasts
Of illuminated beings!

I am certain, Norton,
that God looks at the world
Through our happy
Shining eyes!

mercredi 12 octobre 2011

AUTOMNE (en anglais)

ENGLISH :

AUTUMN
for Norton Hodges

‘And if I were not a tree,
Where would the birds settle?’

Francisco Azuela

The trees blazing with leaves on fire
And these divinely primitive moments of solitude
In the evenings with their countless smells of burning
Serenely welcoming
The clear sinuous air.

Norton, my Friend,
Let us run from the untrammelled elegance of tears!

Do we not still have
The exquisite double pleasure of books,
The pomp of their palaces
Where we finally we may enter
Without powdered wigs or painted faces?

There, beneath the sumptuous gildings of time,
We attend to our poems
There, we will come to know the impermanent river
Of history.

Why would we need to clear away
Forests and felled wood from our gardens?

Let us listen to the words come to us
With their ritual scent
Of black cherries, wild blackberries,
Mint, chervil and kumquat.

Let us read the lines of the immortal poets
With their warm perfume of hazelnuts, of toasted bread,
Of acacia honey and apricots!

And let us wait for the imminent shower
Of pleasant rain
So that our hearts may sleep easily.

No, Norton, my Friend,
The soul’s poetry
Does not know fatigue, everyday cares and lassitude,
Faithful to the grammar of the stars,
It watches over us in every season
To make us lighter,
More true!


Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges
12.10.11.

mardi 11 octobre 2011

AUTOMNE

AUTOMNE

A Norton Hodges

« Si yo non fuera árbol

¿ a dónde irian los pajaros ? »



(« Et si je n’étais pas un arbre,

Où donc iraient les oiseaux ? »)

Francisco Azuela



Les arbres enflammés du feu des feuilles

Et ces instants de solitude divinement sauvages

Dans le soir aux mille arômes brûlés

Qui sereinement accueille

La sinueuse clarté de l’air.



Norton, mon Ami,

Fuyons la libre élégance des larmes !



Ne nous restent-ils pas

La double volupté des livres,

Les fastes de leurs palais

Où nous pouvons enfin entrer

Sans perruque ni fard.



Là, sous les somptueuses dorures du temps,

Nous vaquons à nos poèmes

Et connaîtrons le fleuve impermanent

De l’histoire.



Quel besoin d’essarter dans les jardins

Futaies et tailles ?



Ecoutons venir à nous les mots

Avec leur rituelle odeur

De cerises noires, de mûres des bois,

De menthe et de cerfeuil, de kumquat.



Lisons les vers des immortels poètes

Avec leur chaud parfum de noisettes, de pain grillé,

De miel d’acacia et d’abricot !



Et attendons que tombe tout près

La bonne pluie

Pour que nos cœurs puissent sans peine dormir.



Non, Ami Norton,

La poésie de l’âme

Ignore fatigue, tracas et lassitude,

Fidèle à la grammaire des étoiles,

Elle veille en toutes saisons sur nous

Pour nous rendre plus légers,

Plus vrais !



Athanase Vantchev de Thracy



Paris, le 10 octobre 2011

Glose :

Francisco Azuela Espinoza (né en 1948 à Léon, État de Guanajuato, Mexique) est un des plus grands poètes et écrivains contemporains latino-américains. Il a été diplomate à l’ambassade du Mexique au Costa Rica et au Honduras (1973-1983). Durant ces années, le gouvernement hondurien lui a décerné l’Ordre du Libérateur de l’Amérique centrale Francisco Morazán. Plus tard, il a travaillé comme directeur de la Bibliothèque de la Chambre des députés de l’État de Guanajuato (1991-1997). Il a fondé et dirigé l’El Condor de los Andes AC-Aguila Azteca, un centre culturel international basé dans la ville de Cochamba, en Bolivie.

J’ai eu le privilège de préfacer son livre Latinoamérica en llamas (Amérique latine en flammes), magnifique ouvrage traduit en français par Noëlle Yabar-Valdez (2011).

lundi 10 octobre 2011

LOGOGRAMME DU SOURIRE (en anglais)

ENGLISH :

Logogram of the Smile

‘The one I’m thinking of
now lives south of the Great Sea.’

Anon (Chinese)

You free yourself from time and place your archangel’s head
on the tree of white that makes the evening shudder,
I love you like this, my friend, your summer face without make-up,
your smile that makes the book of harvest even purer.

Athanase Vantchev de Thracy

Translated into English by Norton Hodges

jeudi 29 septembre 2011

EFFERVESCENCE (en ukrainien)

UKRAINIEN :

Атанас Ванчев де Трасі

ХВИЛЮВАННЯ

(Спів для світлих нот)

Там, у мовчанні та мирі гірському
Хто міг пізнати б у серці моїм лад?
Янь Су

Благосний місяць уповні довгу ріку осяває,
Світло прихильне вливає у наші розпалені очі.

Юрмляться чисті слова у грудях у наших весняних,
Те, що не сміють сказати вуста!

Руки лиш наші торкаються, душі бринітимуть разом,
Вивершать повний і теплий мотив ув об’єднаний спів.

Переклад українською Дмитра Чистяка

Traduit en ukrainien par Dmitro Tchistiak

mercredi 28 septembre 2011

LA GENEALOGIE INFINIE

LA GÉNÉALOGIE INFINIE

A Ali

« Qu’importe si je suis triste ou irrité,
Qu’importe si je ne peux rendre plus ferme ma consolation »

Moukagali Moukataev

Viens, mon Ami,
Rapporte le jardin dans la maison,
Pose sa fraîcheur sur l’autel de nos ancêtres !

Comme moi, tu sais
Que le temps rajeunit
Par l’odeur des narcisses.

Assis devant le ciel
Du soir hautement circassien,
Nous parlerons
De ces petits riens
Qui nous unissent
Et nous rendent égaux
A l’éternité.

Puis, nous irons planter
Nos bâtons de pèlerin
Dans le sol natal de nos pères
Et il refleurira,
Touché par la lumière
De notre limpide piété
Et la grâce des dieux
Qui aiment
La fidélité
Des cœurs purs.

D’autres viendront après nous,
Ils seront à nous,
A nos généalogies infinies,
Là-bas, ici, ailleurs…

Oui, à nous !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 28 septembre 2011

Glose :

Moukatali Moukataev Mukagali Makataev, un des plus grands noms de la littérature kazakhe, est né le 9 février 1931 dans le village de Karassaze, situé au pied de la majestueuse montagne Khan-Tengri qui culmine à 7 010 mètres d'altitude. Elle fait partie du massif du Tian Shan. Son village natal est situé dans la fertile région d’Alma-Ata (aujourd’hui Almaty), Kazakhstan, alors République Socialiste Soviétique du Kazakhstan, une des 15 républiques qui composaient anciennement l’URSS. Il meurt le 27 mars 1976 à Alma-Ata. Mukagali Makataev termine ses études supérieures à Moscou, dans le célèbre Institut de littérature et de création littéraire Maxime Gorki.

Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : La Vie est une légende, La Vie est un fleuve, Requiem pour Mozart, Poèmes, etc. Beaucoup de ses poésies sont mises en musique par mon ami, le célèbre compositeur kazakh, Tolegen Moukhamejanov. Elles sont devenues de véritables chansons populaires connues par tous les Kazakhstanais.
Makataev traduit en kazakh les grands classiques russes, les œuvres de Walt Whitman, La Divine Comédie de Dante.

Son nom est aussi célèbre que celui du patriarche de la littérature kazakhe, Abaï Kunanbaïouli (1845-1904) et d’un autre géant des lettres kazakhes, Moukhtar Aouezov (1897-1961).

Makataev est lauréat du Prix d’Etat du Kazakhstan.

Aimé par la jeunesse, il est devenu le poète le plus populaire du pays.

Cette année 2011, le Kazakhstan fête solennellement les 80 ans de sa naissance.

jeudi 15 septembre 2011

PRIE DIEU (en russe)

RUSSE :

Молись

Моему другу Флорентину Бенуа д ‘Антрево
из маленького монастыря в Сен Мартэн сюр Лавезон

«Я есьм воскресение и жизнь;
верующий в Меня, если умрёт, оживёт»
Евангелие от Иоанна, 11, 25

Когда разбушевавшаяся погода
Оставляет кровавые пробоины
в твоём сердце,
Когда снаружи ледяной ветер
Обрушивается на Землю
И замораживает нежный сок
деревьев,

Молись!

Когда пропасть крайнего
Одиночества
Стремится поглотить теплящийся
огонёк,
Освещающий твою душу
И когда по пустынным дорогам
Одиноко шатаются голодные
призраки униженных,

Молись!

Когда в твоём обессиленном
недвижном теле
Зазвучат кимвалы
бездны,
И когда на опустелом дворе
скромного убежища твоих слёз
Листья будут со стоном терять свой пурпур,

Молись!




Когда неотвратимые повседневные раны
Покроют твою покорную грудь
фиолетовыми синяками,
И когда глухие стоны оскорблённых
будут стегать безжалостными кнутами
Твоё безграничное милосердие,

Молись!

Когда рыдания стиснут стальными клещами
Пульсирующие ручейки крови
В твоём пересохшем горле,
И когда ночь напролёт
Лишённые гнёзд птицы
И люди без крыши над головой
Станут вопить от отчаяния,
Пади на колени и

Молись!

Моли Бога, сердечный монастырский друг,
Умоляй Его, как умоляю Его я,
Его, Слово, в котором слились все слова,
Молитва, которой, в своей чистой красоте,
Питаются все молитвы,
Его Лик, мой правдивый друг,
Вобрал в себя все лики,
Он – небесное утешение
Всех подлинных утешений
И свет, что питает
Своей кроткой нежностью
Все пылающие
Светильники этого мира!


Атанас Ванчев де Траси

Traduit en russe par Victor Martynov (Moscou – 2011)

dimanche 11 septembre 2011

ECCÉITÉ

ECCÉITÉ

A Zourab

«Tout est chaud et immobile
Maintenant que l’odeur
A tout enseveli »

Stratis Pascalis

Les mûrs parfums d’été s’en vont avec le vent
Et la maison est vide sans l’or de ton visage,
L’automne bouscule le cœur et triplement présage
Les ancres du chagrin qui enflent dans le sang !

Et je n’ai plus le poids du choix entre mes mains
Devant la grande nuit du temps quotidien !

Athanase Vantchev de Thracy

Glose :

Eccéité (n.f.) : du latin ecceitas, de ecce, « voici » et ite, suffixe indiquant l’appartenance à un groupe. Scolastique : principe individualisant la substance. Philosophie : traduction du terme allemand Dasein. Caractère singulier de ce qui existe, c’est-à-dire de ce qui est situé dans le temps et l’espace.

Stratis Pascalis (né en 1958) : un des plus grands poètes grecs contemporains. Pascalis vit à Athènes. Il a publié huit recueils de poésies : Anaktorìa (1977), Fouille (1984), Une nuit de l'Hermaphrodite (1989), Cerisiers dans les ténèbres (1991), Fleurs d'eau (1994), Mihaïl (1996), Comédie (1998), En regardant les forêts (2003). C'est aussi l'un des traducteurs grecs les plus réputés.

LA VIGILE PASCALE (en russe)

Пасхальное бдение
Моим родителям в пасхальные дни

«Я есть путь и истина и жизнь»
Евангелие от Иоанна, 14, 6

И вот, неудержимо,
Сдвигаются вечерние врата,
Душа, вся убрана шафраном,
Бредёт среди обрывочных слогов
И фраз, лишённых строгости и строя.

Ночь глубока от полной тишины…
И царствует Господь
В покоем полнящемся сердце.

Огромно одиночество, что встало во весь рост
Среди деревьев сонных и цветов,
И торжеством наполненных бутонов.
Ни суеты поспешной, ни напряга.

Какое чудо
Воды сверкающей негромкий говор,
Трепетные ноздри
Расширены пьянящим ароматом,
Что издают, собравшися в кружок,
Евангелические розы.

И это Имя, начертанное солнечными буквами,
Слетает с губ,
То имя, что обозначает
Жизнь в голову кружащем совершенстве.

Дотрагиваюсь пальцем до его сиянья,
Дабы в ночи
Уверовать!

Я верю, Господи,
Что Ты и есть и Путь,
И Истина, и сама Жизнь.
Да – Жизнь!
Атанас Ванчев де Траси, 16 апреля, год воплощения MMXI

mercredi 7 septembre 2011

LOGOGRAMME DU SOURIRE

LOGOGRAMME DU SOURIRE

A Zourab

« Celui à qui je pense,
Voici qu’il est au Sud de la Grande Mer »

Anonyme chinois

Tu t’affranchis du temps et poses ta tête d’archange
Sur l’arbre de blancheur qui fait frémir le soir,
Je t’aime ainsi, ami, visage d’été sans fard,
Sourire qui rend plus pur le livre des vendanges.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 7 septembre 2011

Glose :
Un logogramme ou idéogramme est un symbole graphique représentant un mot ou une idée utilisé dans certaines langues vivantes (comme le chinois et le japonais) ou anciennes (comme les hiéroglyphes de l’Egypte antique) Le terme de logogramme est préférable au terme d’idéogramme. Il est plus clair.
Il faut les différencier des pictogrammes qui représentent une chose concrète par un dessin et des phonogrammes qui représentent un son.

mardi 9 août 2011

TCHETCHENIE

TCHETCHÉNIE

A Zourab Amir Tchetchen

« Salam à qui ose peindre
A qui ose parler
Et écrire. »

Maram Al-Masri

Mon frère caucasien, tu rêves les nuits d’été
De ta patrie de neige, de ses vallées fleuries
Où des troupeaux heureux, cadeau du ciel béni
Remplissent de leur joie l’espace émerveillé.

Tremblant, ton cœur candide tressaille d’émotion
Et tes pensées s’envolent vers ta maison natale,
Vers tes amis fidèles, enfants des étoiles,
Qui rient avec le vent et jouent à saute-mouton.

Er tu entends les chants limpides des ruisseaux,
Les solennelles syllabes d’une langue de diamant,
Le clapotis des sources, les mélodies des chants

Antiques comme la grammaire des cimes et des coteaux.
Et dans tes yeux splendides jaillissent des larmes de feu
Brûlant tes cils de soie et tes doigts frileux.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 9 août 2011

Glose :

Maram AL-MASRI est née en 1962 à Lattaquié en Syrie. Exilée à Paris depuis 1982, cette jeune syrienne, après un premier livre publié en 1984 à Dainas sous le titre Je te menace d'une colombe blanche, revient à la poésie avec Cerise rouge sur carrelage blanc, édité à Tunis par les éditions de l'Or du Temps, en 1997. Le prix du Forum culturel libanais en France, destiné à récompenser toute création littéraire arabe, lui a été attribué en mars 1998.



dimanche 7 août 2011

PRIE DIEU

PRIE DIEU

A mon Ami Florentin Benoit D’Entrevaux
au petit couvent de Saint-Martin-sur-Lavezon


« Moi, je suis la résurrection,
qui croit en moi, même s’il meurt,
vivra ;
et quiconque vit et croit en moi
ne mourra jamais… »

L’Evangile selon saint Jean, XI, 25

Quand le temps déchaîné
Fait des brèches sanglantes dans ton cœur,
Quand, dehors, le vent glacial
Se précipite sur la Terre
Et fait geler la sève sensible des arbres,

Prie Dieu !

Quand l’abîme de l’extrême solitude
Tâche d’engloutir la tendre flamme
Qui fait luire la face de ton âme
Et que sur les routes désertées
Seuls rôdent les fantômes affamés des humiliés,

Prie Dieu !

Quand dans ton âpre corps immobile
Retentissent les cymbales du néant,
Et dans la cour désolée
De ton modeste havre de larmes,
La pourpre des feuilles gémit et se meurt,

Prie Dieu !

Quand les perfides blessures quotidiennes
Recouvrent ta docile poitrine de leurs semis violets,
Et que les sourdes complaintes des affligés
Lacèrent de leurs fouets rudes ta fertile miséricorde,

Prie Dieu !

Quand les sanglots serrent dans leurs étaux d’acier
Les vibrants ruisseaux du sang dans ta gorge desséchée
Et que, la nuit durant, les oiseaux sans nid
Et les hommes sans toit
Hurlent de désespoir,
Tombe à genoux et

Prie Dieu !

Prie Dieu, Ami monastique de mon cœur,
Prie-le, comme moi je le prie,
Lui, La Paroles qui rassemble toutes les paroles,
La Prière où puisent dans leur pure beauté toutes les prières,
Lui, mon Ami véridique,
Le Visage de tous les visages,
La consolation céleste
De toutes les consolations vraies
Et la Lumière qui nourrit de sa simple douceur
Toutes les flamboyantes lumières de ce monde !


Athanase Vantchev de Thracy


Paris, ce dimanche 7 août, l’An de Grâce MMXI

samedi 6 août 2011

IL PLEUT EN AOÛT

IL PLEUT EN AOÛT

« Et maintenant, dans des lieux non déterminés
Par la raison… »

Hugo Gutiérrez Vega

Il pleut en août. Ô gouttes évanescentes,
Venez dormir dans le sourire des fleurs
Et que, légère, votre hâtive fraîcheur
Caresse leur âme d’une main concupiscente.

Seigneur des prés, puisse comme la pluie
Ta grâce bercer le cœur de mes nuit !


Athanase Vantchev de Thracy


Paris, le 5 août 2011

Glose :

Hugo Gutiérrez Vega : poète mexicain. Né à Guadalajara en 1934. Il a été diplomate de carrière. Auteur d’une œuvre abondante réunie dans Peregrinaciones (1999). Son ouvrage Parcours du nomade paraît en français en 1999. Actuellement, il est directeur du supplément littéraire du quotidien La Jornada.

mardi 2 août 2011

FRAGONARD

FRAGONARD

« Je porte dans les ciel mes yeux et mes désirs »

Agrippa d’Aubigné

(Jeune fille délivrant un oiseau de sa cage)

D’une main aérienne, ô fille délicieuse,
Tu ouvres, enchantée, la cage de l’oiseau,
Mais il ne veut pas, âme, fuir, tremblant, ton beau
Visage printanier, tes paupières heureuses.

Les soubresauts des arbres, dans leurs habits de soie
N’attirent point son cœur agile comme la pensée
Et doux comme l’avalanche de l’air émerveillé
Qui flotte autour des roses qui ornent ta joie.

Que valent pour lui les sources et la saison de mai,
Il veut rester captif de ton sourire exquis
Et vivre près de toi ses jours et ses nuits,

En écoutant ta voix et tes soupirs légers.
Ö Maître du sublime, les anges de lumière
Ont, dans leur extase, versé en toi l’éther.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 2 août 2011

Glose :

Jeune fille délivrant un oiseau de sa cage : un des tableaux le plus délicat, le plus séduisant de Fragonard.

Jean-Honoré Nicolas Fragonard (né le 5 avril 1732 à Grasse et mort le 22 août 1806 à Paris) : un des principaux peintres français du XVIIIe siècle. Peintre d'histoires, de genre et de paysages. Il est fils de Marco Fragonard, garçon gantier, et de Françoise Petit. Après le décès à dix mois de son petit frère Joseph, il restera enfant unique. Jean-Honoré Fragonard quitte sa ville natale à l'âge de six ans pour s'installer avec sa famille à Paris, où se déroulera la plus grande partie de sa carrière.

Principaux tableaux : Le Verrou, L’Adoration des bergers, La Liseuse, La Naissance de Vénus, Le baiser à la dérobée, Les Progrès de l'amour dans le cœur d'une jeune fille : cet ouvrage fut commencé en 1771 à la suite d'une commande de Madame du Barry, la dernière maîtresse de Louis XV. Il consistait en quatre tableaux intitulés La Poursuite, La Surprise (ou La Rencontre), L'Amant couronné et La Lettre d'amour et destinés à être installés au pavillon de Louveciennes dans le salon en cul-de-four. Mais quelque temps après l'installation, les tableaux furent rejetés car ils ne s'accordaient pas avec le style d'architecture néoclassique du pavillon.

Ainsi, Fragonard conserva tous les tableaux dans son atelier et les apporta avec lui quand il retourna à Grasse. Il décida alors de les installer dans l'un des salons de la villa de son cousin, mais les murs restant encore vides après cette installation, Fragonard décida de peindre dix tableaux supplémentaires afin de meubler l'espace.

Les panneaux sont toujours en place aujourd'hui à Grasse dans la villa qui est devenue le musée Jean-Honoré Fragonard.

Cela fait au total quatorze tableaux que l'on peut diviser en trois groupes.

Théodore Agrippa d’Aubigné, né le 8 février 1552 au château de Saint-Maury près de Pons, en Saintonge, mort le 9 mai 1630 à Genève : écrivain et poète baroque français protestant. Il fut aussi l’un des favoris d’Henri IV, du moins jusqu’à la conversion de celui-ci. Théodore décide alors de rédiger la plus grande controverse de toute l'histoire de France : la controverse de Paris qui avait pour but d'accuser Henri IV de trahison envers l'Eglise.

lundi 1 août 2011

ALMATY (ALMA ATA) (en français et en russe)

ALMATY (ALMA ATA)

Au génial écrivain kazakh Abdijalil Nourpeissov

« Seul un homme digne de ce nom
Sait parler peu, écouter beaucoup. »

Mukhambet Utemissov



Les monts d’azur, la neige, la ville vêtue de ruse,

Les pommiers en fleurs et le sourire de l’air

Entre les cils des filles plus tendre que l’éther,

Plus douce que l’eau du temps et la beauté des choses.



Je t’aime Alma Ata, je bois la poésie

De tes enfants qui rient, de tes fontaines qui disent

La vie des gens sans nom et la sagesse des frises

Où les poètes déposent leurs solennels écrits.



Âme, j’aime la langue austère, le titanesque génie

Du somptueux conteur, le barde Abdijalil,

Et la blancheur des lys sur les visages graciles



Des beaux adolescents et leurs splendides amies.

Comme l’impalpable jour transforme en lumière,

L’émotion divine, les mots, la matière !



Athanase Vantchev de Thracy



Almaty, le 24 juillet 2011



Glose :



Abdijamil Nourpeissov (né en 1924 - ) : le plus grand écrivain kazakh contemporain. Son roman trilogie « Sang et sueur », publié par Gallimard et préfacé par Louis Aragon, a connu un immense succès en France. Je suis en train de traduire son chef-d’œuvre « Le dernier devoir », un livre bouleversant, vertigineux de profondeur comme les livres des plus grands classiques russes.

Makhambet Utemissov ou Makhan (1803 – 1846) : Makhambet est un personnage épique de l'histoire et de la poésie kazakhes. À seize ans, il remporte tous les tournois de poésie où s'affrontent les akin, poètes improvisateurs oraux. Le khan (souverain) de sa horde le distingue et en fait le précepteur de son fils. Mais très vite Makhambet s'indigne des injustices que subissent les éleveurs nomades. Il dénonce dans ses chants les abus. Il doit alors fuir au-delà de l'Oural. Il est rattrapé et jeté en forteresse. Il s'en échappe. Quand le peuple, à bout de souffrances, se soulève, il se joint à lui, combat à ses côtés, l'encourage de ses chants. La rébellion va de victoire en victoire. Encerclé, le khan appelle à son secours les Russes.

Le soulèvement est écrasé, son chef tué. Makhambet doit mener une vie errante avec sa famille. Repris, il sera livré aux Russes, mais aussi libéré par eux. Des tueurs finissent par retrouver sa trace. Il sera décapité et sa tête rapportée au sultan.

La poésie de Makhambet fait revivre ces combats pour la justice et la liberté avec une rare puissance. Elle est parcourue du souffle de la steppe, retentit du fracas des combats et est peuplée des animaux de la plaine et des monts, riche de métaphores étonnantes, de méditations passionnées. On l’appelle souvent Makhan.



RUSSE :



АЛМАТЫ (АЛМА АТА)

Сонет посвещается гениальному казахскому писателю
Абди-Жалилю Нурпеисову



Лазурные вершины, снег, город одет весь в розах,

Лёгкое цветение яблонь и улыбка воздуха

В светящихся глазах девушек, нежнее чем ефир

И мягче чем вода времени и красота вещей.



Люблю тебя Алма Ата и жадно пью поэзию

Твоих смеющихся детей, твоих фонтанов, воспевающих

Жизнь безымянных людей и мудрость фризов

Где поэты овековечают свои торжественные стихи.



Душа моя, люблю строгий язык и гигантский гений

Величественного сказочника, барда Абди-Жамиля

И тихую белоту лилий на свежих лицах



Красивых подростков и их изящных подруг.

О Господи, как неуловимый день верно превращает в свет

Божественное волнение сердца, слова и жёсткую материю.



Атанас Ванчев деТраси

Алматы, 24-го июля 2011 года

Poème traduit en russe par Athanase Vantchev de Thracy

dimanche 31 juillet 2011

SOUVIENS-TOI DE MOI

SOUVIENS-TOI DE MOI

« Слава тебе безысходная боль
Умер вчера сероглазый король »

(« Gloire à toi douleur sans issue,
Hier est mort le roi aux yeux gris »)

Anna Akhmatova


A Ali

Quand la nuit d’été est pleine d’étoiles,
Quand sous la lune
Chante la mer de Nice,
Quand ton cœur est triste à en mourir,
Souviens-toi de moi.

Quand le vent d’automne
Vient pleurer contre les portes
De ton humble appartement,
Quand la grande, la féroce solitude
Se saisit de ton âme,
Pense à moi.

Quand la neige de janvier
Habille les arbres
De ses dentelles féeriques
Et sur le poêle
La théière chantonne,
Et il fait chaud dans ta chambre
Perdue au bout du monde,
Souviens-toi de moi.

Quand de ses doigts d’or
Mai ouvre les bourgeons des roses
Et remplit de leur respiration voluptueuse
Ta poitrine,
Quand les géraniums
De ta mère
Saluent, en tremblant,
Les premiers rayons de soleil,

Souviens-toi de moi !

Pense à moi !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 31 juillet 2011

Glose :

Anna Akhmatova (en russe : Анна Ахматова ; 23 juin 1889 – 5 mars 1966) est le nom de plume d'Anna Andreïevna Gorenko (en russe : Анна Андреевна Горенко), une des plus importantes poétesses russes du XXe siècle. Égérie des acméistes, surnommée la « reine de la Neva » ou « l'Âme de l'Âge d'Argent », Anna Akhmatova demeure aujourd'hui encore l'une des plus grandes figures féminines de la littérature russe.

L'œuvre d'Akhmatova se compose aussi bien de petits poèmes lyriques, genre qu'elle contribue à renouveler, que de grandes compositions poétiques, comme Requiem, son sombre chef-d'œuvre sur la terreur stalinienne. Les thèmes récurrents de son œuvre sont le temps qui passe, les souvenirs, le destin de la femme créatrice et les difficultés pour vivre et pour écrire dans l'ombre du régime bolchévique.

EMPYREE

EMPYRÉE

(’ουρανός)

A Ali

« Le voilà mon secret,
La voilà ma poésie,
Elle gît sous tes yeux,
Essaie de comprendre si mon être
Etait de la vaine fumée ou si je brûlais. »

Mukagali Mukataev

Flèches et lances traversent les livres de splendeur,
Pourtant, tout semble vide, transi et immobile,
Doux, seul le cœur frémit comme une antique idylle
Où la douleur, mon Prince, guérit l’intense douleur.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 31 juillet 2011

Glose :

Empyrée (n.m.) : dans l’Antiquité grecque, l’empyrée est la plus élevée des quatre sphères célestes, celle qui contenait les feux éternels, c'est-à-dire les astres.

Mukagali Makataev (1931-1976) : Un des plus grands poètes du Kazakhstan. Très peu de ses œuvres ont été publiées à l’époque de l’URSS. Oublié, puis redécouvert par la jeunesse kazakhe, il devient vite le chantre préféré de tout un peuple. Makataev connaît une immense gloire posthume.

mercredi 27 juillet 2011

LES ROSES TRÉMIÈRES DE MA MÈRE (en anglais)

ENGLISH :

My Mother’s Hollyhocks

To my mother Lata Russinoff

‘Oh God, have mercy on my soul!’

Robert Service

Mother, when the sky was like blue enamel,
You loved to stand and admire these flowers,
Simple and honest as our life together.
You loved their pure humility
Set within the bewitching brilliance of their colours,
The green of fields,
The deeply moving symphony of bright white, apricot,
Pink, red and carmine.

O mother, you who exist now only in the hours
That will never return to this house,
Loving soul, you who one ordinary evening,
Set out like the great Magellan
On propitious winds
Towards eternity.

The day has burned for a long time,
Like an incense stick,
Behind the violet Rhodope mountains.

My thoughts, white doves nestled
In the branches of the old mulberry tree,
Shiver under the gentle caresses of the breeze.

What will I do
With the panting silence which will soon invade the garden,
Yes, what will I do with the obsessive, unvarying,
Constant sorrow
Which will soon settle on the tall calyxes of these hollyhocks?

Noiselessly, on tiptoe,
I will leave the ancient veranda,
I will go down the wooden steps,
And I will walk, bent over like a stem, slowly,
Very slowly through the avenues,
In the company of worn words,
Words tired out
By sadness.


Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges

mardi 19 juillet 2011

LES ROSES TRÉMIÈRES DE MA MÈRE

LES ROSES TRÉMIÈRES DE MA MÈRE

A ma mère Lata Russinoff

“Oh God, have mercy on my soul !”
(“Seigneur, prends pitié de mon âme”)

Robert William Service

Tu aimais, mère, sous l’émail bleu du ciel,
Admirer ces fleurs, simples et honnêtes comme notre vie.
Tu aimais leur pure humilité
Et l’envoûtant éclat de leurs couleurs,
Cette champêtre,
Cette bouleversante symphonie de clarté blanche, abricot,
Rose, rouge, carmin.

Ô ma mère, toi qui, à présent, n’est que le temps
Qui ne reviendra plus jamais dans cette maison,
Toi, âme aimante, qui, un soir ordinaire,
Es parti comme le grand Magellan
Avec les vents propices
Vers l’éternité.

Voici que le jour se consume longtemps,
Tel une baguette d’encens,
Derrière les monts violets des Rhodopes.

Mes pensées, blanches colombes nichées
Dans les branches du vieux mûrier,
Frissonnent sous les douces caresses de la brise.

Que ferai-je tout à l’heure
Du pantelant silence qui va envahir le jardin,
Oui, que ferai-je avec l’obsédant, le régulier,
L’incessant chagrin
Qui se posera sur les hauts calices de tes roses trémières ?

Je quitterai, sur le bout des pieds,
Sans faire de bruit, l’antique véranda,
Je descendrai les marches de bois,
Et marcherai, courbé comme une tige, lentement,
Très lentement dans les allées,
En compagnie des mots usés,
Des mots fatigués
Par la tristesse.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 18 juillet 2011

Glose :
Rose trémière ou plutôt Rose de trémière (n.f.) : la rose trémière (variété de guimauve) est une vivace d'été qui fleurit abondamment à partir de juin. Le terme trémière est une déformation du terme outremer. Il s’agit au fait d’une rose d’outremer. Famille des Malvacées. Il existe des variétés aux fleurs simples ou doubles et de nombreuses couleurs. Elle est idéale en arrière fond d'un massif, le long d'un mur ou devant une haie de conifère. La rose trémière apprécie le soleil et un sol riche.
Elle se multiplie très facilement en récupérant les graines arrivées à maturité et en les semant à l'automne pour une floraison l'année suivante.
Dans un endroit venté, il faut mettre des tuteurs aux hampes florales, autrement on risque de les retrouver à terre.
Robert William Service (1874-1958) : poète d'origine britannique, particulièrement connu pour ses écrits concernant le Canada. Il est né dans une famille écossaise séjournant en Angleterre. Il fit ses études à Glasgow puis, à 21 ans, il partit au Canada. Il fut d'abord employé de banque à Whitehorse, puis à Dawson City en 1908. Sa cabane en rondins de Dawson City fait partie du complexe historique de Dawson. Il servit en tant qu'ambulancier lors de la Première Guerre mondiale.

Ses recueils de poésies reflètent la vie des prospecteurs d'or. Les écrits de Service, souvent d'inspiration canadienne, lui vaudront le surnom de « Kipling canadien ».

Robert William Service fut séduit par la Bretagne et plus particulièrement par la côte de Lancieux. En 1913, il y acheta une maison sur la falaise, qu'il nomma Dream Heaven. Il y fit de nombreux séjours, particulièrement l'été. Il y décéda et fut enterré dans le cimetière de cette commune.

Fernand de Magellan 1480-1521 - Fernão de Magalhães en portugais, Fernando de Magallanes en espagnol : navigateur et explorateur portugais de l'époque des Grandes découvertes. Il est connu pour être à l'origine de la première circumnavigation de l'histoire, achevée en septembre 1522 sous les ordres de Juan Sebastián Elcano. Voyageant vers l'ouest pour rejoindre les Moluques, il découvrit sur son chemin le détroit qui porte son nom.

samedi 16 juillet 2011

COREE DU NORD

CORÉE DU NORD

À Florence Guilmault

Bienheureuse Corée, les voix délicieuses
De tes enfants splendides ont envoûté le cœur
De ceux qui, transportés par tes brillants chanteurs,
Ont écouté les airs aux notes mélodieuses.

Kim Hyang et Pak Sung Sim, plus belles que la beauté,
Fières et distingués comme leur céleste pays,
Pareilles aux fées de l’aube, ont modulé l’exquis
Répertoire des grands compositeurs ailés.

Et vous, ténor Jo Chol et Kim Kyong, baryton,
Chevaliers splendides d’un glorieux empire,
Vous fîtes trembler la salle de votre art de dire

Le vaste chagrin des âmes laissées à l’abandon.
Bénie soit la terre aux fleurs immaculées
Sereine comme le printemps, limpide comme la clarté.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 16 juillet 2011

Le Conservatoire International de Musique, dont le siège se trouve dans le XVIe arrondissement de Paris, dirigé par le professeur de chant, Mlle Florence Guilmault, a eu l’heureuse idée d’organiser un inoubliable concert d’airs d’opéra où se sont produits quatre
exceptionnels chanteurs de Corée du Nord :

Mlle Kym Hyang, née le 22 octobre 1988, soprano
Mme Pak Sung Sim, née le 2 janvier 1979, mezzo soprano
M. Jo Chol Hwi (prononcer Hui), né le 1er février 1988, ténor
M. Kim Kyong Ho, né le 20 décembre 1989, baryton.

La salle, bondée de monde, a longtemps applaudit, ensorcelée par ces voix harmonieuses venues, grâce aux efforts de Mlle Guilmault, du lointain et majestueux Pays du Matin calme.
La Corée est une péninsule d’Asie de l’Est. Elle couvre un territoire de 219 814 km2. Le pays éponyme est limitrophe de la Chine et de la Russie. La Corée est surnommée le Pays du Matin calme (littéralement le Pays du Matin frais) : Han-guk, Joseon ou encore Chosǒn. Elle est peuplée de plus de 73 000 000 d’habitants. La Corée est divisée en deux États depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale :
• la République de Corée, qui occupe, au sud, 45 % du territoire de la péninsule, est capitaliste et compte aujourd’hui plus des deux tiers de la population
• la République populaire démocratique de Corée, qui occupe les 55 % du territoire restant au Nord, a une économie de type socialiste. Elle est deux fois moins peuplée.

jeudi 7 juillet 2011

VALMONT

VALMONT

« Il ne suffit pas qu’il y ait des hommes et des femmes,
Il faut aussi des poètes, des livres et des dieux. »

Paul-François Paoli

Je viendrai le soir avec les hirondelles
Poser ma tête d’enfant près de tes mains d’été,
Le temps sera splendide comme la chanson des blés
Et pur comme la voix des vieux violoncelles.

Tu me diras des mots plus doux que l’âme des ailes
Des coccinelles qui tissent le voile de la clarté,
Des mots mélodieux remplis d’éternité
Qui font frémir le sang limpide des asphodèles.

Ainsi les hauts poètes d’un geste seigneurial
Savaient changer les traits d’une face patricienne
En livre extatique, en odes élyséennes,

En voûte de la pensée, en hymne sacerdotal.
Ô feu fébrile de l’air, viens unir nos cœurs,
Recouvre de beauté nos corps changés en fleurs.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 7 juillet 2011

Après ma rencontre avec mon Ami Valmont Achalme.

Glose :

Paul-François Paoli : écrivain et journaliste français. Collaborateur régulier au "Figaro littéraire".

Asphodèle blanc – Asphodelus albus -(n.m.) : du latin asphodelus, lui-même du grec asphodelos. Plante Liliacée dont la hampe florale nue se termine par une grappe de grandes fleurs étoilées très ornementales. Asphodèle blanc, Asphodèle jaune. Les asphodèles exhalent un parfum frais et envoûtant.

lundi 4 juillet 2011

ENTHYMEME

ENTHYMÈME

A Jantimir Risaev

« Voy caminando de noche por las calles »
(« Me voici marchant de nuit dans les rues »)

Antonio Colinas

Je vous aimais, mon Prince, avec la calme fureur
Des cœurs immaculés, des âmes sans espérance,
Je vous changeais en hymnes, en épigrammes, en stances,
En imminence d’iris, en livre de splendeur.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 4 juillet 2011

Glose :

Enthymème (n.m.) : du latin enthymema, lui-même emprunté au grec ancien. Ce terme signifie « ce qu’on a dans la pensée ». En rhétorique, l'enthymème est une figure de sens reposant sur un syllogisme et qui a reçu successivement deux significations :

a) définition aristotélicienne. Selon les aristotéliciens, l'enthymème est un syllogisme rhétorique fondé sur le probable, c'est-à-dire à partir de ce que le public pense. Il s'agit d'une déduction dont la valeur est concrète par opposition à une déduction abstraite fondée sur l'analyse. Dans cette acception, l'enthymème procure la persuasion et non la démonstration, car selon Aristote, l'enthymème est fondé sur le caractère vraisemblable de ses prémisses et constitue donc un raisonnement public manié facilement par des hommes non spécialistes.

b) définition contemporaine (celle à laquelle j’adhère). Selon Quintilien et Boèce, l'enthymème est un syllogisme dont on a supprimé l'une des deux prémisses ou la conclusion car la réalité de cette proposition est incontestable et de ce fait gardée dans l'esprit. Selon la Logique de Port-Royal, l'enthymème est un syllogisme parfait dans l'esprit mais imparfait dans l'expression, et constitue donc un accident de langage.

Antonio Colinas (né le 30 janvier 1946) : poète, romancier, essayiste, traducteur et journaliste espagnol. Il est l’auteur d’une œuvre riche et variée. Colinas a obtenu, entre d'autres récompenses, le Prix National de Littérature (1982).

dimanche 3 juillet 2011

KABARDIE-BALKARIE

KABARDIE-BALKARIE

A Jantimir Risaev

« Toujours plus loin, plus haut, sur la montagne froide,
Sur le sentier pierreux…
Au plus épais des nuées blanches, surgit une maison »

Tou Mou-tche

Voluptueux pays que la vivante clarté
Des somptueuses montagnes ne cesse de traverser,
Ainsi le doux rayon irise les ailes en paix
Des libellules qui donnent leur âme au bel été.

Kabardes, Balkars, Bahtan et Holamli fiers,
J’aime, j’aime vos corps de flèche, vos ombres sinueuses,
Votre courage de fer, vos fêtes impérieuses,
La douce grammaire des vignes, vos moissons solaires.

Et chers à mes oreilles sont vos paroles ornées,
Les rhétoriques couleurs de vos poèmes antiques,
L’extrême rigueur des voix, les livres nostalgiques

De vos vallées drapées de marguerites ambrées.
Ô métaphores ardues des filles faites de pudeur,
Heureuses comme le ciel et humbles comme les fleurs.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 3 juillet 2011

Glose :

Dans la République de Kabardino-Balkarie habitent les Kabardes, les Balkars qui se nomment eux-mêmes Tahoulou, « montagnard ». Les habitants des gorges de Bahihan s’appellent Bahtans, ceux des gorges de Tcheguem, Theguemli ou Tcheguemli. Les habitants de Terek sont les Holamli. Deux langues sont parlées par les peuples du pays : le kabarde et le balkar (karatchaï balkar).

Le kabarde est une langue du Caucase, membre de la famille des langues abkhazo-adygiennes parlée par environ 650 000 personnes, dont 450 000 dans le sud-ouest de la Russie (républiques de Kabardino-Balkarie et de Karatchaïévo-Tcherkessie, et la région de Stavropol), et 200 000 en Turquie. Le balkar ou karatchaï-balkar est une langue turque parlée par les Karatchaï et les Balkars.

Son écriture a été normalisée après la révolution russe, d'abord en utilisant l'alphabet latin (1923), puis l'alphabet cyrillique (1936).

Le kabarde est caractérisé par un grand nombre de consonnes (45), pour deux voyelles seulement (le nombre précis de voyelles est encore controversé, certains prétendant même qu'il ne possède pas de vraies voyelles).

Les Kabardes constituent l'une des trois branches de peuple ancien adyghé, avec les Adyghéens et les Tcherkesses.
Il reste un peu plus de 600 000 Adyghés dans le Caucase du Nord pour une population évaluée à 2 millions de personnes en Fédération de Russie et à 5 millions dans le monde.

Durant l'Antiquité et au Moyen-Âge, les anciens Adyghés habitaient une région appelée Circassie (partie occidentale du versant Nord du Caucase jusqu'à la mer Noire et limitée par le Daghestan). Les Kabardes sont parfois nommés Circassiens orientaux.

Le mot "Tcherkesses" recouvre souvent, par extension, les Adyghéens, les Tcherkesses et les Kabardes.

Tou Mou (803-852) : poète chinois. Docteur en 823, puis haut fonctionnaire. L’un des plus brillants poètes de la fin des T’ang.

vendredi 1 juillet 2011

KABARDINO-BALKARIE

Kabardino-Balkarie

A Jantimir Risaev

Nous aimions, mon Prince, la nue simplicité
Des lèvres qui couvraient de vie nos cicatrices,
Le ciel eucharistique couché dans les calices
Des yeux de nos aimées remplis d’éternité.

Patrie, réchauffe ce soir nos âmes de ton sourire,
Suave comme la foi, léger comme le zéphire.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 1 juillet 2011

Glose :

Kabardino-Balkarie : république située dans la région du Caucase. C’est l'une des sept républiques autonomes caucasiennes faisant partie de la Fédération de Russie avec la Tchétchénie, le Daguestan, l'Ossétie-du-Nord-Alanie, l'Ingouchie, la Karatchaïévo-Tcherkessie et l'Adyguée qui se trouvent pour l'essentiel en Ciscaucasie.

Superficie : 12 470 km2.

Population : environ 1 000 000 d’habitants (Kabardes 55,3 %, Russes, 25,1 %, Balkars 11,6 %, Ossètes 1,1 %, Ukrainiens 0,8 %, autres peuples 6,1 %).

Capitale : la célèbre ville thermale Naltchik (270 000 habitants).

mercredi 29 juin 2011

LES QUATRE FLEUVES

LES QUATRE FLEUVES


Ami,

Comme il m’est cher
Ton clair visage
Sur le velours indigo de la nuit,
Ton sourire à la fraîcheur d’avril.

Tu veux que je te parle
Des quatre fleuves des Enfers grecs,
Toi, né pour faire renaître les saisons de soleil,
Pour établir sur l’anagramme du poème
Un azur incandescent.

Je te parlerai de Styx,
La nymphe généreuse, fille de l’Océan et de Théthys -
Palla, fils de Créius et d’Eurybie, en devint amoureux
Et la rendit mère de Zélus,
De la Force et de Nicé,
Déesse de l’heureuse Victoire.

La rapide Styx ! Elle présidait à une fontaine d’Arcadie
Dont les eaux silencieuses formaient un ruisseau
Qui disparaissait sous terre,
Et, par la suite, allait couler
Dans les régions infernales.

Là, ce ruisseau devenait un fleuve fangeux
Qui débordait dans d'infects marécages couverts d'une sombre nuit.

Ô Ami, pourquoi vivre comme des déshérités
De la vie éternelle ?
J’aime la rêche clarté du midi,
Les cigognes qui s’en vont à dos du vent,
La nitescence des collines après la pluie d’été,
Les poèmes sublimement ouverts sur l’espérance,
Les flèches christiques de la bonté joyeuse,
Les imprédictibles extases des lèvres qui disent l’humilité.
Ah, il y a trop de jour
Et il y a trop d’azur !

Je te dirai aussi l’histoire d’Achéron,
Fils du Soleil et de la Terre.
Il fut changé en fleuve et précipité dans les Enfers
Pour avoir fourni de l’eau aux Titans qui combattaient Zeus.

Trois petits fleuves de ce nom coulaient jadis en Grèce :
Un en Épire, un autre en Élide, un troisième en Laconie.

L'Achéron dont le nom exprime la Tristesse et l’Affliction,
Tout comme le Styx, était un fleuve
Que les ombres passaient sans retour.

Représenté en vieillard couvert d'un vêtement humide,
Achéron se repose sur une urne noire, d'où sortent
Des ondes écumantes. Son cours est si impétueux
Qu'il entraîne, comme des grains de sable, de gros blocs de rochers.
Le hibou, oiseau lugubre, est un de ses attributs.

C’est à l’aquatique Antioche au cœur Hatay mon Ami,
Que les fidèles de Jésus prirent
Pour la première fois le nom de chrétiens.
C’est écrit, mon Ami, sur la tempe vespérale du Jour.
J’aime la limpide obscurité des bosquets
Où, jour à jour, je rêve.
C’est là que des noms de vrais pays reviennent sur mes lèvres.
Advesperascit et inclina est iam dies,
Il se fait soir, il se fait vêpres,
Et le jour est incliné.
Ami, comment tant d’infini peut-il être mien ?

Quant au Cocyte, aux Enfers, il est un affluent de l'Achéron.
En Épire, non loin du lac Achéruse, il y avait un cours d'eau de ce nom.
C'est sur les bords du Cocyte infernal
Que les ombres des morts privés de sépulture
Etaient condamnées à errer pendant cent ans
Avant de comparaître devant le tribunal suprême
Et de connaître leur sort définitif.
Cocyte, mon Ami, était le fleuve des gémissements.
Il entourait la région du Tartare, et son cours n'était formé
Que par les abondantes larmes des méchants.
On représentait sur son rivage des ifs, des cyprès
Et autres arbres au feuillage sombre.
Dans son voisinage se trouvait une porte posée sur un seuil
Et des gonds d'airain. C’était l’entrée des Enfers.

Ah, cette antique fascination pour les nombres,
Notre culte divin des ancêtres !
Et ces divinations par les vents !
Les choses, mon Ami,
Sont en résonance les unes avec les autres –
Ciel – Terre – Homme – Univers
Où tous les éléments sont corrélés !
Que d’instruments astro-calendériques.
Oh, mon Ami,
Comme j’aime ta voix
Confondue à celle de tes canaris,
Puisse ma chanson recouvrir ton visage
De sa lumière harmonieuse !

Enfin, je te dirai la légende du Phlégéton,
Autre affluent de l'Achéron.
Il roulait des torrents de flammes sulfureuses.
Son long cours, en sens contraire du Cocyte,
Entourait la prison des méchants.

Comme elle est belle l’ésotérique anagramme de l’été
Et doublement flexueuse la ligne radieuse de l’horizon.
Nous, Ami, nés pour renaître,
Engendrés pour faire régner
Des nouveaux azurs !

Nous, les poètes à la vie apatride,
Amis de la plus seule des solitudes,
Nous, à qui le monde a fait perdre
Jusqu’à l’adresse de nos âmes,
Nous, qui savons entendre la voix des dieux
Quand la plus féroce des tristesses
Etablit ses campements en nous
Et qu’il neige sur les landes ventées de notre cœur !

Nous, les célestes, les indomptables seigneurs,
Les humbles patriciens
De la parole absolue !
Nous en qui, face à une fin de journée,
Monte vers Dieu l’immense sentiment de gratitude.

Ô Lumen ad revelationem gentium,
Ô Lumière pour éclairer les nations !
Ô lumière, tu le sais,
L’âme est toujours exactement à ce qu’elle fait !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, juin 2011

dimanche 19 juin 2011

APRES-MIDI DE JUIN

APRES-MIDI DE JUIN

À Pierre Oster

La délicieuse torpeur des livres,
Votre profonde érudition amusée,
Les fièvres brûlantes des souvenirs !

Je me tais, je pense à vous,
Je suis tout entier amitié et frisson !

Seigneur, puisse la grâce
De Ton sourire s’engouffrer
Dans le sang
De mes paroles !

Indéfinie,
Vaste,
Sublime clarté
De l’âme !

Douce lucidité étendue
De cette après-midi diaphane
De juin !

Athanase Vantchev de Thracy

Pris, le 19 juin 2011

Glose :

Pierre Oster (né en 1933 à Nogent-sur-Marne) : un des plus grands poètes contemporains français. Il est d'origine luxembourgeoise. Après son mariage avec Angella Soussouev, en 1971, il joint à son nom celui de sa femme.

Il fait ses études au Collège Sainte-Croix de Neuilly, au lycée Buffon, en khâgne au Lycée Louis-le-Grand puis à l'Institut d'Études Politiques de Paris. Il publie Premier poème dans Le Mercure de France en 1954, grâce à Pierre-Jean Jouve et, tout de suite après, Quatre Quatrains gnomiques dans La Nouvelle Revue française, grâce à Marcel Arland et Jean Paulhan. Son premier recueil, Le Champ de mai, paraît en 1955 dans la collection "Métamorphoses", dirigée par Jean Paulhan. Il reçoit pour celui-ci le Prix Felix Fénéon, comme il recevra en 1958 le Prix Max Jacob pour Solitude de la lumière, une année après la résiliation de son sursis, qui provoque son départ aux armées, en Algérie, où il restera jusqu'en 1959. A son arrivée à Blida, il trouve un mot de son ami Edouard Glissant : « Déserte ! »

En 1961, Jean Paulhan lui ménage par surprise une rencontre avec Saint-John Perse, qui lui donne les plus grands espoirs poétiques. Il travaille auprès de Claude Tchou, éditeur chinois de livres libertins, et sur les indications de Pascal Pia, qui le fait profiter de sa connaissance de l'Enfer de la Bibliothèque nationale. C'est chez Claude Tchou qu'il édite, avec Jean-Claude Zylberstein, la première édition des œuvres complètes de Jean Paulhan, avant celle qui paraît aujourd'hui chez Gallimard en collection Blanche, sous la direction de Bernard Baillaud. Grâce à Denis Roche, il entre au comité de lecture des éditions du Seuil, où il siègera jusqu'en 1995. Le Dictionnaire de citations françaises publié par Le Robert est pour lui un travail alimentaire. Une certaine "consécration" lui vient avec la publication de Paysage du Tout dans la collection « Poésie » chez Gallimard, volume anthologique précédé d'une élogieuse préface d'Henri Mitterrand. Il est fidèle aux éditions Babel dirigées par Gaspard Olgiati à Mazamet. Attentif à l'expression de la plénitude, il ne cesse de corriger ses textes, comme si la variation était l'essentiel de son art poétique. Avec Pratique de l'éloge (Gallimard, 2009), il dit, à travers de brefs textes en prose, "ce qu'il doit, et à qui".