mercredi 30 juillet 2008

HERMIONÈ GRAMMATIKÈ

HERMIONÈ GRAMMATIKÈ
(portrait de Fayoum)

A Jean-Christophe Bailly

« Je m’étendrai davantage sur ce qui concerne l’Egypte,
parce qu’elle renferme plus de merveilles que nul autre pays »

Hérodote
Histoires

« Entendre parler de l’Egypte est, pour les auditeurs grecs,
ce qui leur fait le plus plaisir »

Héliodore
Ethiopiques

I.

Seul, dans la pénombre dorée du soir,
Face à la fenêtre ouverte vers l’infini,
Je contemple ton visage, Hermionè,
La pure, la douce fermeté de tes traits,
Cette violence du mystère,
La poésie discrète du regard !

Des frissons parcourent
Tout mon corps, des petites convulsions,
Des crispations floues,
Un désarroi désinvolte !

II.

De ma vie à ta vie,
De ce maintenant où je respire
Au maintenant toujours présent
De tes yeux –
Le voile flottant du temps,
La transparence insondable de l’éternité
L’abîme indéchiffrable du monde !

III.

A peine audible, l’air
Essaie d’accomplir
L’impossible translation
Du silence et des signes !

IV.

Toi, debout devant la vie qui fuit ton corps
Et la Grande Vérité qui se hâte de l’accueillir !
Errant, comme dans un rêve éveillé,
Suspendu entre deux mondes, deux empires,
Deux incarnations intangibles de l’être
Ta vie !

Toi, la modeste institutrice,
La jeune fille, Grecque dans toutes tes fibres,
Tu as respiré les parfums humides du Nil,
Tu as entendu le murmure vespéral des papyrus,
Le battement des rames contre le cœur de l’eau,
Le cri plaintif des oies,
La chorale aquatique des grenouilles !

Toi, seule devant
« Le non-être,
Le non-nommé,
Le non-ouvert ! »

V.

Tu as connu Rome en Egypte,
Lu les lois des codex impériaux,
Entendu la course effrénée des légions
Etrusques !

Tu as appris aux écoliers studieux
A déchiffrer les antiques poètes grecques,
A vivre les mythes immortels de ta race !

VI.

Et cette pulsation du portrait !
Des stries,
Des rehauts, des repentirs,
Des distractions, des tendresses
Sur cette face où, dans une jubilation oisive,
Vient se poser, sobre et frontale,
L’essence !
Toi, une vie dans la mort,
Une mort sur le talus de la vie !

VII.

Est-ce au mauve ciel égyptien que tu dois
Cette palpable déférence devant l’inconnu ?
Cette attitude si noblement digne,
Si calme, si éloquemment pure ?

VIII.

Pas une seule guirlande de fleurs
A ton cou,
Pas un humble bouquet de bleuets à la main !
Toi, enterrée déjà, dans le souvenir affectueux
Des vivants !

IX.

Adossée à la mort,
Tu fais ondoyer encore
De ton souffle qui va s’évanouissant,
De ton haleine qui se meurt
Le fin rideau de l’oubli
Qui va tomber bientôt
Sur tes paupières soyeuses !

Comme si tu t’étais figée
A l’orée des saisons,
Entre pesanteur et légèreté,
A mi-chemin entre plénitude et néant,
Sans passion,
Sans douleur affectée,
Toute pudeur et discrétion,
Placidité et prestance,
Assurance et limpidité !

X.

Dans le toujours du cercle perpétuel de la vie,
Une vie qui n’est plus que pour les vivants,
Tout ton être semble réuni
Dans l’intense tension de ta chair,
Dans la lueur éclatante de ta peau,
Dans l’embrasement ardent
De tes prunelles !

C’est tout !
C’est si peu pour dire
Ce que les yeux n’ont jamais vu,
Ce dont tout le savoir de la terre
N’a rien su, ne sait rien !

XI.

Comme si tu venais à moi
De l’intérieur de ton âme,
Des profondeurs millénaires de ton visage
Avec cette résistance coriace des herbes folles,
Et cet effacement de tout désir
On dirait si aisément consenti !

XII.

Enigme dans l’énigme,
Si proche de moi par la distance qui nous sépare,
Si lointaine dans la proximité qui nous unit,
Insaisissable dans ton clair renoncement
A la caresse d’un jour amoureux !

XIII.

Tu me regardes du seuil des dieux,
Tu me contemples
A travers l’espace ouvert de la toile stuquée,
De dessous les blanches bandelettes ordonnées
Par un art si raffiné, si prodigieux
Qu’il extirpe des cris d’admiration,
Des soupirs !...

XIV.

Ah, cette force vertigineuse,
Cette souplesse, cette grâce, cette vivacité
Qui jaillissent des pudiques couleurs
Répandues avec tendresse
Sur la toute mince planche de tilleul,
Ces teintes hésitantes
Qui trahissent le ciel chancelant,
Le ciel confus qui afflue et se retire
De tes lèvres comme une marée indécise et tardive !

XV.

Je veux te toucher,
Je veux caresser tes cheveux,
Je veux te dire cette affection mystique
Qui susurre dans mon sang,
Qui s’épanouit sur ma langue !

Mais je ne le puis pas,
Je ne le puis pas, sœur immortelle

Car, pauvre comme les grains de sable
Que tu as foulé de tes pieds d’enfant,
Je ne pourrais pas t’envoyer
Quatre mille narcisses
Et un millier de roses !

XVI.

Mais, quand les êtres et les choses
Autour de moi, heureux et accomplis, s’endormiront
Dans la divine, dans l’insurmontable paix
De la nuit heureuse,

Je viendrai t’apporter, ma frêle,
Mon humble institutrice,
Je viendrai t’apporter, je le jure,
En accostant au pays qui aime le silence
Que tu habites à présent pour toujours,
Deux petits pigeons blancs
Nés dans ma maison,
Et un petit poème déchirant,
Ecrit par mes larmes,
Sur un minuscule ostracon de terre rouge !


Paris, le 29 juillet 2008

Par le plus pur des hasards, j’ai eu entre mes mains un livre éblouissant, sur les portraits de Fayoum, intitulé « L’Apostrophe muette », dont l’auteur, Jean-Christophe Bailly, m’était totalement inconnu. Que de fois j’ai béni cet homme d’avoir conçu ce bref chef-d’œuvre, d’avoir vu, pensé, senti la mort d’une façon si magistrale ! Je lui dédie, plein de reconnaissance, ce poème. C’est tôt un matin que j’ai pu contempler le portrait de cette humble institutrice égyptienne, certainement une Grecque, nommé Hermionè et appelée « grammatikè », c’est-à-dire « institutrice ». Ce poème doit beaucoup à Jean-Christophe Bailly.

Glose :

Hérodote - Ἡρόδοτος / Hêródotos en grec ancien (vers 484/482 – vers 425 av. J.-C.) : l’historien grec était né à Halicarnasse (auj. Bodrum en Turquie), colonie grecque située sur le territoire des Cariens. Il a été surnommé le « père de l'Histoire » par Cicéron (Les Lois, I, 1), mais il est aussi celui du reportage. Il a été considéré également comme l’un des premiers explorateurs. C’est le premier prosateur de l’Antiquité dont l’œuvre nous soit parvenue. Les Histoires, son ouvrage capital, écrit en dialecte ionien littéraire, sont divisées par les éditeurs alexandrins en 9 livres portant chacun le nom d’une Muse. Les Guerres médiques sont le sujet principal du récit qui commence par l’accroissement de la force perse et aboutit à la victoire de l’Egypte, de la Scythie, de l’Ionie et des cités grecques, malgré leurs luttes internes.

Héliodore - Ἡλιοδωρος / Hêliodôros en grec ancien (IIIe – IVe siècle ap. J.-C.) : romancier grec né à Emèse en Syrie. Son œuvre, Les Ethiopiques ou Théagène et Chariclée (en dix livres), réunit tous les éléments traditionnels du roman grec : la beauté exceptionnelle des deux héros, le coup de foudre et la séparation forcée, le merveilleux, l’opposition des méchants et des bons, l’intrigue touffue aux incroyables péripéties, le dénouement heureux. Ce roman, très populaire chez les Byzantins, trouvait encore des admirateurs pendant la Renaissance.

Ostracon (n.m.) pluriel ostraca : mot grec. Tesson de poterie réutilisé dans l’Antiquité comme support d’écriture. Il désigne au départ la coquille d’huître (en grec ancien), mais son sens évolue assez rapidement par analogie formelle.

lundi 28 juillet 2008

OBSCURATION

« Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups »

Saint Matthieu, X, 16

La petite chapelle abandonnée,
La pénombre rose
Sur le visage ivoire du Christ,
Une soudaine douleur abyssale,
Un sanglot !...

Seigneur, est-ce ainsi que Tu te révèles
A mon âme
Dans le vertige du silence,
Dans l’inaccessibilité
Absolue
Des choses divines ?

Ô tendre, ô céleste arborescence
Des mystères !

Ô mon Seigneur délaissé !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 28 juillet 2008

Glose :

Obscuration (n.f.) : Astronomie : obscurcissement causé par une éclipse.

Arborescence (n.f.) : qualité, état d’un végétal arborescent. Objet dont l’apparence ressemble à une plante, à un arbre. Au figuratif : luxuriance.

dimanche 27 juillet 2008

HOSPITALITE AMAZIGHE

Je dédie ce poème aux Imazighen croisant dans le désert dont j'ai connu la proverbiale l’hospitalité.

« Je suis étranger dans ce pays,
Mais ce pays, ancré en moi, ne m’est pas étranger »

Gunnar Ekelöf,
Extrait d’ Apothéose

Voyageur rompu, arrête-toi ici
Dans cet abri modeste battue par la chaleur,
Sous ce toit de branches où dans la douce lueur
D’un faible lampe tremblante le temps s’est endormi.

C’est là, des êtres purs comme le ciel d’été,
Accueilleront heureux les pas de ton errance
Avec des cœurs taillés dans l’or de l’espérance
Et des sourires d’amour autour d’une tasse de thé.

Sous le ciel orné de myriades de feux
Tu écouteras le chant sublime de la bonté,
Les strophes d’une vie tissée de pure simplicité

Que Dieu a déversée dans l’ambre de leurs yeux.
Et tu verras le prix céleste des êtres bons,
Les dieux qu’ont hébergés Baucis et Philémon.

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 27 juillet 2008

Glose :

Gunnar Ekelöf (1907-1968) : sans doute le plus grand poète scandinave du XXe siècle. Après avoir fait ses études secondaires à Stockholm, sa ville natale, il partit pour Londres où il étudia des langues orientales à l’Ecole d’Etudes Orientales. Revenu en Suède, il entra à l’Université d’Uppsala. Il y étudia le persan. En 1928 il reçut une partie de la succession de son père et devint économiquement indépendant. Dans les années 20, Ekelöf vécut à Paris où il étudia la musique et entra en contact avec le cubisme et le surréalisme. En 1930 il rencontra Gunnel Bergström, qu’il épousa deux ans plus tard.

Baucis et Philémon : Leur histoire ne nous est connue que par Les Métamorphoses d’Ovide : Zeus et Hermès, sous les traits de mortels, « frappent à mille portes, demandant partout l'hospitalité ; et partout l'hospitalité leur est refusée. Une seule maison leur offre un asile ; c'était une cabane, humble assemblage de chaume et de roseaux. Là, Philémon et la pieuse Baucis, unis par un chaste hymen, ont vu s'écouler leurs plus beaux jours ; là, ils ont vieilli ensemble, supportant la pauvreté, et par leurs tendres soins, la rendant plus douce et plus légère[1]. ». La question de l'hospitalité des habitants est d'autant plus importante pour Zeus que celui-ci se doit de prendre sous sa protection tous les voyageurs cherchant logis, ainsi que les hôtes.Pour les récompenser de leur bon accueil, les dieux les préservèrent d'un déluge dont ils inondèrent la contrée (punissant ainsi ses habitants inhospitaliers), et changèrent leur cabane en temple. Philémon et Baucis émirent le souhait d'en être les gardiens et de ne pas être séparés dans la mort. Zeus les exauça : ils vécurent ainsi dans le temple jusqu'à leur dernière vieillesse et, mourant en même temps, furent changés en arbres qui mêlent leur feuillage, Philémon en chêne et Baucis en tilleul. Ovide fait donc ici l'éloge du mode de vie simple et sans excès, préconisé par le régime de l'empereur Auguste.

L'ENCRE DES SOUVENIRS

Le poète Franck R*** m'a dédié ce magnifique poème. Je le remercie de tout mon coeur.

A Athanase Vantchev de Thracy


L’encre des souvenirs s’estompe en fin lavis !
Ecris des mots d’espoir en écho dans les dunes
Et jouis des reflets d’or le soir sur la lagune.
Repose-toi un jour, au port de tes envies.

Un regard vers hier pour jauger le chemin
Qui serpente le long de moult précipices
Et fleure bon l’odeur des fleurs et des épices ;
Le beau ciel bleu d’été prend des reflets carmins !

Tu souviens te encore de ces longues attentes ;
Que reste-t-il mon prince des humeurs du passé ?
Des rêve qui s’effacent, des mots non prononcés,
Et ces amours perdus en ces lieux qui te hantent.

Tes larmes ont séché après chaque combat.
Il en reste un soupir, léger comme un cantique
Qui se perd dans le vent venu de la baltique
Par les voix inouïes des vestales ici-bas.

Le sang rubis des vierges envahit les labours
Et parmi les blés murs naissent les coquelicots.
La femme se repose dans son blanc calicot
Comme une mer calmie le soir après l’amour

Les murmures des vivants font taire les exégètes
Et se mêlent aux prières des justes au firmament
Quand l’espace se plie et filent les tourments
Dans les orbes du temps où vivent les prophètes.

Franck R***

Dédiée à Athanase Vantchev de Tracy
Fmr 11/07/2008

The Inextinguishable Light

The Inextinguishable Light

for Luis Arias Manzo

'Allahu-r-rabu dhahana lana'
(The Lord is God, He appeared before us')

The Palm Service, second Ikos in the Melkite tradition

This little firefly,
spindly and delicate, assured and agile,
tiny flickering watchman
in the limitless night,
wavering breath
suspended in the abyss of the air!

You, small flame,
timid, transparent glow,
as dear to my heart
as the inaccessible heavens
scattered with the seed of stars!

You, gentle soul,
fragile soul
swaying precariously between
two persimmon leaves,
yet still kind enough to murmur
in my ear:

Stay quiet,
you must stay quiet!

Don't move,

Listen:

Alles atmet und dankt!

Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges

samedi 26 juillet 2008

TOI, COEUR FAIT DE CHANTS

TOI, CŒUR FAIT DE CHANTS

A mon génial Ami Radko Radkov

Toi, coeur fait de chants, fruit de la clarté,
Ami des séraphins irradiant le feu,
Tu fis du Verbe sonore un temple somptueux
Plus transparent qu’un psaume, plus tendre que Psyché !

Athanase Vantchev de Thracy



Voici le quatrain traduit en bulgare par moi-même :
Eto chetverostishieto prevedeno ot men na balgarski:


ТИ, ПЕСЕННО СЪРЦЕ

На моя гениален Приятел Радко Радков

Ти, песенно сърце и плод на светлината,
На серафимите от огън еднозначен брат,
От Словото стозвучно ти сътвори палат
Прозрачен като псалм, красив като душата !

vendredi 25 juillet 2008

TOI, INCESSIBLE CLARTE

A Luis Arias Manzo

« Allahu-r-rabu dhahana lana »
(Le Seigneur est Dieu, Il nous est apparu”)

Office des rameaux, deuxième ikos dans la tradition melkite


Cette toute petite luciole,
Grêle, délicate, confiante, agile,
Petite veilleuse clignotante
Dans la nuit illimitée,
Souffle vacillant
Suspendu dans l’abîme de l’air !

Toi, flamme infime,
Craintive, transparente lueur,
Aussi cher à mon cœur
Que l’inaccessible ciel
Ensemencé d’étoiles !

Toi, âme douce,
Âme fragile qui,
Tremblotant entre
Deux feuille du plaqueminier,
Murmure aimablement
A mon oreille :

Tais-toi,
Il faut se taire !

Reste immobile,
Ecoute :

Alles atmet und dankt !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 24 juillet 2008

Glose :

Incessible (adj.) : qui ne peut être cédé, inaliénable.

Ikos (n.m.) : mot grec qui signifie « maison ». Strophe faisant partie des anciens hymnes ou kondakia, pluriel de kondakion ou kondak. Kondakion (n.m.) : hymne qui se place après la sixième ode du canon des matines, repris pendant la Divine Liturgie. À l’origine, première forme accomplie de composition poétique liturgique de Byzance, créée par saint Romain le Mélode (VIe siècle).

Melkite (adj.) : qui appartient à l’Eglise Melkite Grecque Catholique. Celle-ci se trouve sous la juridiction du Patriarche melkite grec catholique, Sa Béatitude Maximos V. Initialement installée au Proche-Orient, elle a vu ses membres se disperser en Europe, en Amérique, en Afrique et en Australie. Cette Église compte environ deux millions de fidèles. La langue liturgique des melkites est l’arabe et partiellement le grec. L'Église Melkite Grecque Catholique comprend un patriarcat et quatorze archidiocèses. Les catholiques du Proche-Orient sont en plus grande partie des catholiques de rites orientaux.

Plaqueminier – Diospyros kaki (n.m.) : arbre de la famille des Ebénacées originaire de Chine et cultivé dans les pays chauds pour son fruit, le kaki ou plaquemine.
Le terme plaquemine aurait été emprunté à l'algonquin (la langue des Algonquins, peuple amérindien d'Amérique du Nord). Les Algonquins le nommait piakimin. Le terme kaki aurait été emprunté à l’hindi (kaki en hindi signifie couleur de poussière), ou au japonais kakino qui désigne le fruit et qui signifie fruit de choix.

Le nom générique Diospyros dérive du grec diospyron qui fut donné à l'arbre par Théophraste (IVe siècle av. J.-C.). Il est formé de dios, divin, et pyros, froment. Les Anciens considéraient le fruit comme une nourriture des dieux.

Théophraste (vers 372 - vers 287 av. J.-C.) : , en grec ancien Θεόφραστος, philosophe de l’école du Lycée. D’origine lesbosienne (l’île de Lasbos), il se nomme Tyrtamos. Il part étudier, jeune, la philosophie à Athènes. Il est l’élève de Platon puis d’Aristote, qui le surnomme Θεόφραστος, « divin parleur ». Aristote en fait également son successeur à la tête du Lycée. À ce poste, il a plus de deux mille élèves, si l’on suit la tradition, dont le poète Mémandre.

Sa spécialité sont les sciences naturelles, et plus spécialement la botanique, sujet de deux ouvrages, Histoire des plantes (Περὶ Φυτῶν Ιστορίας) et Causes des plantes (Περὶ Φυτῶν Αἰτιῶν). C’est lui qui est à l’origine de la différenciation théorique entre règne animal et règne végétal, distinction qui permet la naissance d’une véritable nouvelle discipline : la botanique.
Son Histoire des plantes traite de la morphologie et de la classification des végétaux. Théophraste donne également des informations sur leur utilisation.

Les Causes des plantes aborde des problèmes de la physiologie végétale notamment de la croissance et la reproduction. Pour cela, il forge un vocabulaire descriptif spécifique qui lui permet de décrire les différentes parties d’une plante. Dans ses écrits, il mêle observations personnelles et connaissances des auteurs anciens ou de son temps. Théophraste évoque aussi des espèces lointaines qui ont été rapportées après les conquêtes d’Alexandre le Grand ou qu’il reçoit d’Egypte. Il mentionne en tout plus de 550 espèces que l’on peut encore identifier, la plupart sont utiles à l’agriculture. Théophraste les classe en quatre groupes : les arbres, les arbustes, les arbrisseaux et les herbes (c’est-à-dire les végétaux non ligneux). Il est conscient de l’aspect arbitraire de ce système et convient qu’une plante peut être classée dans plusieurs groupes.

Il est également l’auteur d’un traité Sur les pierres (Περὶ Λίθων) et de Caractères (Ἠθικοὶ Χαρακτῆρες) dont s'inspire, plusieurs siècles plus tard, Jean La Bruyère.


Alles atmet und dankt : vers de Rilke qui signifie Tout respire et remercie.

jeudi 24 juillet 2008

DEUX SAISISSEMENT DE L'ÂME

A Vito Paolo Quattrocchi

« Qu’il ne me soit pas caché, Ton aimable visage
Rien que pour aujourd’hui. »

Sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897),
Mon chant d’aujourd’hui

I.

Dans l’intervalle entre deux saisissements de l’âme,
Le mot enlace le mot,
La brise réchauffe la brise,
Et la main amoureuse prolonge le monde
Jusqu’à l’extrême caresse du poème.

Et nous restons éblouis, émerveillés, fascinés
Sous les ifs émus qui ondoient
Dans le dense indigo de la nuit,
Cherchant dans ce qui commence sur nos lèvres
Le silencieux sentier qui se hâte
Vers l’inaccoutumé, l’inconnu, l’inédit.

Et soudain tout devient jouissance incorruptible,
Illumination flavescente
Et douceur immortelle !


II.

« Jette le manteau de Tes richessesSur ma pauvreté
Et sur mon indigence. »

Dhou’l-Noun al-Misri (796-861)

Qui donc pourrait t’aimer, ô toi,
Inquestionnable, illimité savoir de l’amour ?
Intime, profond, secret savoir de toujours !

Poème bâti sur tant de silence,
Sur tant d’extatiques solitudes
Où balancent leurs splendeurs insaisissables
La fraîcheur almandine des fontaines,
Le feu soyeux de l’été,
L’haleine cristalline des hauts rosiers !

Qui donc pourrait dire le bonheur,
La béatitude, le contentement du corps
Dans la pluie parfumée de juillet ?
Qui ? Qui saurait de ses doigts de source,
Ouvrir, sans s’évanouir, le Livre ultime
De la tendresse ? Qui ?

Athanase Vantchev de Thracy

Glose :

Sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897 : Marie Françoise Thérèse Martin, née à Alençon, enFrance, entra à 15 ans chez les carmélites de Lisieux, où elle reçut le nom de Thérèse del’Enfant Jésus et de la Sainte Face. Ses progrès spirituels étaient si importants, qu’elle futnommée maîtresse des novices à vingt-deux ans. Elle mourut deux ans plus tard. Dans sabrève vie, sainte Thérèse se distingua par son humilité, sa simplicité et son endurancehéroïque de la souffrance. Après sa mort, elle opéra d’innombrables miracles, qui firent queson culte se répandit dans le monde entier. Le pape Pie XI la déclara patronne des missionsétrangères, avec saint François-Xavier. Canonisée en 1925, elle fut déclarée en 1947 coprotectrice de la France, avec sainte Jeanne d’Arc par le pape Pie XII. En 1997, le pape JeanPaul II la proclama Docteur de l’Eglise. Thérèse, petite fleur de Jésus, est représentée commecarmélite, tenant un bouquet de roses ou avec des roses aux pieds.

Dhou’l-Noun al-Misri (796-861) : un des plus grands représentants du soufisme qui vécut enEgypte. Soufisme (n.m.) : terme désignant le mouvement mystique ayant vu le jour très tôtdans le monde musulman, qui y connut des manifestations diverses, dont certaines se situentfranchement en dehors de la doctrine définie par les théologiens sunnites et qui, tout en étantcombattu par certains à l’époque moderne, n’en rencontra pas moins un succès grandissantdans certaines régions périphériques et tardivement converties à l’islam. Ces premiersreprésentants aux mœurs marquées par l’ascétisme apparurent des le califat des Omeyyades,tel al-Hassan al-Basri, pieux prédicateur irakien de grand renom auprès de sescontemporains.

DEUX SASISSEMENT DE L4AME (EN RUSSE)

Le grand poète russe Victor Martynov a traduit ce poème d'Athanase Vantchev de Thracy



Атанас Ванчев де Траси

Посвящается Вито Паоло Куатроччи


I.

«Да не скроется от меня Твой приветливый лик
Хотя бы на сегодня»
Святая Тереза де Лизьё,
«Моя сегодняшняя песнь»



Два потрясения души

Два потрясения души,
И, между ними – промежуток.
Слово в объятия спешит
К другому слову – первопуток…
Согрет дыханьем ветерка
Соседний бриз, иль дуновенье?
Меж тем, влюблённая рука
Свершает мира продолженье –
До высшей нежности стиха.

Ослеплены, восхищены,
Заворожено замираем.
Ночь, синий танец наблюдаем:
В ветвях движение волны.

В том, что родится на губах,
Тропинку ищем молчаливо,
Что нас уводит торопливо
Туда, где исчезает страх,
Всё непривычно, незнакомо,
Невидимо, но столь искомо…

И вдруг – лавиной, торжество:
Всё ослепительно светлеет;
Как благодать, на естество
Бессмертной нежностью повеет…

II.

«Набрось покрывало твоих богатств
На мою бедность
И моё убожество.»
Ду'ль-Нун аль-Мисри

Кто смог бы возлюбить тебя, о ты,
Невопросимое, безмерное умение любить?
И сокровенное, и тайное – извечное искусство!

Стихи, что строятся на гулкой тишине,
На одиночестве, восторженности полном,
Где в безмятежности парят – неуловимый отблеск совершенства,
Фонтанов альмандиновых прохлада
И шелковистый пламень лета,
Густых розариев кристальное дыханье!

Кто смог бы выразить словами
Вершину счастия, покой и наслажденье тела
Под струями душистого июльского дождя?
Кто? Кто сумел бы пальцами-ручьями
Открыть, перелистать, не потеряв сознанья,
Страницы высшей Книги,
Что нежностью зовётся?
Кто?

Traduit en russe par Victor Martynov
Translated into Russian by Victor Martynov

mercredi 23 juillet 2008

LE CHRIST DU MONTPARNASSE

(Rêverie sur un tableau de Maurice Le Scouëzec)

« Tu m’as demandé un dernier bol de neige tombée du ciel,
Un bol de ce monde appelé Voie lactée »

Kenji Miyazava

Il se pencha,
Dans l’étouffant silence de son atelier,
Sur son âme !

Et il sut sur le champ
Que l’homme s’abusait
Chaque fois qu’il pensait
Être le maître de son destin !

Il se leva alors, s’approcha du papier gris,
Et, inondant sa solitude de rêves,
Donna vie à son intime vision.

Il planta la Croix au milieu du dessin,
Et, de la main de la foi
Qui faisait tressaillir son corps décharné,
Esquissa le corps nu du Christ,
Oublié, ignoré,
Abandonné à la fureur
De la nuit en deuil.

Autour du Sauveur outragé
Où l’air se chargeait d’éternité,
Il dessina, serré dans un cercle
Mû par le vice,
La foule égarée des prostituées.

Les unes, toutes nues,
Prises d’un halètement violent,
Errant comme des fantômes abîmés
Dans l’entonnoir de leur oppressant exil,
Les autres, couvertes à peine
D’un vêture appelant la concupiscente,
Tournoyaient hagardes,
En proies de leur asphyxiante déréliction.

Puis il esquissa, fébrile, halluciné,
La troupe hideuse des maquereaux
Vaquant à leur sombre office.

Des clients obscènes,
Marchandant le salaire de la chair,
Vinrent gonfler l’abîme ignoble de ce chaos,
L’immobile circulation de ces ombres !

Excédé par l’affliction,
Il s’assit en face du temps
Qui, en vain, clamait son innocence
Et sa profondeur !

Et il écouta longtemps l’inavouable
Que l’ouïe refuse d’entendre,
Incapable de soigner les blessures de la mort !
Et pour ne pas défaillir de chagrin,
Il contempla longtemps le Crucifié !

Et il sentit jaillir en lui,
Brusquement,
Cette tendresse
Qui se saisit de nous
Quand, dressé devant l’invisible,
Nous pensons à tout ce qui n’est plus !

Et, détournant sa face de l’irrévocable,
Tremblant de froid,
Il mit la signature de sa miséricorde
En bas du tableau !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 23 juillet 2008

Glose :

Maurice Le Scouëzec (1881-1940) : artiste peintre français d’origine bretonne né dans la Sarthe, décédé à Douarmenez. Il fut tour à tour pilotin (jeune marin qui étudie le pilotage) sur les grands voiliers, soldat, globe-trotter, aventurier. Il laissa des tableaux d’une grande intensité. Son « Christ du Montparnasse » m’a profondément bouleversé. J’ai senti la grande foi qui a guidée la main de l’artiste au cœur débordant de miséricorde.

Kenji Miyazava宮沢 賢治 (1896-1933) : poète japonais et auteur de contes pour enfants. Issu d’une famille aisée de commerçants, il découvrit, à 18 ans, le Sûtra du Lotus et devint un fervent adepte de l’école bouddhique Nichiren. Il fut également un très actif militant social. Miyazava mourut d’une tuberculose à l’âge de 37 ans. Son écriture est caractérisée par la création d'un vocabulaire poétique nouveau, mêlant à une langue simple et rythmique, des onomatopées, des mots du dialecte de la région d’Iwate dont il était originaire, ou encore des termes scientifiques ou bouddhiques. Ce style particulier se retrouve dans sa poésie comme dans ses contes en prose.

Le Soutra du Lotus ou Soutra sur le Lotus Blanc du Dharma Sublime est un soutra très populaire dans le bouddhisme mahâyâna. Il est le fondement des écoles bouddhiste Tendaï ou Tiantai et Nichiren. Le texte apparaît pour la première fois plusieurs siècles après la mort du Bouddha.

Les souttas ou soutras sont les écrits dans lesquels sont retranscrits les paroles du Bouddha et ses différents enseignements. Ils sont regroupés dans ce que l'on appelle le soutta-pitaka, la corbeille des soutras.

Le Dharma est la méthode intérieure qui peut faire cesser toute les souffrances et leur causes.

Zennichi-maro (善日麿) dit Nichiren (日蓮) est le fondateur du bouddhisme Nichiren appelé aussi « école du lotus ». Né le 16 février 1222 dans le village de pêcheurs de Kominato, dans l'actuelle préfecture de Chiba au Japon, à l'âge de 12 ans, il entre au temple bouddhiste Seichôji pour y étudier sous la direction du maître Dosen-bo. Ordonné moine Tendaï à l'âge de 16 ans, il prend le nom de Zesho-bo Renchô. Son vœu d'alors est de devenir la personne la plus sage du Japon.

Créé en 805 par le moine Saichô, l'école Tendai est la forme qu'a prise au Japon l'école chinoise Tiantai du bouddhisme mahâyânique, fondée par le religieux Zhivi (538-597) de la dynastie Sui. Elle constitue depuis son apparition une composante importante et influente du bouddhisme japonais.

Mahāyāna est un terme sanscrit qui signifie « grand véhicule ». Le bouddhisme mahāyāna apparaît vers le début de l’ère chrétienne dans l'Empire kouchan et dans le Nord de l’Inde, d’où il se répand rapidement au bassin du Tarim (fleuve chinois long de 2030 km) et en Chine, avant de se diffuser dans le reste de l’Extrême-Orient. Le Vajrayâna, sa forme tantrique, apparaît en Inde avant le IVe siècle, pénètre au Tibet entre le VIIe et le VIIIe siècle, puis en Mongolie, et, via la Chine où il laisse peu de traces, en Corée et au Japon à partir du VIIIe siècle.

L’Empire kouchan fut un État qui, à son apogée, vers 105-250, s’étendait du Tadjikistan à la mer Caspienne et à l’Afghanistan et, vers le sud, à la vallée du Gange. L’empire a été créé par les Kouchan, une tribu des Yuezhi, un peuple de l’actuel Xinjiang en Chine, possiblement apparenté aux Tokhariens. Les Kouchan ont eu des contacts diplomatiques avec Rome, l’Empire perse des Sassanides et la Chine, et, pendant plusieurs siècles, furent au centre des échanges entre l’Orient et l’Occident.

mardi 22 juillet 2008

DE CE PEU DE TEMPS...

« Foy moy boire aux creux de tes mains
Si l’eau n’en dissout point la neige »

Tristan L’Hermite

I.

Mon Ange,
(Mais ce mot est-il encore bien vu
Aujourd’hui ?)
Je t’écris…

Tu ne réponds jamais,
Pas une parole pour rendre,
Par un parfum d’aube,
Par une scintillation de neige,
Plus diaphane, plus respirable
L’effondrement du jour.

Pas un signe
Pour élargir les limites
De l’espace du cœur
Par un frémissement heureux.

II.

Pas une voix amicale, ou presque,
Pas une étincelle de joie, de chaleur oubliée,
Ni la musique précieuse d’un poème
Pour m’élever, par l’échelle bleue et rose, de l’aurore
Vers la respiration du vaste Univers !

Pas un murmure pour dire à l’ouïe
L’éminence du printemps.

Comment dire tout cela sans le dire ?


III.

Bientôt la nuit,
Tout s’éteint lentement, délicatement :
Ciel, feuillage, fleurs, sentiers, oiseaux,
Livres ouverts et jamais lus,
Rideaux décorés de ramures grecques !

Et voici l’Ange de l’Hiver
Qui se penche à nouveau
Sur l’oreiller blanc.

IV.

Une frayeur étrange,
Ni celle faite de la crainte de mourir,
Ni celle qui dit la stupeur de vivre, se saisit
Des meubles fatigués par les jours
De la chambre, des draps, des membres
Devenus fatigués et fragiles !

V.

Mais il y a,
Dans cette froideur qui monte,
Il y a
Sur la très vétuste table de nuit,
Cette naïve image
De sainte Thérèse
Qui luit dans la grandissante obscurité
Comme une voie ouverte
Sur une lumière infiniment tendre,
Comme des mains
Pleines de jacinthes
D’une beauté suffocante,
Prêtes à m’accueillir
Dans le secret royaume
De l’Amour !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 22 juillet 2008

Glose :

Tristan L’Hermite (1601-1655) : François l’Hermite, sieur du Soliers dit Tristan l’Hermite est un poète et dramaturge français. Poète lyrique à l’inspiration bien personnelle et au souffle large et parfois superbe, polygraphe intéressant dans ses Plaidoyers historiques et ses Lettres mêlées, conteur à la fois aimable et amusant dans sa curieuse autobiographie du Page disgracié (1643), si instructive, en outre, sous le rapport des événements comme des mœurs de la période qu’elle embrasse, Tristan L’Hermite a emprunté son prénom à un de ses ancêtres, grand prévôt de France sous Louis XI.

Descendant probablement de Pierre l’Hermite, le prédicateur de la première croisade, sa famille était quasiment ruinée à l’époque de sa naissance. Il fut malgré tout placé comme page chez Henri de Bourbon-Verneuil, fils illégitime d’Henri IV et de la marquise de Verneuil, en 1604. Il passa ensuite chez Scévole de Sainte-Marthe, trésorier de France avant de devenir secrétaire du marquis de Villars-Montpezat. Descendant d’une race dont vingt-six membres avaient passé par les mains des bourreaux, il en avait hérité le sang bouillant et la violence primesautière. Ayant blessé successivement à coups d’épée un cuisinier qui avait eu le tort de lui jouer une mauvaise farce puis, à Fontainebleau, un promeneur qui l’avait heurté par mégarde, il fut obligé, en 1614, de s’exiler en Angleterre après avoir tué un opposant en duel, épisode qu’il a relaté de façon romancée sur le mode burlesque dans le roman Le Page disgracié.
En 1620, il participa aux campagnes de Louis XIII contre les huguenots dans le Sud-Ouest. En 1621, il entra au service de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII et participa à la création de plusieurs ballets de cour.

Il fut élu à l’Académie française en 1649. La vie de débauche qu’il menait dans l’entourage de Gaston d’Orléans et son goût immodéré pour le vin et le jeu finirent par avoir raison du peu de santé que lui laissait sa tuberculose. Rapidement oublié à sa mort, il a bénéficié de la redécouverte de la littérature baroque et des auteurs libertins dont il diffère pourtant.


Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face (1873-1897) : il s’agit de sainte Thérèse de Lisieux, sœur carmélite, dite la Petite Thérèse pour la distinguer de sainte Thérèse d’Avila, la Grande Thérèse. Morte à 24 ans, elle laissa une relation littéraire de ses expériences mystiques. Thérèse de Lisieux fut canonisée en 1925, puis proclamée sainte patronne secondaire de la France et Docteur de l’Eglise.

lundi 21 juillet 2008

MOURNING (English)

Mon poème "Deuil" ("Mourning") traduit en anglais by Norton Hodges

for Tanguy

'Doxa to theo pantôn eneken'
(Glory to God for All Things)

St John Chrysostom

Here lies Athanase
for this is now his dwelling place.

At his funeral yesterday
we all wept.
He was our sweet joie de vivre,our song thrush.

We assumed it was one of his other friends,
who stepped up lightly as a cloud and planted
the white rosebush on his grave!

Concealing his face, he walked away without a word,
leaving only this note:

We wanted our Friend
so muchthat he is with us now.

And, at the bottom of the note,
like a promise, was this signature:

From an Angel

written inside a small heart-shaped flower,
delicate and intensely blue!

How sad we are tonight!
Our faces are wet with
the cool rain of July stars!

How can we bring into the light of day
the sadness which is eating away our very souls?

O night of mourning,
night that can neither be spoken of nor remain unsaid!

translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges
21.07.08.

ACCOMPLISSEMENT

A Yaroslav

La pluie soyeuse des pétales de pêchers
Vient rafraîchir,
Vient orner la face souriante
Des joyeuses renouées.

En bas, dans la vallée,
Les prairies ondoient aussi belles,
Aussi douces au regard
Qu’un châle de Cachemire.

Voici toute la beauté du printemps
A ma fenêtre !

Fasciné, j’oublie aussitôt
Les délires de Plotin,
Ses Intelligences, ses Formes,
Son Unité originelle,
Sa Présence toujours présente,
Son Absolu !...

Comme tout ceci me semble
Tout à coup peu de chose
Auprès de la luminescence exaltée
Du monde,
Auprès de cette immédiate,
Cette tangible et vibrante
Lumière de la vérité !

Athanase Vantchev de Thracy

Rueil-Malmaison, le 21 juillet 2008

Je dédie ce poème à mon bon ami d’enfance, Yaroslav Batchvarov dont j’ai appris récemment la mort. J’ai pleuré, je pleure encore sa disparition. Il avait hérité de l’antique gentillesse si propres aux paysans thraces, de leur calme aussi, de leur générosité. Chimiste de formation, il appréciait la poésie et s’en nourrissait. Notre dernière rencontre eut lieu à Sofia. Nous avons parlé des horreurs que le passage brusqué du communisme au capitalisme sous sa forme américaine, je veux dire la plus sauvage et crapuleuse, avait provoquées. Une ère de seigneurs sans scrupule allait gangrener totalement le pays de façon irrémédiable, inconsolable.

Dors en paix, ami cher à mon cœur ! Puisse ton âme entendre ce poème plutôt joyeux !

Glose :

Renouée (n.f.) : plante herbacée de la famille des Polygonacées. Il existe plusieurs sortes de renouée parmi lesquelles la Renouée des oiseaux, la Renouée persicaire, la Renouée des Alpes, la Renouée affine, la Renouée amphibie, la Renouée bistorte, la Renouée ornementale, etc.

Plotin (Lycopolis en Egypte 205 – Rome 270) : philosophe grec, auteur des Ennéades. Il est considéré comme le fondateur de la pensée néoplatonicienne.

Le néoplatonisme fut quelquefois utilisé comme support philosophique du paganisme, comme moyen de défense contre le christianisme. Pourtant, c'est dans le christianisme qu'il obtint la plus grande audience, influençant saint Augustin d’Hippone, l'un des premiers Pères de l'Église. Le Néoplatonisme est à ce point rattaché à la chrétienté que l'auteur du Fons Vitae, Avicerbon fut pris pour un chrétien alors qu'il s'agissait d'un juif, Salomon ibn Gabirol. La place du néoplatonisme dans le christianisme est centrale : Pseudo-Denys, fondateur de la théologie négative, reprend indirectement Plotin via Proclus. De Pseudo-Denys on peut alors remonter à saint Thomas d'Aquin qui le cite comme la référence mystique la plus autorisée, mais aussi, quoique d’une façon indirecte, à la mystique rhénane du Maître Eckart, de Tauler et de Suso.

dimanche 20 juillet 2008

DIRE CLAIREMENT LE MONDE

"Qu’il n’y ait plus rien du tout,afin que quelque chose soit."

Charles-Ferdinand Ramuz


La mort vient
Comme un hymne ouvert à l’infini,
Comme une lumière de salut dernier,
Avec des chapelets de prières
Où aucun mot n’annule un autre.

Des mots brefs, précis, abrupts
Qui ne disent pas les larmes,
Qui sont les larmes même.

Est-ce une pièce de nô,
Où, dans une immobilité
Qui embrasse toute chose,
Coule, imperceptible aux sens,
La beauté suffocante de l’être ?

Une rigidité faite de silence
Tour à tour ouvert et fermé
Comme une aile de cigale.

Ah, mon Ami,
Comme le calme intérieur
A besoin de chant d’oiseaux,
De danses d’herbes vives,
De berceuses de ruisseaux clairs,

De vibration légère,
De clairvoyante gravité.

La mort, cette vie
Souterraine dans la vie !

Ah, mon Ami,
"Vivre, c’est un peucomme quand on danse… »
Une tendre nuit d’été,
Une nuit sans blessures,
Sous la musique
Des étoiles bienveillantes !


Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 20 juillet 2008

Glose :

Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947) : Un des plus grands poètes suisse d’expression française. Après avoir obtenu une licence en lettres classiques en 1901, Ramuz se rendit à Paris afin de préparer, à la Sorbonne, une thèse de doctorat sur le poète Georges Maurice de Guérin., plan qu’il abandonna pour se consacrer à l’écrituer.

Durant plus de dix ans, Ramuz partagea son temps entre la Suisse romande et Paris, où il fut introduit dans le salon de l’écrivain et critique suisse Edouard Rod (1857-1910). C'est du reste par l'intermédiaire de ce dernier qu’il parvint à publier son premier roman, Aline (1905), à Paris, aux éditions Perrin. Il avait précédemment publié, chez Eggimann, à Genève, un recueil de poésie à compte d'auteur intitulé Le Petit Village (1903). Durant ses années "parisiennes", Ramuz publia pas moins de cinq romans, chez différents éditeurs de la capitale (Perrin, Fayard, Ollendorff). Peu après la naissance de sa fille, et quelques semaines à peine avant le début de la Première Guerre mondiale, il décida de rentrer en Suisse, où il resta jusqu'à sa mort.

Paris offrit l'occasion à Ramuz de fréquente de nombreux écrivains et artistes, suisses ou français: il partagea un temps un logement avec Charles-Albert Cingria, rencontra le peintre René Auberjonois avec qui il se lia d'amitié; il y retrouva Henri Spiess et Adrien Bovy, et il y fit également la connaissance des frères Taraud et d’André Gide.

"Vivre, c’est un peucomme quand on danse… » - vers de Charles-Ferdinand Ramuz.

samedi 19 juillet 2008

SUAVE INSISTANCE

A Gabriel

« Nos chansons, au vent semées »

Victor Hugo

Pourquoi ne pas ouvrir la fenêtre
Sur cet été somptueux,
Sur ce jardin luxuriant qui tombe,
Enivré de senteurs et de chants,
Dans l’étreinte mouvante
Et toujours neuve de la mer ?

Pourquoi ne pas ouvrir l’intime de l’oreille
Aux mots généreux qui viennent nous offrir,
Souriants, précautionneux, fluides,
Les vases les plus précieux
De leurs trésors ?

Ces mots où toute la Grèce
Et ses dieux impalpables
Se taisent, assoupis
Après une fête sans précédence ?

Ils sont là, innombrables et vrais,
Blasons de l’éternité,
Mémoire dans la mémoire de chaque coeur
Au plis inépuisable,
Débordant de sonorités qui,
En jaillissant de nos propres entrailles,
Touchent le transparent visage du silence.

Là, dans l’âme de l’âme,
Parfois évanouis, mais toujours palpitants,
Toujours prêts à ressusciter
Ils veillent sur l’écoulement du monde.

Ô cette suave insistance des mots !

Les mots, seule matière divine
En nous qui perpétuellement vit et tressaille !

Seul secours gracieux,
Seule solution pure
De toute larme !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 19 juillet 2008

Glose :

Précédence (n.f.) : du latin praecedens, « précédent ». Qui précède, s’est produit antérieurement, qui est sans exemple. Antécédence, antériorité.

vendredi 18 juillet 2008

AMAZIGHT

Je dédie ce poème à tous les enfants de Tamazgha

« Je vais, j’imagine comme je peux les demeures de l’esprit pur… »

Georges Maurice de Guérin

Tu es, ma langue ailée, plus tendre à mon cœur
Que les pétales d’azur des roses et des jasmins,
Que le parfum des brises qui flottent dans tes jardins
Un soir torride d’été, orné de mille couleurs !

Tu es ma langue splendide, l’âme pure de ma patrie
La libre Tamazgha, fille adorée des dieux
Qui court de mer en mer et dort sous les cieux
De ses montagnes fières, de ses émeraude prairies.

Tu es ma langue aimée, tranquille comme le désert,
Légère comme un poème écrit de sable fin,
Sonore comme les tempêtes, mienne comme les chemins

Qui lient mon sang au sang tangible de ma terre !
Ô langue qui coule en moi comme un torrent immense,
Essence de ma survie, mon hymne de transparence!

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 18 juillet 2008

Glose :

Amazight (n.f.) : la langue millénaire des Imazighen (Berbères) dont la patrie, la Tamazgha (la Berbérie), s’étend de la mer Rouge à l’océan Atlantique, de la Méditerranée à l’Afrique noire.

Georges Maurice de Guérin (1810-1839) : poète et écrivain français, contemporain de Lamartine et de Victor Hugo. Sa poésie est une des plus raffinées de la langue française. Il est l’auteur du Centaure, de la Bacchante et de nombreux poèmes qui se situent à la charnière du romantisme religieux de Chateaubriand et de la modernité poétique de Baudelaire et Mallarmé. Son journal Le Cahier vert et sa correspondance avec Barbey d’Aurevilly traduisent ses interrogations sur sa destinée d’homme et d’écrivain.

jeudi 17 juillet 2008

CET APAISEMENT DU COEUR

A Tristan

« car seule notre générosité
nous accueillera outre-tombe. »

Olga Sedakova

Non pas, sûrement pas de pleurs !...

Ce chant immémorial,
Archaïque et dur comme du granit,
Elémentaire comme la terre à ses débuts
Me rend presque heureux, presque rassuré !

Lumière secrète, beauté, vérité
Jaillies des herbes, des buissons, de l’air,
Splendeurs invisibles
Que toute âme connaît !

Les cierges élancés des peupliers luisent
Dans la mélodieuse immensité
De la nuit thessalienne.

Les temples abandonnés
Que les dieux n’ont jamais pu quitter,
Se faisant discrets, montrant leur visage
Dans le timide calice d’une petite fleur
Née dans les ruines !

Et cette intense clarté qui inonde la mémoire
Au milieu de ces champs perdus !

Avalanches
De petites gouttes
D’eau souveraine,
D’huile d’olive et de myrrhe,
D’une gracieuse et étonnante transparence,
La mémoire jumelle de l’éternité !

Et l’intuition essentielle, plus abyssale,
Plus vaste à chaque cri d’oiseau,
Plus sombre aussi !

Âme,
Comme j’aime l’apaisement du cœur
Quand la vivifiante tiédeur de tes mains
Se pose sur mon front !

Comme je chéris les mots,
Les petits mots humbles qui connaissent
La divine, l’humaine, l’universelle
Continuité du monde !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 17 juillet 2008

Glose :

Tristan : prénom. Du celtique drest, « le tumulte ». Le saint patron des Tristan est un moine breton du Ve siècle qui évangélisa l’Irlande. Il m’est agréable de mentionner ici le poète Tristan Corbière, l’auteur maudit des Amours jaunes.

Olga Sedakova (née en 1949) : poétesse et philologue russe. Pendant le régime soviétique, ses poèmes ont circulé sous le manteau. Olga Sedakova est à présent traduite dans de nombreuses langues et de nombreux pays. Elle a obtenu plusieurs prix de poésie : à Paris en 1990, en Italie en 1995, le prix de la Société Soloviev en 1998, le prix Soljenitsyne à Moscou en 2003. Le titre de Docteur honoris causa lui a récemment été décerné par l’Université de théologie de Minsk.

mercredi 16 juillet 2008

DEUIL

A Tanguy

« Doxa to theo pantôn eneken »
(Gloire à Dieu en toute chose”)

Saint Jean Chrysostome

C’est ici à présent
La demeure d’Athanase !

Nous l’avons enterré hier
Et avons beaucoup pleuré !

Il était notre douce joie de vivre,
Notre grive mélodieuse !

C’est un ami inconnu de nous tous,
D’une démarche légère comme un nuage,
Qui vint planter le rosier blanc sur sa tombe !

Cachant sa face, sans dire un mot, il partit
Laissant ce mot :

« Notre Ami nous a rejoint,
Nous le désirions tant ! »

Et il y avait, en bas du mot, comme
Un promesse, cette signature :

« Ange »

Entourée d’une petite fleur très bleue,
Très fine,
En forme de cœur !

Nous sommes tristes cette nuit !
La fraîche pluie des étoiles de juillet
Mouille nos visages!

Comment pourrions-nous dire lumineusement
La tristesse qui festoie à l’intérieur de nos âmes ?

Ô nuit de deuil,
Nuit qu’on ne peut ni dire ni taire !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 16 juillet 2008


Glose :

Tanguy : prénom. Du celtique tan, « le feu », et guy, « le chien ». Aussi ce beau prénom, selon certains spécialistes, signifie-t-il « le gardien du foyer ». Le saint patron des Tanguy est un moine breton qui se retira du monde à la suite d’un drame épouvantable : trompé par sa marâtre, il avait tué sa sœur. Il fonda un monastère à la pointe Saint-Matthieu (Finistère) au début du IXe siècle.

Saint Jean Chrysostome (Bouche d’or) : ce Père de l’Eglise naquit entre 344 et 354 à Antioche et mourut en 407 près de Comana, dans le Pont-Euxin (mer Noire). Il fut archevêque de Constantinople. Sa grande éloquence fut à l’origine de son surnom. En grec ancien khrusostomos / χρυσόστομος signifie littéralement « bouche d’or ». Sa rigueur morale et son zèle de réformateur le conduisirent à l’exil et à la mort. Les derniers mots qu’ils prononça furent : « gloire à Dieu en toutes choses » (doxa to theo pantôn eneken).

mardi 15 juillet 2008

POSTLUDIUM

A Audrey Baschet

« Isole che ho abitatoverdi su mari immobili »

(Îles que j'ai habitéesvertes sur des mers immobiles.)

Salvatore Quasimodo

Terre ludique,
Terre où mes rêves jouaient
Avec les eaux azur
De la fontaine !...

C’est l’été !

Un couple vif de pies
En robe du soir et foulard de soie blanche
Règne sur le jardin
De Boulouris.

Elles font la guerre acharnée
Aux jeunes écureuils
Duveteux comme des nuages.

Le matin, les yeux encore fermés,
Assiste inquiet à ce duel sans merci.

J’attends l’armistice,
La concorde aux yeux bleus.

Je reprends la lecture de Quasimodo…
Les voix intérieure d’une paix anxieuse
Déversent le ciel rose sur mon cœur !

Mouvement profus et insaisissable
Du monde !

Douce inclinaison de l’allée
Qui mène à la mer imperturbable

Là où les Parques filent
Sous le chant obstiné de la brise
La laine vierge de mon linceul !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 15 juillet 2008

Glose :

Postludium ou postlude (n.m.) : pièce musicale composée pour conclure une œuvre vocale ou instrumentale (opposé à prélude ou preludium).

Salvatore Quasimodo (1901-1968) : poète italien. Marqué par son enfance sicilienne, il apprit seul sur le tard le latin et le grec. Présenté par Vittorini à la revue Solaria, il publia des poèmes (Acque e terre, 1939 ; Oboe sommerso, 1932) qui en firent un représentant de l’hermétisme florentin. A cette poésie précieuse et belle s’ajoutèrent la nostalgique Ed è subito sera (1942), et, après la guerre, un engagement dans l’histoire et un lyrisme plus ample, illustré entre autres par La vie n’est pas un rêve (1949) et La Terre incomparable (1958). La critique s’accorde aujourd’hui à reconnaître pour son chef-d’œuvre sa traduction des Lyriques grecs (1940). Prix Nobel de littérature 1959.

FRISSONS (English)

for Bernard Bouguénec

'And these dreams flying...'

Philippe Desportes

Orchids and fish
float peacefully
in the ornamental pond.

A woman in a thin white dress sails past
among trees decked in pink flowers.
The May air is full of feelings and frissons.

The flutes of birds,
the infinite perfection of the heart
when it draws close to what it desires.

Only the dead can no longer feel such pain!

translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges
15.07.08.

*Norton Hodges est un des plus grands poètes contemporains anglais

FRISSONS

A Bertrand Bouguénec

« Et ces songes volant… »

Philippe Desportes

Orchidées et poissons
Flottent paisiblement
Dans le bassin.

La robe blanche et légère d’une femme vogue
Parmi les arbres vêtus de fleurs roses.
L’air de mai est plein d’émotions et de frissons.

Les flûtes des oiseaux,
La perfection sans fin du cœur
Lorsqu’on approche d’un objet !

Comme il est impossible de blesser un mort !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 15 juillet 2008

Glose :

Philippe Desportes (1546-1606) : abbé courtisan et poète officiel d’Henri III, il est l’auteur d’Elégies et de poésies profanes : Les Amours de Diane ; Les Amours d’Hippolyte (1573) où apparaît une certaine préciosité. Sa traduction des Psaumes, publiée en 1603, s’oppose, par l’esprit, à celle de Marot. Critiquée par Malherbe, son œuvre cependant présente une clarté de style qui annonce le classicisme.

lundi 14 juillet 2008

L'EPIGRAPHE AERIENNE DE HABBAZ BOUJMÂA

L’EPIGRAPHE AERIENNE DE HABBAZ BOUJMÂA

« Seul.
Comme la ville qui te suit de lon, fidèle.
Comme la poésie, fidèle, aux derniers instants de ta vie »

Yorgos Markôpoulos

Dans ce fossé profond
Où viennent parfois jouer des enfants,
Tu dors, mon frère bien-aimé !

L’Ange de la Fin du jour
Déverse tous les soirs sur le sol où tu gis
Un bleu flacon empli de ses larmes.

Et,
Quand la haute nuit s’avance pieds nus
Sur l’herbe parfumé par ton sang,
Les grandes étoiles,
Divinement amoureuses
De ton innocence,
S’inclinent affligées
Vers la terre amazighe qui caresse ton corps
Etreint par les suaves racines
Des humbles, des frêles fleurs des champs.

Alors,
Alors Dieu lui-même,
Dieu dans sa céleste miséricorde
Approche de ta tombe,
Prends avec tendresse ton âme lumineuse,
La serre contre sa poitrine émue
Et la berce longtemps
Sur son cœur éploré !

Ô mots purs, mots d’amour
Qui lient ta mémoire, mon Habbaz,
Au vols perpétuel
Des galaxies !

Ô mots,
Faites que mon chant sincère
Inscrive en ce jour de juillet sur la page intime
De tous les hommes qui savent encore
Aimer, le nom
D’un saint cher
A l’insurmontable éternité !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 14 juillet 2008

Glose :

Habbaz Boujmâa : célèbre linguiste marocain disparu sans trace en 1981, victime de son amour pour la langue amazighe (berbère). Amis, j’ignore la date de sa naissance.

Yorgos Markôpoulos (né en 1951) : un des plus bouleversants poètes contemporains grecs.

ERREUR

TOI, MON MAROC AMAZIGHE!

Au lieu d'écrire "amazighe", j'ai commis l'erreur d'écrire "amazighr"!

TOI, MON MAROC AMAZIGHR

A Ali Khadaoui

« Les hommes continuent d’avancer ainsi
Inconscients de ceux qui s’en allèrent,de ceux qui s’en vont, d’eux-mêmes… »

Yannis Ritsos

Ô insensé Maroc, pourquoi veux-tu trahir
Ton sang berbère, ton sang plus pur que diamant !
Pourquoi mentir, pourquoi ? La sève de tes enfants
Vient d’une terre sublime, berceau de grands empires !

Oui, tu es berbère, berbère jusqu’aux racines
De tes cellules nourries d’espace immaculés,
Berbère jusqu’à ton âme éprise de liberté,
Berbère jusqu’aux entrailles de tes montagnes divines !

Pourquoi te dire arabe ? Aurais-tu honte, Rabat,
De ton ciel d’azur, des tes vallées superbes,
Toi-même amazighe grandi parmi les gerbes

Des étoiles d’Atlas, des mers tissées de soie ?
Chaque sentier en toi, chaque rivière limpide
Ont la clarté berbère de ton regard candide !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 14 juillet 2008

Je dédie ce poème à l’éminent lettré et ami Ali Khadaoui, flamboyant défenseur de la langue et de la civilisation amazighes. Dire que je soutiens la juste cause qu’il défend de tout le génie de son amour est très peu dire. Cette cause qui plaît à Dieu, l’Ami Suprême de la Justice et de la Liberté, je l’ai faite entièrement mienne. Je l’ai aimée, je l’ai embrassée, je l’ai serrée sur mon cœur. Tant que le Seigneur de la Lumière me permet de vivre, je resterai aux côtés des Imazighen, les authentiques propriétaires de la Tamazgha, et donc du Maroc.

Glose :

Amazighe (adj.) : on peut traduire ce terme par l’adjectif « berbère ». Le vrai nom des Berbères, ainsi appelés par les Grecs pour qui tout peuple qui ne parlait pas leur langue était barbare, est Imazighen. Les Imazighen (pluriel de « amazighe ») occupaient, depuis la nuit des temps, l’immense territoire qui couvrait la Libye, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et les îles Canaries d’aujourd’hui. Ce territoire était la Tamazgha, le pays des Imazighen, peuple qui, quoique réparti en plusieurs sous-groupes, jouissait d’une même communauté linguistique, des mêmes traditions, d’une civilisation authentique. Les habitants de l’Aurès, de la Kabylie, du Mzab en Algérie, les montagnards du Rif, les Chleuh des chaînes montagneuses de l’Atlas, les habitants de la vaste région de Sous au Maroc, sont restés fidèles à leur origine amazighe. Les Touareg, également Imazighen, ont conservé leur originalité aux confins des Etats de l’Algérie, du Mali et du Niger. Une diaspora de plusieurs millions d’Imazighen habite un peu partout dans le monde, et surtout en France et aux USA.

Il faut savoir que 90% de la population des pays de la Tamazgha cités plus haut est amazighe. Il faut savoir aussi que les Iamzighen sont un peuple totalement différent des Arabes. Envahie par ces derniers au VIIe - VIIIe siècle ap. J.-C., la Tamazgha a subi la loi des vainqueurs qui ont imposé à son peuple, souvent par la force, l’arabe comme langue officielle. Si une petite élite fit sienne cette langue étrangère, les vastes populations de la Tamazgha gardèrent leur propre langue : l’amazighe, et leur alphabet : le tinifagh, inventé au Ve siècle av. J.-C.

Or, le Maroc, peuplé à 90% d’Imazighen, se veut un pays arabe. La vérité est qu’il ne l’est pas. C’est un pays berbère. Entièrement berbère ! La culture arabe n’a pas pu changer le sang des habitants du pays. Il est plus que normal que les Imazighen veulent sauvegarder leur langue, rempart divin contre une arabisation forcée que le gouvernement marocain mène contre vents et marais. Il est grand temps qu’il le sache : tous ses efforts sont vains. On ne peut pas trahir impunément sa race. On ne peut pas éteindre, sans se brûler, la flamme de l’esprit. On ne peut pas faire d’un lion une chèvre. Non, mes amis marocains, le sang ne devient pas de l’eau ! Telle est la vérité que tout homme qui veut vraiment plaire à Dieu, doit savoir et pratiquer !


Yannis Ritsos (1909-1990) : militant pour la liberté de la Grèce des nazis, Ritsos fut, de son vivant, le plus célèbres des poètes grecs, le plus traduit. Immense et inégal, d’une effrayante fécondité, il a tout chanté, dans tous les registres. Un Victor Hugo grec.

SIENNA

My dear friend Norton Hodges, one of the greatest English poets today, translated my poem "Sienne":

Sienna

The bells of a church in Sienna
early in the morningand
suddenly
the limitless depths of God's presence
in my throat,

in my fingers
a dizzying tenderness
for the terrible fate of Christ, nailed to a wall!

Light that beats against my temples
once more and always,

Light!

translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges
14.07.08.

dimanche 13 juillet 2008

SIENNE

Les cloches d’une église de Sienne
Tôt le matin,
Et soudainement
Cette présence abyssale de Dieu
Dans ma gorge,
Cette tendresse vertigineuse
Pour le Christ accroché au mur
Dans mes doigts !

Lumière qui bat contre mes tempes
Encore et toujours,

Lumière !

Athanase Vantchev de Thracy

Rueil-Malmaison, le 13 juillet 2008

LES TROLLS

A mon frère bien-aimé Michel, paix à son âme

« Celui qui combat à l’intérieur de lui-même ».

Inscription runique sur l’ombon d’un bouclier de Thorsberg


Ils viennent souvent dans mes rêves, les trolls.
Je les vois manger du feu avec de grosses cuillers
En or incrusté de diamants.

Puis, ils se mettent à lire leur avenir
Dans les fines veinules des feuilles de bouleau.

Plus loin, à l’écart, se tient un vieux troll -
Il pose un sermonnaire sur un pupitre en chêne,Se nettoie les dents en mâchant
Des marguerites
Et commence à marmonner
Des paroles que je ne parviens pas
Aentendre.

Les cœurs des trolls gonflent
Chaque fois qu’un coucou chante
Et font tressauter les herbes grasses.

Fatigués d’émotion,
Ils se couchent
Sous les pavillons des morilles
Et écoutent, en s’endormant,
Les poèmes runiques
Des aiguilles des pins !

Ils viennent souvent dans mes rêves, les trolls
Chaque fois que la mort essaie de jouer aux échecs avec moi.

Athanase Vantchev de Thracy

Rueil-Malmaison, ce dimanche 13 juillet 2008

Glose :

Troll (n.m.) : dans la mythologie des peuples scandinaves, le troll est un être vivant dans les montagnes ou les buttes (bergtroll). Ce sont des géants incarnant les forces de la nature, au même titre que les Titans.

Odin avait dû tuer Ymir, le géant dont il était né, pour assurer le règne des dieux et des hommes, selon un scénario rappelant la castration d'Ouranos par son fils Cronos et la victoire des dieux olympiens sur les Titans. Les trolls étaient des géants qui avaient surgi du corps d'Ymir.

La christianisation de la Scandinavie a profondément diminué la taille des trolls et altéré la réputation de ces êtres qui étaient jadis plutôt considérés comme bêtes et naïfs que comme malfaisants. Comme l'Église n'arrivait pas à éliminer les croyances populaires, elle a fait du troll un être de petite taille (semblable aux lutins ou korrigans du folklore français) et surtout un monstre, souvent identifié à Satan dans les contes populaires. Le folklore scandinave a particulièrement bien résisté à l'hostilité chrétienne, et la fête païenne de Midsommar (qui a été christianisée en Fête de la Saint Jean) témoigne de la permanence des rites ancestraux.

Avec l'effritement de l'influence luthérienne en Scandinavie, le troll a cessé d'être considéré comme un monstre, sans pour autant retrouver sa grandeur ancestrale : c'est désormais une drôle de créature, à laquelle on attribue telle ou telle anecdote cocasse, qui sert à expliquer la présence d'une bizarrerie dans le paysage (rocher lancé par un troll, par exemple), ou dont on conte les aventures aux enfants.

En français, le mot aurait dérivé en drôle, en conservant l'essentiel du sens imposé par le christianisme (le comique, la bêtise, ou la méchanceté).

Ombon de bouclier de Thorsberg : l’ombon est la bosse, à l’extérieur du bouclier, qui cache et protège les attaches des boucles par lesquelles on tient le bouclier.
Runique (adj.) : écriture employée par des peuples germaniques entre le IIe et XIVe siècle de notre ère. On a trouvé un grand nombre d'inscriptions runiques sur des poinçons, des anneaux, des fers de lances mais aussi et surtout sur des pierres. Il s'agit en général de textes très courts. L'une des inscriptions les plus longues, celle de la pierre d'Eggjum en Norvège, ne compte que 200 signes. La plupart des textes conservés ont été rédigés sur des stèles funéraires pour honorer un disparu.

Le terme rune semble indiquer qu'au départ l'écriture runique a dû être l'apanage d'une élite. On peut en effet le rapprocher du vieil islandais runar (secret), du vieux saxon runa (chuchotement) mais aussi de l'irlandais run et du gallois rhin (secret, mystère). On peut aussi songer à la complexité de la poésie scaldique dont l'objet explicite était d'en réserver la compréhension à quelques initiés.

samedi 12 juillet 2008

MA

A Théo et Anastase Crassas

« Le ruisseau devant ma porte,
les monts à ma fenêtre, j'écoute le silence… »

Wang Wei

Vous aimez cette lecture fine du jour
Que seul le poème peut réaliser.

Saisir cette vie sublime
Qui jaillit de la déchirure du monde,
De cette effraction
Par où l’infini
Monte des profondeurs du silence
Et apparaît.

Oui, mes Amis,
La poésie est un
Akalepton,
Tout ce qui est et ne peut être touché,
L’évidence incompréhensible,
Le fruit qu’on savoure
Et que l’on ne peut cueillir.

Elle est, mes Amis,
Ce qui lie en guirlandes
Ruisselantes de beauté les choses et les mots,
Les deux côtés parallèles
De la même route
Parés de fleurs champêtres,
La magique suture
Qui rapproche les deux bords
D’une plaie profonde,
L’art subtil qui unit
L’avers et le revers du temps.

Elle est, mes Amis,
La petite lumière d’une lampe vacillante
Au milieu de la dense obscurité de la nuit
Qui fait exister l’univers,
Cette réalité initiale qu’elle seule peut appréhender.

Elle est l’oreille
Qui entend fredonner les lauriers,
L’œil attentif qui voit les anges
Descendre sur les feuilles poussiéreuses
Enfermés dans les gouttes transparente de la pluie,
L’être qui comble le vide.

Elle est, mes Amis,
La face lumineuse d’une heure tardive
Qui se penche avec une douceur infinie
Sur les blessures d’une âme
Anéantie.

Athanase Vantchev de Thracy

Rueil-Malmaison, le 12 juillet 2008

Glose :

Ma : mot japonais qui désigne l’intervalle vide laissé entre deux objets ou encore la pause entre deux sons.

Wang Wei (vers 700-761) : poète, peintre, musicien, médecin et haut fonctionnaire chinois de la Dynastie Tang. La nature et le bouddhisme tiennent une place importante dans son œuvre. Il obtint son doctorat ès lettres en 713, l’année même où Xuan Zong a venait d’hériter du pouvoir souverain. Il était recherché par l’empereur, protecteur éclairé des lettres, et par An Lushan, ce Tartare qui demandait quel animal c’était qu’un poète et à quel usage il pouvait servir.

Akalepton (n.m.) : du grec akatalêpton / ’ακαταληπτόν. Mot cher à saint Jean Chrysostome qui exprime sa complexe définition du vrai savoir qui consiste à voir l’invisible et l’incompréhensible Dieu, c’est-à-dire voir ce qui ne peut pas être vu (to idein en tô mê idein).

Vide (n.m.) : en philosophie la notion de vide est intimement lié à la notion être. Le vide est considéré comme l’absence d’être. Le concept d’être désigne en général ce que nous ressentons exister d’une manière ou d’une autre dans la perception, qu’elle soit sensible ou intelligible. L’étude de l’être est appelée ontologie ou métaphysique. On peut analyser l’être par différentes méthodes en suivant des distinctions classiques (voir Parménide, Aristote, saint Thomas d’Aquin, Pascal, Descartes, Kant, Heidegger, etc.).

Le vide est-il une entité en soi ou tout simplement une absence. Parménide affirmait : « l’être est, le non-être n’est pas ». Le vide pour ce philosophe grec était un non-être, et n’existait pas. Leucippe et Démocrite exaltaient l’existence du vide et en firent avec l’atome le principe de toute chose. Le vide, lieu dépourvu de matière, a donc reçu une certaine forme d'être et devint le doublet indispensable et inséparable de l'être.

La découverte, ou plutôt l'admission du vide dans la nature est une étape décisive de l'histoire des sciences, la polémique autour de sa définition agita fortement les milieux savants durant la révolution scientifique du XVIIe siècle.

Lorsqu'un Européen voit un verre, il voit d'abord la matière, sa forme ; un taoïste y verrait d'abord le vide qui le rend utile, qui permet d'être rempli.

Le vide taoïste est conçu comme un potentiel, quelque chose qui attend d'être rempli, et par extension d'être réalisé : c'est l'esprit vide de pensée dans lequel peuvent naître les idées, c'est le blanc de la feuille qui attend d'être dessiné. Dans le bouddhisme, le vide désigne l'absence de nature propre de toute chose, la vacuité.

vendredi 11 juillet 2008

Why I Need Wisterias

My friend, the greatest English poet Norton Hodges translated my poem "J'ai besoin de glycine":


Why I Need Wisterias

for Orlando I know

Your love is so modest and restrained
it must be written in invisible ink
in the silent pages of your letter!

To find any tender words
I'll have to risk a fire
by bringing my heart closer to the page.

I have to find ways,
despite the paper's creased look,
its confusion and anxiety,
to make it spill out
the precious shining confession
of your love!

I have to be like the gentle wind
of night which brings the gift
of its unease
to the small flickering lamps of the fireflies.

I have to weigh as little as eternity
when it dictates its poem to the morning.

My friend,

To read your words I need
roses in whose fragrance
float the houses of this city!

I need wisterias to keep hold
of your life in my hand!

translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges 11.07.08.

RHABDOMANCIE

RHABDOMANCIE
(Incantation)


Fulvia,
Ne parle plus ! Ne bouge plus !
Non, je te l’ai déjà dit, ma tante,
Et répéter quarante fois
Quarante mille fois !
Je ne veux pas dans ma maison
De goétie !

Cette nuit,
Je vais interroger les cendres des morts,
Je ferai des herbes folles
Qui poussent sur leurs tombes
Un philtre thuléen !

Je voudrais, ma vieille Fulvia,
Retrouver un peu de l’ardente ivresse
De mes ancêtres
Qui dorment sous mes pieds papuleux,

Comme eux, ma tante,
Je veux boire la lune dans des tavernes,
Remplir mes mains calleuses d’étoiles tombées
Au bord des routes !

Je veux écouter, la poitrine brûlante
Comme un volcan,
La musique qui sourde
Des milliaires
Par miracle
Ou par l’improvisation
D’un oiseau d’augure.

Je veux purger ma chair dévorée par le feu,
Chasser de mon sang bouillonnant
L’acide de la colère rugueuse,
La fureur
Teintée de la sueur des esclaves!

Je veux, Fulvie, je veux ardemment
Trouver la source de l’amour,
La source qui coulait jadis dans la cour
De cette demeure !

Je la désire, ma tante,
Je l’appelle de mes vœux
Cette source !

Garde le silence, ne gigote pas,
Ma tante !

Je vais, de mes doigts peints de garance,
Arracher, morceau par morceau
La tunique de la fatalité !
Cette robe ample que moi-même ai cousue
De fils d’araignée.

J’ai envoyé hier
Mes chiens déterrer des mandragores
Qui poussent un cri affreux
Quand on les arrache à la terre !

Fulvia, ma vieille tante,
Souffle la flammèche de la bougie
Et que la magie
Commence !

Fuyez, races de vipères,
Hydre à l’haleine infecte !


Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 11 juillet 2008

Glose :

Rhabdomancie (n.f.) : du grec rhabdos, « baguette », et manteia, « divination ». Mode de divination à l’aide de baguettes de coudrier. Arts de déceler les sources, trésor, mines.

Goétie (n.f.) : du grec goêteia, « sorcellerie ». Dans l’Antiquité, magie incantatoire par laquelle on invoquait les esprits malfaisants. La magie noire n'est autre que l'ensemble des actions occultes faisant intervenir des forces destructrices, quelle que soit l'ampleur des ces forces, ou leur potentiel de destruction. Dans ce contexte prend place la goétie qui rassemble toutes pratiques tendant à évoquer une entité démoniaque. Il est à noter que ces forces peuvent être utilisées à des fins positives sans causer quelque souffrance à qui ou à quoi que ce soit (humains, animaux, végétaux, même minéraux, et bien sûr à toutes les entités peuplant les plans invisibles). Evidemment, cet exemple de magie noire positive n'existe pour ainsi dire qu'en théorie, mais elle existe.

Thuléen, thuléenne (adj.) : de Thulé, en grec Θούλη / Thoùle est le nom donné par le navigateur grec Pythéas à une île atteinte entre 330 et 320 av. J.-C. qu'il présente comme la dernière de l'archipel britannique et la limite septentrionale de son périple. Il s'agirait vraisemblablement de l'Islande, peut-être des îles Féroé, du Groenland ou du nord de la Norvège.

Pythéas indique, d'après Strabon, Géographie, I, 4, avoir atteint Thulé après six jours de navigation depuis les îles Shetland. Il la décrit, à des latitudes proches du cercle polaire, comme une île habitée où l'on pratique la culture du blé et l'élevage des abeilles. Les nuits d'été ne dureraient que deux à trois heures. Après une journée de navigation vers le nord, il prétend avoir atteint la banquise.

Le terme de Thule figure notamment dans L’Enéide du poète romain Virgile. Chez les Romains, Extrema Thule désigne la limite septentrionale du monde connu. Ptolémée le situe au 63° N de latitude dans son ouvrage Géographie. Durant l'époque médiévale, Ultima Thule est parfois utilisé comme le nom latin du Groenland alors que Thule désigne l'Islande.

Au XXe siècle, les mouvements pangermanistes (Société Thulé) et l’extrême droite, dont l'écrivain français Jean Mabire, associent Thulé au mythique continent d’Hyperborée qu'ils considèrent comme le « berceau » de la race aryenne.

Papuleux, papuleuse (adj.) : de papule, du latin papula, variante de papilla. Lésion élémentaire de la peau, caractérisée par une petite saillie ferme, de couleur rouge, rose ou brune, ne laissant pas de cicatrice.

Milliaire (n.m.) : dans la Rome antique, les bornes milliaires étaient disposées tous les milles romains, soit environ tous les 1 460 mètres sur le tracé des principales voies romaines d’Italie.

Race de vipère… : Enéide, VII, 25.

mercredi 9 juillet 2008

VIVIDITE

VIVIDITÉ

A Jon-Marc De Sys

« La pensée ontologique apparaîtra finalement très inférieure à la pensée ontogénique, beaucoup moins capable de légitimer l’affirmation de l’être »

Charles Serrus,
Essai sur la signification de la logique

Les objets se réveillent, se lèvent, me regardent,
M’interrogent sur ma présence à eux,
Semblent contents de mes réponses émues
Et rient.

L’océan du calme est leur palais !
Ils ne s’intéressent pas
A la dense pesanteur des détails !

Qu’elle est grande leur compassion pour nous,
Eux qui savent que la mort pousse en nous
Comme les tiges de blé au printemps.

Mais ils aiment venir à nous,
Se pencher sur notre vaste solitude
Et boire un peu de fraîcheur
De la fontaine cachée de notre sang.

Les flots tumultueux de l’histoire
Où vainqueurs et vaincus
Défilent en rangs serrés,
Leur restent totalement indifférents.

Ce qu’ils aiment,
Ce qu’ils apprécient par-dessus tout,
C’est notre pure mémoire.

Ils tressaillent d’affection
Quand, appuyé contre le cœur de l’oubli,
Elle s’avance dans la nuit
Pour repousser le vide
Qui règne autour d’eux,
Autour du moi.

Un vide où un chant anonyme
Continue toujours à luire.

Et ils se prennent à rêver à ce temps unique,
A ce temps somptueux et insaisissable
Qui ne peut vivre
Qu’hors du temps !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 9 juillet 2008

Je dédie ce poème à mon jeune et magnifique ami américain Jon-Marc De Sys, acteur de cinéma, à lui qui parle si bien notre langue. Son admiration savante pour ma poésie est un immense réconfort pour moi qui vis reclus depuis des années dans une étanche solitude.

Glose :

Vividité (n.f.) : terme philosophique. Caractère des images, différent de leur intensité et consistant en ce qu’elles sont plus ou moins vivement présentées à la conscience.

Ontogénèse (n.f.) : développement de l’individu, tant mental que physique, depuis sa première forme embryonnaire jusqu’à l’état adulte, par opposition au développement de l’espèce (phylogénèse ou phylogénie)

Ontologie (n.f.) : partie de la philosophie qui spécule sur « l’être en tant qu’être ». Ce terme est nouveau ; quant à cette science même, elle existait déjà chez les scolastiques, avec la même définition : on appelait transcendentia ces déterminations communes à tous les êtres.

SALVADOR ALLENDE

« Stabant justi in magna constantia adversus eos
qui se angustiaverunt, et qui abstulerunt labores eorum »

(« Les justes s’élèveront avec une grande force contre ceux
qui les auront accablés d’afflictions,
et qui leur auront ravis les fruits de leurs travaux »)

Messe pour un martyr

I.

Oui, Salvador,
Les peuples ont soif flamboyante de justice
Pareils en cela aux herbes du désert
Qui réclament le poème divin de la pluie.

Ton nom nous revient et saigne
Comme une profonde blessure
Dans le cœur d’un ange égaré
Parmi la chorale viride des étoiles !

Chili est un chant
Dans chaque drapeau libre,
Dans chaque festive solennité,
Dans le temps hardi
Qui se promène, nu-pieds,
Sur les cimes enneigées
Des montagnes et des pins !

II.

Voix du fleuve humain qui grandit,
Qui gonfle et se tortille,
Qui triomphe et se précipite
Dans un furieux besoin d’amitié absolue,
De vagues d’eau dénudée, de mer génitrice!

Espoir tranchant comme le glaive d’un aigle
Ivre de songes ! Frère, tout est possible
Sous le vaste azur safre
De l’insondable ciel chilien !

III.

Tempêtes qui impriment leurs éclairs
Sur les bras des hommes purs,
Mains vibrantes consolant
Les demeures éventrées
Au milieu du furieux vacarme des armes !

Corps harnachés de cicatrices
Sous le hennissement sauvage de la lune,
Forêts où s’élabore le cristal de la vie !

Mais nulle part le vide !

IV.

Sur toutes les épaules laborieuses,
Sur tous les rails qui vont vers
Les palais où habite l’immortelle Liberté,
Sur toutes les grues des chantiers,
Brille, Salvator,
Une pépite d’or de ton nom !
Un rayon de ton regard amoureux
Irise
Jusqu’au vol ignivome des hirondelles !

Et simple,
Simple,
Simple comme le
Bourdonnement des abeilles
Est la vie !

V.

Là où les arbres jettent de l’ombre
Ils laissent leur âme frissonnante.
Eux, vigiles vigoureux de la terre,
Ils savent comme toi,
Que la mort des martyrs
Ennoblit !

Rappelez vous l’Homme qui est tombé pour vous,
Vous, cours sémillants des fleuves andins,
Heurtoirs des vieilles maisons
Qui cognent contre le feu des veines,
Guipures blanches des mots,Doigts à la tendresse qui coule
Abondante dans le poème !

Et vous printemps intempestifs,
Chutes enténébrées,
Calendriers semi solaires,
Retenez l’éternel
Dans la voix fugace des secondes !
Embrassez l’univers,
Soyez-en la parole qui
Divinise tout !

VI.

Je pense à toi ce soir, Frère,
Assis devant la vitre,
Les yeux fermés déjà à la vie,
A l’été,
Aux pépiement fiévreux des fauvettes !

Je pense à toi, Ami des hommes,
Marchant sur la route des saisons
Qui, bientôt,
Privée de direction,
Ne mènera qu’au silence.

Mais je sais, je confesse,
Frère des méprisés, des abandonnés,
Des piétinés,
Je publie
Que la mémoire
Aux innombrables ruelles et portiques
Mènent toujours
Aux choses du cœur !

VII.

Et toi, Chili des pivoines pourpres,
Chili des roses blanches,
Sigle royal du courage flamboyant,
Sceau des vignes à la grappe cuivrée,
Accueille dans tes bras
Le souvenir de ton Fils,
L’ultime effleurement du temps
Sur ses paupières closes !

N’oublie pas, pays lumineux,
Pays à l’impériale fierté,
N’oublie jamais que

Les justes s’élèveront avec une grande force contre ceux qui les auront accablés d’afflictions, et qui leur auront ravis les fruits de leurs travaux !


Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 9 juillet 2008

Glose :

Salvador Allende (]26 juin 1908 - 11 septembre 1973) a été président du Chili du 3 novembre 1970 au 11 septembre 1973. Il n'a pas pu terminer son mandat présidentiel, qui devait durer jusqu'en 1976. Le coup d'État du 11 septembre 1973 renversa son gouvernement et mit en place une dictature militaire. Le défenseur des opprimés et des abandonnés, le Fils glorieux du Chili, se vit obligé de se suicider durant les bombardements aériens sur le palais présidentiel de la Moneda.

Viride (adj.): du latin viridis, « vert ». Couleur qui tire sur le vert, assez sombre.

Géniteur (n.m.), Génitrice (n.f.): du latin genitor, « père », genitrix, « mère ». Personne qui a engendré quelqu’un. Nos géniteurs, « nos parents ».

Safre (n.m.): peut-être une variante du terme « saphir ». Oxyde bleu de cobalt. Verre bleu coloré avec ce produit et imitant le saphir. Azur, smalt.

Ignivome (adj.): qui vomit, qui crache du feu. Se dit des volcans.

Fauvette (n.f.) : du bas latin falvus, « fauve ». Petit oiseau (Passériformes) à plumage parfois fauve, au chant agréable. Fauvette des marais, des roseaux : phragmite, rousserolle. Fauvette des jardins : passerinette.

mardi 8 juillet 2008

UN LIEU ABSOLU

A Joseph De Courtivron

« Parfois les pas du temps
S’arrêtent et le silence alors
S’installe… »

Zoé Karelli

Mais qu’est-ce donc qui nous fait pleurer la nuit
Devant une vielle photographie ?
Que payons-nous de nos âmes, de nos paupières,
Assis en face des racines du ciel ?
Un rêve tendre
Dans un autre rêve merveilleux évanoui ?

Nous qui savons que nous ne partons jamais
Tout en nous éloignant chaque jour de nous-mêmes,
Nous qui restons immortels
Tant que notre cœur reste aussi impalpable que le parfum
Des jacinthes posées sur la vieille commode,
Tant que notre âme habite
La chambre secrète de l’amour.

Mais qu’est-ce qui donc nous fait vibrer
A l’approche d’une voix adorée ?
Est-ce l’imprévisible scintillement
De son étrange destin,
Ou le rayonnement somptueux de sa joie ?

Ami,

Si loin demeure tout secret,
Si lointains sont en réalité
Les choses évidentes de la nature
Pour nous qui cherchons
La mesure juste, la clarté pure,
La beauté absolue d’un lieu immédiat !

La Beauté à laquelle tout être demeure
Divinement dévoué,
Car son essence,
Ami,
C’est la vie fébrile, la vie palpitante elle-même,
C’est l’air, l’eau, la lumière,
Le mortel, le dur, le périssable,
Touchés par la grâce
D’une parole axiale !

C’est l’immortel, l’éternel et le vrai,
Mon Ami,
C’est enfin l’infini
Dans sa plus libre substance !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 8 juillet, Anno Domini MMVIII

Glose :

Zoé Karelli (1901-1998) : poétesse grecque, issue d’une grande famille de Salonique. Ses poèmes, partagés entre l’élan de la sensualité et l’inquiétude religieuse, sont le journal intime d’une âme, un long questionnement, où les vivants semblent parfois moins vivants que les morts. Elle est l’auteur de 12 recueils de poésies. Zoé Karelli a également écrit des essais, dont un sur Claudel et un autre sur Beckett.

dimanche 6 juillet 2008

LA DEMEURE INTIME

LA DEMEURE INTIME

A Reda Mesbah

« Comme si mon œil a rencontré le sien »

Ahmed Shawki,
Majnun Laïla

Tu t’avanceras habillé du chant suave des cigales,
Le cœur fleuri de jasmin et l’âme peuplée
De myriades de jeunes étoiles.

Précautionneux, souriant et léger
Comme si tu tenais dans tes mains
Une coupe précieuse de cristal.

La tendre brise nocturne
Insufflera de la vie à la flamme du cierge
Allumée sur la table dressée.

Tu rempliras la chambre
De ces chauds instants
Qui donnent à la tristesse
Cette étrange saveur
De bonheur inconnu.

Là, où la vie t’a placé,
Là où le destin l’ordonne,
Tu accompliras le geste de la divine
Amitié !

Et les heures saisies de tendresse
Passeront une à une
De toi à moi !

Tes paroles délicates feront tanguer les sons et le sens
Pour révéler à mes doigts
L’impalpable univers de la joie !

Ici sera le centre du monde,
L’axe céleste de la Création
Où l’explosion du désespoir
Sera impossible !

Et l’air voguant entre nous sera ce pont invisible
Qui relie dans une rencontre festive
Les deux rives
De nos lointaines existences !

Ah, mon Ami,
Tout ce royaume sera caché dans les signes !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 6 juillet 2008

Glose :

Reda : prénom arabe qui, comma sa variante Redwan ou Redouane, évoque le plaisir de vivre et la paix du cœur. C'est, dans la tradition musulmane, le nom de l'un des anges qui accueillent les croyants au paradis qu'Allah leur réserve.

Ahmed Chawki ou Ahmad Shawqi (1932-1868): un des plus grands poètes et dramaturges arabes du XXe siècle. Chawki est considéré comme le brillant pionnier de la littérature arabe moderne. Il a composé une poésie d’une grande beauté, largement regardée comme la plus importante du mouvement littéraire arabe du XXe siècle.

Né au Caire, Ahmed Chawqi grandit dans un environnement cosmopolite et privilégié: sa famille, d'origine kurde et tcherkesse (circacienne) par son père, turque et grecque par sa mère, était influente et en excellentes relations avec la cour du Khédive (vice-roi) d'Égypte. Après avoir réussi son baccalauréat, il fit des études juridiques. Ahmed Chawqi se vit alors offrir un emploi à la cour du Khédive Abbas II d'Égypte. Il y travailla un an, puis fut envoyé poursuivre ses études de droit durant trois ans en France, d'abord à l'université de Montpellier puis à celle de Paris. Pendant son séjour en France, les œuvres des dramaturges français, en premier lieu Molière et Racine, l'influencèrent fortement, de même que les fables de La Fontaine, ce qui se ressentira dans bon nombre de ces oeuvres. Il obtint un diplôme d'études juridiques le 18 juillet 1893 et rentra en Égypte en 1894. Chawqi fut une personnalité culturelle influente jusqu'en 1914, lorsque les Britanniques l'exilèrent en Andalousie. Ahmed Chawqi y resta jusqu'en 1920, date de son second retour en Égypte. En 1927, ses pairs le « couronnèrent » Amir al Choâra' (أمير الشعراء ), littéralement « Prince des Poètes » en reconnaissance de son apport immense à la littérature arabe.

Tcherkesses ou Circassiens ou encore Kabardes : peuple du nord-ouest du Caucase, installé dès le VIe siècle en Circassie et aujourd'hui divisé en plusieurs groupes dispersés à l'intérieur de la fédération de Russie. Les Adygués ou Adyghéens ou Tcherkesses occidentaux forment la République des Adygués ; les Tcherkesses proprement dits occupent la République des Karatchaïs-Tcherkesses, dans la moyenne vallée du Kouban.
Les Kabardes ou Tcherkesses orientaux, habitants de la république de Kabardino-Balkarie, sont sur le versant nord du grand Caucase. Tardivement islamisés entre le XVIe et le XVIIIe siècle, les Tcherkesses soutinrent activement l'imam Chamil dans sa longue résistance à la conquête Russe (1834-1859) et, vaincus, émigrèrent en masse dans l'empire Ottoman. D'importantes colonies de leurs descendants habitent aujourd'hui en Turquie, en Jordanie et en Syrie et en Palestine.

samedi 5 juillet 2008

J'AI BESOIN DE GLYCINES

A Orlando

Je sais,
Ton amour pudique est inscrit
Avec de l’encre sympathique
Sur les pages silencieuses
De cette lettre!

Pour lire les mots de tendresse,
Il me faut rapprocher
La flamme de mon cœur
De la feuille,

Il me faut faire jaillir du papier
Froissé, confus, anxieux,
La précieuse clarté
D’un aveu !

Etre le vent léger de la nuit
Qui fait don de son inquiétude
Aux petites lampes vacillantes
Des lucioles.

Etre la pesanteur légère
De l’éternité
Qui dicte au matin
Son poème !

Ami,
Pour lire tes mots
J’ai besoin de roses
Qui font flotter dans leur parfum
Les maisons de la ville !

J’ai besoin de glycines
Pour retenir ta vie
Dans ma main !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 5 juillet 2008

Glose :

Orlando : prénom. Une variante du prénom Roland. Il figure dans plusieurs ouvrages :

Orlando innamorato (Roland amoureux), poème de Matteo Maria Boiarde, publié en 1494.

L’épopée lyrique Orlando furioso (Roland furieux) de Ludovico Ariosto (Arioste), publié en 1516, suite de l’œuvre de Matteo Maria Boiardo.

L’opéra Orlando finto pazzo, créé en 1774 et Orlando furioso en 1727 par Antonio Vivaldi.

4. L’opéra Orland, créé en 1733 par Georg Friedrich Haendel, variation sur l’œuvre d’Arioste.

5. Le roman Orlando de Virginia Woolf, publié en 1928 traitant entre autres thèmes de l’immortalité.

6. Le film Orlando de Sally Potter, réalisé en 1992, d’après le roman éponyme de Virginia Woolf, avec Tilda Swinton, Charlotte Valandrey, Billy Zan et Jimmy Somerville.

Il faut mentionner la ville d’Orlando en Floride.

Rolan ou Rolland : prénom formé de deux substantifs germaniques hrod, « la gloire », et nand, « le courage ».

Ce prénom de guerrier valeureux fut très tôt illustré par le neveu de Charlemagne, qui devint ensuite le héros d'une célèbre chanson de geste. Il se répandit dans toute l'Europe dès le VIIIe siècle et, contrairement à un grand nombre de prénoms médiévaux, continua assez régulièrement sa carrière jusqu'à nos jours. En France, il a connu une longue période de succès au XXe siècle jusque dans les années 1960 mais n'a jamais atteint le palmarès des prénoms masculins. Depuis il s'est fait assez discret. Saint Roland (Orlando, en italien), né à Milan en 1330 dans une noble famille, quitta le monde à 30 ans et vécut en ermite, près de Borgo San Domino, dans les Pouilles. Vêtu de feuilles, nourri d'herbes et de fruits sauvages, on le voyait passer des journées entières en extase. Pas un son ne sortit jamais de sa bouche. Il serait mort, en 1386, d'avoir accepté de manger une soupe apportée par un prêtre du voisinage.

AMPLE ET TENDRE LUEUR

A Tom de Maistre

« Not till the fire is dying in the grate
Look we for any kinship with the stars.”

(“Il faut attendre que le feu meure dans l’âtre
Pour que nous cherchions notre parenté avec les étoiles. »)

Gorge Meredith

Pluie aérienne,
Rosée mystérieuse
Venue des prairies du ciel
Jusqu’aux feuilles assoiffées
Des arbres !

Pluie qui rend léger l’air
Sur la face indécise de l’été,
Qui invite l’invasion des couleurs
Et repousse avec une courtoisie indicible
Les limites fatiguées
De ce jour de juillet.

Un mot d’ami
Arrivé ce matin
Chante dans le cœur
A l’unisson avec les cœurs scintillants
Des gouttelettes !

Sur la table silencieuse,
L’ample et tendre lueur
Du livre fascinant de Joseph de Maistre,
Et cette divine nostalgie platonicienne
Qui flotte avec une cérémonieuse insistance

D’âme en âme !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, ce samedi 5 juillet, Anno Domini MMVIII

Glose :

George Meredith (1828-1909) : poète, écrivain et journaliste anglais.

Fils unique d'un tailleur de la marine, il devient orphelin de mère à l'âge de 5 ans. Il poursuit ses études secondaires (1842-1844) en Allemagne. Il commence à écrire dès lors qu'il est employé chez un avocat de Londres et se marie en 1849 avec la fille de l'écrivain satirique Thomas Love Peacock, Mary Ellen Nicholls, veuve de sept ans son aînée. Dans les années 1850, il publie des vers qui le font connaître.L'infidélité de sa femme avec le peintre Henry Walis en 1857 est à l'origine de son premier grand roman, L'Épreuve de Richard Feverel (1859). Suit en 1860 Evan Harrington évoquant son adolescence.

La même année, il devient lecteur chez l'éditeur Chapman and Hall tandis qu'il tient une chronique politique dans le Ipswich Journal. Un an après, en 1861, sa femme meurt, ce qui lui donne l'occasion de revenir sur ses amours trahies dans un recueil de poèmes intitulé L'Amour Moderne (1862). Il se remarie en 1864 avec Marie Vulliamy, mariage heureux cette fois-ci. La même année, il publie Sandra Belloni (d'abord titré Émilia en Angleterre) et, en 1865, Rhoda Fleming. En 1866, il part en Italie comme correspondant de guerre, envoyé par The Morning Post.

À son retour en 1868, il s'installe définitivement dans le Surrey, à Box Hill, où il écrit de nombreux poèmes et rédige ses œuvres les plus importantes :

Le livre fascinant : il s’agit de son ouvrage Les Soirées de St-Petersbourg ou Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence (1821)
.
Joseph de Maistre (1753-1821) : philosophe, écrivain et homme politique français.

À la naissance de Joseph de Maistre, sa famille, d'origine française, était installée en Savoie depuis un siècle environ. Son père était président du Sénat savoisien. Aîné de dix enfants, Joseph étudie chez les Jésuites, qui lui inspirent un profond attachement à la religion et le rejet du rationalisme philosophique.En 1774, il entre dans la magistrature ; il est nommé sénateur en 1788, à l'âge de trente-cinq ans. Lorsque survient la Révolution française, Joseph de Maistre, qui se trouve à Paris, semble partager l'émotion et l'enthousiasme qui en découlent. Ces réactions changent toutefois très vite, lorsqu'il prend conscience d'une certaine irréversibilité du processus révolutionnaire, et de l'impossibilité de rétablir l’Ancien Régime tel qu'il était avant la Révolution.

Il doit alors fuir la Savoie, s'installant à Aoste. En 1973, il est toutefois obligé de revenir en Savoie : il risque en effet, en tant qu'émigré, de se faire confisquer tous ses biens. Il rejoint ensuite Lausanne, où il reste quatre ans et remplit diverses missions pour le compte du roi de Sardaigne. Fin 1798, la famille de Maistre vit une émigration difficile à Venise, y résidant un an. En 1799, le roi Charles-Emmanuel IV de Sardaigne ordonne à Joseph de Maistre de rejoindre l'île de Sardaigne, lui attribuant le poste de régent de la Chancellerie. Il sera envoyé trois ans plus tard comme ambassadeur plénipotentiaire à Saint-Pétersbourg.

Joseph de Maistre était membre de la loge maçonnique Saint-Jean des Trois Mortiers, à l'Orient de Chambéry, créée en 1749 sous les auspices de la Grande Loge d'Angleterre ; c'est une des premières loges maçonniques créées en Europe continentale (après Paris). Dès1774, avec quelques frères de Chambéry avec lesquelles il fonde quatre ans plus tard, en 1778, une nouvelle Loge, « La Sincérité », il s'adresse à Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) à Lyon pour être initié aux enseignements de la maçonnerie illuministe (il est reçu Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte sous le nom de Josephus a Floribus) dans laquelle il puise de nombreux éléments que l'on retrouve ensuite dans son œuvre : providentialisme, prophétisme, réversibilité des peines, etc.; hautement investi dans la vie de cette société initiatique, à la veille du Convent de Wilhelmsbad (1782) il fait d'ailleurs parvenir à Jean-Baptiste Willermoz son célèbre Mémoire au duc de Brunswick. Il entretient par ailleurs une amitié avec Louis-Claude de Saint-Martin, pour lequel il avait une vive admiration, ce faisant fort, écrivait-il à sa soeur, « de défendre en tous points l'orthodoxie », d'où son attrait pour le martinisme. Son frère Xavier de Maistre fut également écrivain.