samedi 30 mars 2013

Un soupir vespéral (français / anglais)



UN SOUPIR VESPÉRAL

Du pain de cannelle sur la table
Et toute l’énergie du sens du jour qui décline,
Le tremblement affectionné du silence
Et les images de moi-même
Comme des promesses d’une vie pleine !

Concentration,
Contemplation,
Recueillement devant les choses essentielles,
Bourdonnement heureux de la solitude bleue !

Alcméon de Crotone
A-t-il connu ces instants d’exaltation précieuse,
La lumière de neige des astres vivants,
Le sang du soir ruisselant sur toutes les pages de sa vie,
La mélancolie parme
Et la désinvolture obscure ?

Savait-il que la poésie fait être le monde,
Avait-il éprouvé la stupeur déchirante de chaque mot,
La tendresse duveteuse des câlins,
L’obsession cardinale des mystères ?

Lui qui aimait, comme moi,
L’huile de laurier et son odeur
Puissante, fraîche et poivrée ?

Ô strophes de l’éther, ô Antéros,
Et vous proches et lointains
Promontoires illuminés du savoir !

Et toi, soupir vespéral,
Plénitude des intelligences !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 28 mars 2013

Glose :

Parme (couleur) : une nuance de violet claire.

Alcméon de Crotone (VIe siècle av. J.-C.) : philosophe, médecin, physiologiste et astronome grec. Il serait le premier à avoir écrit un ouvrage sur la nature. Certaines de ses idées se retrouvent dans le Timée de Platon. Alcméon aurait fondé la théorie des quatre Qualités élémentaires : chaud, froid, sec, humide. L'âme est, selon Alcméon, immortelle de par sa ressemblance avec les êtres divins. Cette ressemblance consiste en ce que l'âme ne cesse jamais de se mouvoir.  

Alcméon, le premier en Occident, fonde un mysticisme astral : il divinise les astres en déclarant que les planètes et les étoiles, comme elles sont animées d'un mouvement perpétuel, doivent être vivantes, et que si elles sont vivantes, elles doivent être des dieux.
Alcméon de Crotone ne s'est pas rendu compte qu'en attribuant un caractère de divinité au Soleil, à la Lune, à tous les autres astres et à l'esprit entre autres, il conférait l'immortalité à des êtres mortels.
L’huile de laurier : l’huile de baies de laurier est extraite des fruits du Laurier noble, également nommé Laurier-sauce ou Laurier d’Apollon. Originaire d’Asie, cet arbuste au feuillage persistant, fait partie de la famille des Lauracées, s’est développé dans le bassin méditerranéen. Il y occupe une place très importante depuis l'Antiquité. Dans la mythologie grecque, Daphné, une nymphe fille du dieu Pénéios, poursuivie par les ardeurs amoureuses d'Apollon, demanda secours à son père qui la changea en laurier pour la protéger d'Apollon. Celui-ci, ne pouvant conquérir Daphné, décida de toujours porter le laurier pour orner sa chevelure et c'est ainsi que le laurier devint le symbole d'Apollon. En Grèce et à Rome, le laurier était l'emblème de la victoire et une couronne de laurier ornait le front des vainqueurs des jeux pythiques. Au Moyen-Âge, les jeunes docteurs recevaient une couronne de rameaux de laurier avec des baies : le mot baccalauréat dérive d'ailleurs littéralement de « Baies de Laurier » (bacca laurea).
Antéros : dans la mythologie grecque, Antéros (en grec ancien Ἀντέρως / Antérôs, de ἀντι- / anti- (« en retour ») et ἔρως / érôs (« amour »), est fils d’Arès et d’Aphrodite et frère d’Éros.
Il incarne l’« amour retourné » (signification de son nom), c'est-à-dire l'amour réciproque ; il punit également ceux qui se moquent de l'amour. Le terme d’« antéros » se retrouve dans le Phèdre de Platon lorsque Socrate prononce son second discours sur l'amour où, parlant du sentiment naissant qu'un jeune garçon (éromène) éprouve pour un éraste, il dit :
« Mais, tout comme celui qui de quelque autre a pris une ophtalmie est hors d'état de prétexter une cause à son mal, lui, il ne se doute pas qu'en celui qui l'aime, c'est lui-même qu'il voit, comme en un miroir : en sa présence, la cessation de ses souffrances se confond avec la cessation des souffrances de l'autre ; en son absence, le regret qu'il éprouve et celui qu'il inspire se confondent encore : en possession d'un contre-amour (antéros) qui est une image réfléchie d'amour. »
Antéros symbolise également la Charité chrétienne !

ENGLISH :

Evening Sigh

Cinnamon bread on the table
And all the energy of the day as it wanes,
The devoted trembling of silence
And images of myself
Like promises of a full life!

Concentration,
Contemplation,
Reflection on essential things,
Happy murmur of blue solitude!

Did Alcmaeon of Croton,
Know moments of precious elation,
The snow white light of living stars,
The blood of the evening streaming over all the pages of his life,
Violet melancholy
And dark ease?

Did he know that poetry brings the world into being,
Had he felt the heartrending astonishment of every word,
The downy tenderness of a hug,
The cardinal obsession of the mysteries?

He who, like me, loved
The oil of the bay tree and its fragrance
Powerful, fresh and peppery?

O verses of ether, O Anteros,
And you near and distant
Illuminated headlands of knowledge!

O you, evening sigh,
Plenitude of perfect harmony!

Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges

vendredi 29 mars 2013

UN SOUPIR VESPERAL



UN SOUPIR VESPÉRAL

Du pain de cannelle sur la table
Et toute l’énergie du sens du jour qui décline,
Le tremblement affectionné du silence
Et les images de moi-même
Comme des promesses d’une vie pleine !

Concentration,
Contemplation,
Recueillement devant les choses essentielles,
Bourdonnement heureux de la solitude bleue !

Alcméon de Crotone
A-t-il connu ces instants d’exaltation précieuse,
La lumière de neige des astres vivants,
Le sang du soir ruisselant sur toutes les pages de sa vie,
La mélancolie parme
Et la désinvolture obscure ?

Savait-il que la poésie fait être le monde,
Avait-il éprouvé la stupeur déchirante de chaque mot,
La tendresse duveteuse des câlins,
L’obsession cardinale des mystères ?

Lui qui aimait, comme moi,
L’huile de laurier et son odeur
Puissante, fraîche et poivrée ?

Ô strophes de l’éther, ô Antéros,
Et vous proches et lointains
Promontoires illuminés du savoir !

Et toi, soupir vespéral,
Plénitude des intelligences !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 28 mars 2013

Glose :

Parme (couleur) : une nuance de violet claire.

Alcméon de Crotone (VIe siècle av. J.-C.) : philosophe, médecin, physiologiste et astronome grec. Il serait le premier à avoir écrit un ouvrage sur la nature. Certaines de ses idées se retrouvent dans le Timée de Platon. Alcméon aurait fondé la théorie des quatre Qualités élémentaires : chaud, froid, sec, humide. L'âme est, selon Alcméon, immortelle de par sa ressemblance avec les êtres divins. Cette ressemblance consiste en ce que l'âme ne cesse jamais de se mouvoir.  

Alcméon, le premier en Occident, fonde un mysticisme astral : il divinise les astres en déclarant que les planètes et les étoiles, comme elles sont animées d'un mouvement perpétuel, doivent être vivantes, et que si elles sont vivantes, elles doivent être des dieux.
Alcméon de Crotone ne s'est pas rendu compte qu'en attribuant un caractère de divinité au Soleil, à la Lune, à tous les autres astres et à l'esprit entre autres, il conférait l'immortalité à des êtres mortels.
L’huile de laurier : l’huile de baies de laurier est extraite des fruits du Laurier noble, également nommé Laurier-sauce ou Laurier d’Apollon. Originaire d’Asie, cet arbuste au feuillage persistant, fait partie de la famille des Lauracées, s’est développé dans le bassin méditerranéen. Il y occupe une place très importante depuis l'Antiquité. Dans la mythologie grecque, Daphné, une nymphe fille du dieu Pénéios, poursuivie par les ardeurs amoureuses d'Apollon, demanda secours à son père qui la changea en laurier pour la protéger d'Apollon. Celui-ci, ne pouvant conquérir Daphné, décida de toujours porter le laurier pour orner sa chevelure et c'est ainsi que le laurier devint le symbole d'Apollon. En Grèce et à Rome, le laurier était l'emblème de la victoire et une couronne de laurier ornait le front des vainqueurs des jeux pythiques. Au Moyen-Âge, les jeunes docteurs recevaient une couronne de rameaux de laurier avec des baies : le mot baccalauréat dérive d'ailleurs littéralement de « Baies de Laurier » (bacca laurea).
Antéros : dans la mythologie grecque, Antéros (en grec ancien Ἀντέρως / Antérôs, de ἀντι- / anti- (« en retour ») et ἔρως / érôs (« amour »), est fils d’Arès et d’Aphrodite et frère d’Éros.
Il incarne l’« amour retourné » (signification de son nom), c'est-à-dire l'amour réciproque ; il punit également ceux qui se moquent de l'amour. Le terme d’« antéros » se retrouve dans le Phèdre de Platon lorsque Socrate prononce son second discours sur l'amour où, parlant du sentiment naissant qu'un jeune garçon (éromène) éprouve pour un éraste, il dit :
« Mais, tout comme celui qui de quelque autre a pris une ophtalmie est hors d'état de prétexter une cause à son mal, lui, il ne se doute pas qu'en celui qui l'aime, c'est lui-même qu'il voit, comme en un miroir : en sa présence, la cessation de ses souffrances se confond avec la cessation des souffrances de l'autre ; en son absence, le regret qu'il éprouve et celui qu'il inspire se confondent encore : en possession d'un contre-amour (antéros) qui est une image réfléchie d'amour. »
Antéros symbolise également la Charité chrétienne !

jeudi 28 mars 2013

Josquin des Prez (en anglais)



Josquin des Prez
For Apolonia

Lips incapable of uttering any phrase in vain!...
Perhaps, tonight, Lord, I won’t pray
But instead I will surrender my entire being so that
My soul will sink into ineffable thoughts
And my heart will be supremely
Attentive to the darkness.

Sustained by the plenteous and generous grain stores of night,
I will listen to the sublime mystical music of Josquin des Prez!

And my body, which has never known how to weigh the gravity
Of the blood which beats in my veins,
Will feel so light as the joyous sylphs of the notes carry it
Towards that indefinable quality, irrevocable, refined, involuntary, divine
Beneath the silken swaying of the scented veils of night.


Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges

lundi 25 mars 2013

Perce-neige = Snowdrops (en anglais)



Snowdrops

To my brother Slave, who died so young

Snowdrops are blooming down ancient pathways,
Modest as the sky and tender as the dawn,
Two enchanting blue tits pour out their full-throated song
Upon the fragile whiteness of their Vedic petals!

My soul, I love this playful hour, its sweet virginity,
The quintessence of things, the signs of eternity!

Snowdrops bloom every year on the little grave of my brother. My mother placed them there. Eighty years have passed. But the soul of a child comes to greet us every spring to tell us that it is always living close by.

Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracyby Norton Hodges

samedi 2 mars 2013

PERCE-NEIGE



PERCE-NEIGE

A mon frère Slav, mort si jeune

Fleurissent les perce-neige dans les allées antiques,
Pudiques comme le ciel et tendres comme l’aurore,
Deux féeriques mésanges déversent leur chant sonore
Sur la blancheur fragile de leurs pétales védiques !

Âme, j’aime cette heure ludique, sa douce virginité,
La quintessence des choses, les signes d’éternité !  

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 2 mars, Anno Domini MMXIII

Des perce-neige fleurissent chaque année sur la petite tombe de mon frère. Ma mère les y avait plantés. 80 ans se sont passés. Mais l’âme de l’enfant vient nous saluer à chaque printemps et nous dire qu’elle vit toujours près de nous.

Glose :

Védique (adj.) : relatif au Véda. Culte, école, hymne, mythe, religion, rite védique. Ici, dans le sens de sacré. Le Veda (devanagari : वेद – sanskrit) : « vision » ou « connaissance », ensemble de textes qui auraient été révélés (par l'audition, Shruti) aux sages indiens nommés Rishi. Cette « connaissance révélée » a été transmise oralement de brahmane à brahmane au sein du védisme, du brahmanisme et de l’hindouisme jusqu’à nos jours.

Les premiers textes de la tradition védique sont composés à partir du XVe siècle av. J.-C. et sont progressivement réunis en collections nommées Saṃhitâ. Pour marquer l'unité du Véda qui se manifeste en une multiplicité de textes, la tradition hindoue nomme « Triple Véda » l'ensemble des trois premiers recueils : un recueil de poèmes (stances) forme le Rig-Veda, un recueil de chants rituels le Sama-Veda, une collection de formules sacrificielles le Yajur-Veda.