mardi 28 août 2012

SOURCES LIMPIDES QUI COULEZ SUR NOS VISAGES (français et anglais)

SOURCES LIMPIDES QUI COULEZ SUR NOS VISAGES


À Norton Hodges

Maintenant, tu connais le bonheur !
Tu tiens dans ta main généreuse la fleur,
La vraie, la pure, la réelle !

Et voici qu’enfin ton cœur est plein
De brises, de vagues rapides et de mouettes !

Appuie ta tête contre le chant du monde
Et ne rêve plus,
Car dans ta poitrine a grandi,
Don des fées,
L’Arbre de vie
Où vivent, légères et libres et étincelantes de joie,
Les alouettes de ton enfance lointaine !

Et, immortels à jamais,
Habitent en toi,
Avec toute leur intensité aurifère,
Des contes immémoriaux
Auxquels ton sang a donné vie et beauté !

Ami,
Laisse les zéphyrs se marier à ton chant!

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 10 août 2012

Glose :

Aurifère (adj.) : du latin aurifer. Qui porte, qui contient de l’or.

ENGLISH :

You, Clear Springs, Running Across Our Faces

For Norton Hodges

Now you know happiness!
In your generous hand you hold
The true, the pure, the real flower!

And now at last your heart is full
Of breezes, swift flowing waves and seagulls!

Rest your head against the world’s song
And dream no more,
For in your breast has grown,
That fairy gift,
The Tree of Life
Where, light and free and sparkling with joy,
Live the skylarks of your distant childhood!

And, for ever immortal,
There live in you,
With all their golden intensity,
The immemorial tales
To which your blood has given life and beauty!

My Friend,
Marry the west winds with your song! 

Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges

mercredi 22 août 2012

OLAF BULL


OLAF BULL


Il est ! Il avance dans l’épais de l’été
Sous les pins qui touchent le ciel
Et font tomber l’azur sur les sentiers
Recouverts d’herbe vives.

Il est déjà à son soir,
Instruit de mille milliers de poésies,
L’âme partagée entre vacuité
Et illumination.

Et sa langue de poète des neiges bleues
Mord, chante, palpite, vit, transperce.

Son visage est beau
Comme des vignobles de France
Et transparent
Comme la simplicité des Sauveurs.
Ô monde, monde toujours un,
Toujours le même,
Lueurs de perfection,
Récit écrit à la pointe sèche !

L’air autour de sa tombe
Est léger et doux
Comme une prunelle.

Olaf Bull,
Dors en paix, Olaf Bull,
Âme fjordique de Norvège,
Âme de lys,
Pèlerin astral,
Poète sans limites !

Ô mon cœur,
Garde le nom d’Olaf Bull
Sure tes tablettes secrètes
De ton amoureuse mémoire   !

            Athanase Vantchev de Thracy

Glose :

Olaf Jacob Martin Luther Breda Bull (1à novembre 1883 à Kristiania / maintenant Oslo/ - ibidem 29 juin1933) : poète norvégien. Ses parents étaient l’écrivain Jacob Breda Bull et sa seconde épouse Maria Augusta Berglöf. Bull a grandi à Kristiania. Il a commencé ses études secondaires en 1899, et, la même année, il a publié son premier poème dans le journal de l'école. Après avoir terminé le lycée, il a vécu avec sa famille à Rome avant de rentrer à Kristiania en 1903 pour commencer ses études à l'université. Olaf Bull est considéré comme un esprit universel, car en plus de la littérature à la fois moderne et classique, il a maîtrisé la philosophie, l'histoire, la politique, l'art et la science. Il était connu comme le «Poète d’Oslo » Il a également vécu pendant de longues périodes, tant en France où son fils, le poète Jan Bull, est né, qu’en Italie.

Olaf Bull est enterré à Vår Frelsers gravlund à Oslo.
La pointe sèche est à la fois un outil et le terme désignant un procédé de gravure en taille-douce. La pointe sèche est un outil pointu en acier dont l’extrémité sert à graver des traits variés dans le métal. L'affûtage peut être en aiguille ou à facettes. L'outil se manie comme un crayon. Les tailles vont varier avec la grosseur des pointes. Si l'on veut obtenir des traits fins et minutieux une pointe en diamant est conseillée.


Fjordique (adj.) : de fjord ou fiord, « vallée glaciaire très profonde, habituellement étroite et aux côtes escarpées, se prolongeant en dessous du niveau de la mer et remplie d'eau « mélangée » (eau de mer et eau douce). On appelle souvent la Norvège le « pays des fjords », car ils y sont extrêmement nombreux et spectaculaires. Le plus long d'entre eux est le Sognefjord. Également très connu des touristes est le Geirangerfjord. L'eau de surface des fjords est très peu salée : elle est en grande partie issue de torrents et de la fonte des neiges.

mardi 21 août 2012

CARLOS OQUENDO DE AMAT (en français et en espagnol)


CARLOS OQUENDO DE AMAT

« Oquendo, tan pálido, tan triste,
tan débil, que hasta el peso
de una flor te rendía. »

(« Oquendo, si pâle, si triste,
si faible qu’il ne pèse
Que le poids d’une fleur »)

            Enrique Peña Barrenechea

Carlos des anémones,
Carlos des ailes d’une libellule,
Carlos, Ami aimé,
Plus léger qu’une plume de frêle canari !

Carlos !
Cet excès de soie de la peau,
Cette palpitation haletante de la mort
Dans les pupilles de l’adolescent
Qui voient tout du dedans,
Qui mesurent avec le compas de l’amour
Les floraisons des années !

Pérou,
Défends son corps de jeune narcisse
De l’extase violente des montagnes,
Protège-le,
Ô Pérou,
Des délires lyriques,
Des silences vertigineux des océans
Et des éclairs qui ravagent ses tréfonds !

Carlos,
Chevalier de lumière
Chevauchant sur l’étalon étincelant de l’azur !
Te hâtes-tu de tremper tes lèvres d’albâtre
Dans la pourpre coupe des poèmes ?  

Carlos,
Buisson ardent,
Palmier astral
Aux fruits palpitants !

Tu chantes, mon petit prince péruvien,
Et la Création entière
N’est qu’une strophe
De pure lumière andine !

Les houles de larmes,
Les collines de solitude,
Les vents descendus des cimes bleues,
Les tempêtes rudes du cœur,
On fait de ton âme translucide
Le sourire des iris
Et l’impensable blancheur
Des mots et des roses !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 22 août 2012

Glose :

Carlos Augusto Luis Humberto Nicolás Oquendo Amat (Puno, Pérou, le 17 avril 1905 – Guadarrama, Espagne, le 6 mars 1936) : un des grands noms de la poésie péruvienne. Fils d’un médecin et journaliste espagnol émigré au Pérou. Il meurt de tuberculose en Espagne, âgé de 30 ans. Ce remarquable poète, membre du Parti Communiste du Pérou, ne laisse qu’un seul ouvrage : « 5 mètres de poèmes ».

Enrique Peña Barrenechea (1904-1988) : un des grands poètes péruviens.

ESPAGNOL :

¡Carlos de anémonas,
Carlos de alas de libélulas,
Carlos, amado amigo,
más ligero que una pluma de canario frágil!

¡Carlos!
¡Este exceso de seda y de piel,
esta palpitación jadeante de la muerte
en las pupilas del adolescente
que ven todo desde adentro,
que mide con el compás del amor
la floración de los años!

¡Perú,
protege su cuerpo de joven narciso
del éxtasis violento de las montañas,
protégelo,
Oh, Perú,
de los delirios líricos
de los vertiginosos silencios de los océanos
y de las centellas que asolan los abismos!

¡Carlos,
caballero de luz cabalgando sobre el caballo relumbrante del azur!
¿Te apenas tú de humedecer tus labios de albatros
en la copa púrpura de los poemas?

¡Carlos,
matorral ardiente,
palmera astral
de frutos palpitantes!

¡Cantas tú, mi princecillo peruano,
y la Creación entera
no es más que una sola estrofa
de purísima luz andina!

¡Los oleajes de lágrimas,
las colinas de soledad,
los vientos descendidos de cimas azules,
las rudas tempestades del corazón,
hicieron de tu alma translúcida
la sonrisa de los lirios
y la impensable blancura
de las palabras y las rosas!

Athanase Vanchev de Thracy

París, 20 de agosto de 2012

Traducido del francés al castellano por
Feliciano Mejía Hidalgo Rengifo y Olgado.
Glosa:
Carlos Augusto Luis Humberto Nicolás Oquendo Amat (Puno, Perú, 17 de abril de 1905 – Guadarrama, España, 6 de marzo de 1936) : uno de los más grandes nombres de la poesía peruana. Hijo de un médico y periodista español emigrado al Perú. Muere de tuberculosis en España a la edad de 30 años. Este remarcable poeta, militante del Partido Comunista del Perú, no deja sino una sola obra: “5 metros de poemas”.


lundi 20 août 2012

PEUT-ÊTRE AILLEURS



PEUT-ÊTRE AILLEURS

A Katarina Fristenson

Peut-être ailleurs
Les heures tissent et brodent
Des saisons plus claires,
Plus vertueuses,
Mieux loties de félicité gourmande.

Peut-être ailleurs
Le monde ignore
La musique des forêts,
Le silence des herbes sauvages
Et le désir de la poussière.

Mais il n’y a pas pour nous
D’autre ailleurs, d’autres réalités
Que cet ici que nous habitons
À côté des voluptueux craquements
Et des sibyllins chuchotis
De la vieille maison.

Nous qui vivons, taciturnes et distraits,
Au petit bonheur la chance.

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 21 août 2012

Glose :

Katarina Frostenson (née le 5 mars 1953 à Stockholm) : poète, dramaturge, essayiste. Membre de l’Académie suédoise depuis 1992, élue au fauteuil d'Artur Lundkvist. Katarina Frostenson est Chevalier de la Légion d'honneur. Dès ses premiers recueils, Katarina Frostenson renouvelle et marque la poésie de sa génération. Cherchant au plus profond du langage les racines et les ressorts du sens, elle accorde à l'articulation des sons, à la voix, une place fondamentale dans la production du texte. L'auteur s'éloigne des systèmes métaphoriques traditionnels pour appeler le lecteur à la confrontation avec le mot lui-même, son origine, sa naissance, parfois sa décomposition.
Egalement traductrice, on doit à Katarina Frostenson les versions françaises d'œuvres de Marguerite Duras, Emmanuel Bove, Georges Bataille, Bernard-Marie Koltès. Elle est mariée au photographe et écrivain français Jean-Claude Arnault avec qui elle a produit plusieurs ouvrages.

Au petit bonheur la chance : compter sur le hasard pour satisfaire une attente. Dans « bonheur », on trouve le mot désuet « heur » qui signifie « hasard » ou « chance ». Ajouter « petit » avant permet de conjurer le sort en se souhaitant « bonne chance », même si ce n'est qu'un petit peu. Le fait d'ajouter « chance » une seconde fois vient renforcer le souhait de départ.




dimanche 19 août 2012

JE LEVE MA COUPE


JE LÈVE MA COUPE

Je lève ma coupe en écoutant le concert des oiseaux,
La cloche de l’église sonne
Et annonce la venue du soir !

Je ne suis ni joyeux ni mélancolique,
Une grande paix règne dans mon âme
Et je rêve, placide, à un poème
Lumineux d’intelligence ! 

Les fleurs du jardin
Tournent leur luisante tête vers le ciel,
Le regardent, pleines de tendresse implorante
Et attendent avec une douloureuse impatience
La candide fraîcheur
De la nuit !

Lumière,
Va dire là-bas à tous ceux qui m’aiment
Que je suis vivant encore…

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 19 août, 2012

samedi 18 août 2012

SO MUCH SILENCE AROUND (en anglais)


ENGLISH :

So Much Silence Around

To Ali Prodrimja

Where do they go, the people I love
Dressed in red robes
At the height of the evening twilight?

Where do they lead, the coppery autumn wind,
The glorious voices of the blue tits?

All that remains here,
Filled with fresh sunlight,
Are the voluptuous clusters of grapes
And my happy childhood
When I sat by the window
Which opened onto infinity.

Tell me, Ali Prodrimja,
Tell me, solitary friend of rushing waters,
Brother of the mountains of Rugova,
Where do they take us, the mares of hurrying time,
The bodies that my hands
Have so long dressed
In light!

Translated from the French of Athanase Vantchev de Thracy by Norton Hodges
 August 2012

vendredi 17 août 2012

TANT DE SILENCE ALENTOURS



TANT DE SILENCE ALENTOURS

À Ali Prodrimja

Où vont les gens que j’aime
Vêtus de robes rouges
Dans le haut crépuscule du soir ?

Où mène-t-il, le vent cuivré de l’automne,
Les voix glorieuses des mésanges ?

Seuls restent ici,
Emplies de soleil frais,
Les voluptueuses grappes de raisin
Et mon enfance heureuse
Assise à la fenêtre
Ouverte sur l’infini.

Dis-moi, Ali Prodrimja,
Dis-moi, ami solitaire des ruisseaux,
Frère des montagnes de Rugova,
Où emmènent-elles, les cavales du temps pressé,
Les corps que mes mains
Ont si longtemps habillés
De lumière !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 18 août 2012

Glose :

Ali Prodrimja (1942-2012) : un des plus grands poètes de langue albanaise. Il est né à Kosovo et mort en France.

Rugova : chaîne de montagnes entièrement située à l’intérieur de Kosovo, longue de quelque 20 km.




jeudi 16 août 2012

ET FACTA EST LUX



Et facta est lux 


  À Catharina Regina von Greiffenberg


Illusion que le matin d’août
Verse dans la tasse de café !

Les mots tournent autour de moi
Avec la grâce d’une jeune envolée d’abeilles translucides.

Humer la succulente fraîcheur des arbres,
Rivaliser d’érudition jubilatoire
En compagnie de ce pays tissé de soleil
Est-ce l’unique façon pour moi
De ne pas devenir adulte ?

Comme tout est féeriquement calme  ici,
Pas la moindre tendre épaisseur de l’air,
Si ce n’est l’ombre délicate des acacias !

Me tenir droit, envelopper
De lumière fine chaque pensée,
Oublier tout ce que
L’habitude quotidienne
Déverse dans les traces amères de ma vie !

Rester innocent et pur
Comme la beauté de ce jour !
Faire mien le transparent bruissement de l’été,
Être moi-même la fulgurante géométrie
De l’éblouissement !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 16 août 2012

Glose :

Et facta est lux : expression latine qui signifie « Et la lumière fut ».

Catharina Regina von Greiffenberg (1633-1694) : l'une des plus importants poètes de langue allemande. Son travail, très personnel, est exprimé souvent sous la forme d'un monologue intérieur. Catharina Regina von Greiffenberg met l'accent sur la nature de la relation entre le croyant et Dieu. Sa poésie se caractérise par une fréquente utilisation de l'imagerie mystique et par son inventivité linguistique.

mercredi 15 août 2012

LUX UMBRA DEI


LUX UMBRA DEI

A Jan Erik Vold

« Erucravit cor meum verbum bonum »
(« De mon cœur a jailli une excellente parole »)

            In Vigile de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie

Ce vin joliment terreux
Qui mûrit dans les dolia
Enfouis sous terre !

Sensuel, gai, plein d’allant !

Ce vin voluptueux,
Éclatante coincidentia oppositorum,
Envoûtante Poésie qui renouvelle
Éternellement le monde !

Je t’aime,
Splendide Italie !
J’aime la concupiscence
De ton teroldego, immortel cépage des dieux,
Rubis liquide qui emplit
D’arômes
De fruit, de café, de chocolat amer et de terre
L’air délicieux de l’antique pays !

Les arbres vivants,
Parcourus de frissons perceptibles à peine,
Se penchent sur nos cœurs,
Sourient et essaient de rendre plus innocents
Les tranchants écueils
De nos discours.

Ah, qui des Anciens n’a pas pu mourir ?

Puis, nous nous taisons !
L’amitié nous rend nos éveils parfumés !

Nos corps sont saisis
D’une immense passion pour les choses simples !

Ô humble, ô modeste vertu,
Propre aux âmes bien nées !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 13 août 2012

Glose :

Lux umbra Dei : expression latine qui signifie « la lumière est l’ombre de Dieu ».

Vigile (n.f.) : terme synonyme de veillée. C'est aussi la veille d'une grande fête dans la religion chrétienne et l'office qui y est célébré :
Jan Erik Vold Jan Erik Vold (né en 1939) : poète, essayiste, traducteur et musicien norvégien. Depuis 1977, il vit à Stockholm. En 2000, il est fait docteur honoris causa de l’Université d’Oslo.
Dolium (pl. dolia) : vase de très grande taille, pouvant atteindre les 1 200 litres. Il servait de citerne à vin, à huile ou à stocker des céréales. Il était parfois enfoui comme grenier enterré. Une fois en place, les dolia ne pouvaient être déplacés : il fallait puiser dedans pour les vider.

Coincidentia oppositorum : littéralement « coïncidence des opposés ». On doit cette idée au grand penseur allemand, Nicolas de Cue (1401 - 1461). Lecteur assidu de Raymond Lulle,  il élabore une méthode intellectuelle pour essayer de penser l'Infini ou le Maximum : selon lui, en franchissant une certaine limite, la raison est obligée de changer de régime, en passant du principe de « non-contradiction » à celui de la « coïncidence des opposés ». Raymond Lulle (Ramon Llull en catalan, Raimundus ou Raymundus Lullus en latin)  - 1232-1315 : philosophe, poète, théologien, missionnaire, apologiste chrétien et romancier majorquin.

Teroldego (n.m.) : cépage bleu assez rare, essentiellement cultivé dans le Trentin, à une vingtaine de kilomètres du Lac de Garde. Bien que ce cépage ait été déjà connu dans l'Antiquité romaine, il ne s'est jamais vraiment répandu hors des frontières de sa région natale. Les rives pierreuses des rivières Noce et Adige et la plaine Campo Rotaliano et son sol de granite et d'ardoise sont en effet autant de facteurs idéaux à la croissance du teroldego. Il donne un des meilleurs vins rouges au monde.

Le Teroldego a des baies de grandeur moyenne, mais est toujours à l'origine de vins dont la couleur rouge (violette) est très profonde. Les styles de vin sont assez disparates, du vin plutôt vif sur le fruit (arômes typiques de mûres écrasées) aux tannins souples et mûrs au vin plus puissant où arômes de fruit, de café, de chocolat amer et de terre forment un tout bien équilibré.

LUX UMBRA DEI


LUX UMBRA DEI

A Jan Erik Vold

« Erucravit cor meum verbum bonum »
(« De mon cœur a jailli une excellente parole »)

            In Vigile de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie

Ce vin joliment terreux
Qui mûrit dans les dolia
Enfouis sous terre !

Sensuel, gai, plein d’allant !

Ce vin voluptueux,
Éclatante coincidentia oppositorum,
Envoûtante Poésie qui renouvelle
Éternellement le monde !

Je t’aime,
Splendide Italie !
J’aime la concupiscence
De ton teroldego, immortel cépage des dieux,
Rubis liquide qui emplit
D’arômes
De fruit, de café, de chocolat amer et de terre
L’air délicieux de l’antique pays !

Les arbres vivants,
Parcourus de frissons perceptibles à peine,
Se penchent sur nos cœurs,
Sourient et essaient de rendre plus innocents
Les tranchants écueils
De nos discours.

Ah, qui des Anciens n’a pas pu mourir ?

Puis, nous nous taisons !
L’amitié nous rend nos éveils parfumés !

Nos corps sont saisis
D’une immense passion pour les choses simples !

Ô humble, ô modeste vertu,
Propre aux âmes bien nées !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 13 août 2012

Glose :

Lux umbra Dei : expression latine qui signifie « la lumière est l’ombre de Dieu ».

Vigile (n.f.) : terme synonyme de veillée. C'est aussi la veille d'une grande fête dans la religion chrétienne et l'office qui y est célébré :
Jan Erik Vold Jan Erik Vold (né en 1939) : poète, essayiste, traducteur et musicien norvégien. Depuis 1977, il vit à Stockholm. En 2000, il est fait docteur honoris causa de l’Université d’Oslo.
Dolium (pl. dolia) : vase de très grande taille, pouvant atteindre les 1 200 litres. Il servait de citerne à vin, à huile ou à stocker des céréales. Il était parfois enfoui comme grenier enterré. Une fois en place, les dolia ne pouvaient être déplacés : il fallait puiser dedans pour les vider.

Coincidentia oppositorum : littéralement « coïncidence des opposés ». On doit cette idée au grand penseur allemand, Nicolas de Cue (1401 - 1461). Lecteur assidu de Raymond Lulle,  il élabore une méthode intellectuelle pour essayer de penser l'Infini ou le Maximum : selon lui, en franchissant une certaine limite, la raison est obligée de changer de régime, en passant du principe de « non-contradiction » à celui de la « coïncidence des opposés ». Raymond Lulle (Ramon Llull en catalan, Raimundus ou Raymundus Lullus en latin)  - 1232-1315 : philosophe, poète, théologien, missionnaire, apologiste chrétien et romancier majorquin.

Teroldego (n.m.) : cépage bleu assez rare, essentiellement cultivé dans le Trentin, à une vingtaine de kilomètres du Lac de Garde. Bien que ce cépage ait été déjà connu dans l'Antiquité romaine, il ne s'est jamais vraiment répandu hors des frontières de sa région natale. Les rives pierreuses des rivières Noce et Adige et la plaine Campo Rotaliano et son sol de granite et d'ardoise sont en effet autant de facteurs idéaux à la croissance du teroldego. Il donne un des meilleurs vins rouges au monde.

Le Teroldego a des baies de grandeur moyenne, mais est toujours à l'origine de vins dont la couleur rouge (violette) est très profonde. Les styles de vin sont assez disparates, du vin plutôt vif sur le fruit (arômes typiques de mûres écrasées) aux tannins souples et mûrs au vin plus puissant où arômes de fruit, de café, de chocolat amer et de terre forment un tout bien équilibré.

dimanche 12 août 2012

VERBUM DIMISSUM



VERBUM DIMISSUM

A Gilles Baschet

Pourvu que l’été n’ait pas fin,
Que vertes, très vertes soient
Longtemps
Les herbes des prairies.

Comme il me plaît
Ce vent suave
Qui fait fraîchir le crépuscule.

Comme la soie des fleurs
Brochée de petites gouttes d’or
Me rend la mémoire
Des scaldes scandinaves :

Auðunn illskælda, Fleinn Hjörsson,
Thjodolf des Hvinir,
Jorunn Skalmaer,
Snorri Sturluson

Je pense à ces grands poètes et,
Saisi d’une joie claire,
Je confie mes mots
Aux poèmes des rivières bleues.

Quelle aisance,
Quelle souplesse
Du cœur qui aime !

Âme, appuie ton émotion
Sur la proue du bateau
Et oublie
Le passé !...

            Athanase Vantchev de Thracy

Glose :

Verbum dimissum : expression latine qui signifie « la parole délaissée ».

Scalde (n.m.) : poète scandinave du Moyen Âge, essentiellement du IXe au XIIIe siècle.
Auðunn illskælda est un scalde norvégien du IXe siècle. Le Skáldatal le cite parmi les poètes de cour du roi de Norvège Haraldr hárfagri. Skáldatal : catalogue des poètes nordiques, datant du XIIIe siècle.
Fleinn Hjörsson est un scalde norvégien du IXe siècle. D'après le Landnamabok, il est originaire de Jösureið, une île située près de Borgund, dans le Møre. Il séjourna auprès de Þórolfr Herjólfsson hornabrjótr (« casseur de cornes ») et de son frère Óláfr, qui étaient rois dans les Upplönd. Il se rendit ensuite au Danemark, où il entra au service du roi Eysteinn, qui apprécia tant sa poésie qu'il lui donna sa fille en mariage. Le Landnámabók (« le livre de la colonisation » est un manuscrit décrivant de manière très détaillée la colonisation (landnám) de l’Islande par les Scandinaves au IXe et Xe siècles.
Thjódólf des Hvínir (Þjóðólfr ór Hvíni en vieux norois) est un scalde norvégien qui vécut à la fin du IXe et au début du Xe siècle. Il est l'auteur de l’Ynglingatal et de la Haustlöng, deux des plus anciennes sources de la mythologie nordique.
Jórunn skáldmær (« la jeune fille scalde » en vieux norois) est une scalde norvégienne qui composa dans la première moitié du Xe siècle.  Son Sendibítr (« Message mordant »), qui évoque un conflit entre le roi de Norvège Harald à la Belle Chevelure et son fils Halfdan III de Vestfold, est le plus long poème scaldique composé par une femme qui nous soit parvenu.

Snorri Sturluson (1179-1241) est un homme politique, diplomate, historien et poète islandais. Il est le principal écrivain scandinave du Moyen Âge. Auteur de nombreuses sagas et de récits mythologiques, son œuvre constitue une source irremplaçable pour la connaissance de la mythologie nordique.

vendredi 10 août 2012

L'HEURE VENUE


L’HEURE VENUE


«  Bienheureux est celuy, qui loing de la cité
Vit librement aux champs dans son propre heritage,
Et qui conduyt en paix le train de son mesnage,
Sans rechercher plus loing autre felicité ».

            Olivier de Magny

L’heure venue,
Frapper à la porte de l’été,
Ouvrir le livre de la rivière fraîche
Et lire les poèmes de son eau scintillante.

M’asseoir simplement sur la rive
Et respirer les rimes sonores des renoncules.

Puis plonger dans la claire lumière
De tes yeux
Où campe le ciel étincelant de juillet,
Prendre entre mes doigts tous tes rêves.

Être le silencieux oiseleur de tes pensées,
Les saisir dans les filets de mon chant taciturne
Et lire dans les lignes qui sillonnent
Les paumes de tes mains nacrées
Les édits du temps, ciselés
Sur les pages de velours
De chaque jours.

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 9 août 2012

Glose :
Olivier de Magny (1529-1561 : poète français. Né dans une famille bourgeoise de Cahors, Olivier de Magny fait ses premières études dans sa ville natale avant de se rendre à Paris en 1547. Il y attire l'attention de Hugues Salel, abbé de Saint-Chéron et poète de la cour de François Ier, qui en fait son secrétaire. Ce premier poste l'amène à fréquenter à son tour la cour, où il rencontre quelques éminents personnages de l'époque.
Son protecteur meurt en 1553. Olivier de Magny s'attache alors à Jean de Saint-Marcel, seigneur d’Avanson, qui l'emmène à Rome en 1555 au cours d'une mission diplomatique auprès du Saint-Siège. C'est pendant ce voyage qu'il rencontre à Lyon Louise Labé, dont il tombera amoureux. En 1557, il retourne en France où, le 31 mai 1559, il est nommé au poste envié de secrétaire du roi, fonction qu'il exercera jusqu'à sa mort.

mardi 7 août 2012

EDITH LAGOS (en espagnol)


ESPAGNOL :

ODA A EDITH LAGOS

“No, jamás muere,
aquel que muere por la Libertad”

Sabiduría Popular.

“El mayor de los crímenes de los políticos,
es el desprecio al pueblo”

Athanase Vatchev de Thracy

¡Viva, siempre viva tú vas, el rostro luciente,
la divina libertad acompaña tus pasos
en las montañas verdecidas que el codicioso Estado
ha transformado en morgues, en ríos sangrantes!

¡Lis, flor apenas florecida, tú osaste desafiar
la avidez feroz de las fieras peruanas,
quisiste vengar los crímenes diarios
contra tu pueblo heroico, exagüe, humillado!

¡Tu sangre ahora es manantial, semilla, imperio de luz,
centella que hace temblar las sombras de los tiranos,
tempestad majestuosa, tormenta terrífica

que barre ferozmente las cadenas de los esclavizados!
¡Tú, amparo celeste, espada de los menospreciados,
Edith del futuro, Antorcha de los oprimidos!

Edith Lagos (1962-1982) una de las más célebres combatientes peruanas contra las sórdidas desigualdades, donde todo pertenece a un 5% de ricos, poderosos y arrogantes. En setiembre de 1982, Edith Lagos, combatiente del Partido Comunista del Perú, muere en combate cerca a la zona apurimeña de Uripa. Ella sólo tenía 19 años cuando una ráfaga de metralleta le atravesó la ingle, mientras defendía la retirada de un grupo de propaganda armada. Hacía poco que había escapado, con un número indeterminado de presos políticos, de la cárcel de Huamanga-Ayacucho, en medio de una acción armada del PCP.
A pesar de que su funeral fuera declarado ilegal por el Estado peruano, más de treinta mil personal asistieron a este grandioso evento. Su ataúd estaba cubierto con una bandera roja de seda.
Hoy, poemas, canciones, pinturas, esculturas celebran la memoria de Edith Lagos a lo largo y ancho del Perú.

M'ENDORMIR


M’ENDORMIR

A Alejandro Nojaev

Traverser l’été et ses roses
Les mains pleines de lucioles et de brises,
Le cœur empli du vertige flottant
Des jours solennellement bleus.

Flûtes où les vents délicieux promènent
Leur ardente tendresse,
Abeilles, tiges et calices
Unis dans le suave murmure de l’air mauve.

Penser aux amis chers,
Ecouter le va-et-vient des ailes de velours,
Puis, l’âme enivrée
De paroles voluptueusement pures,
M’endormir
Sous les feuilles transparentes
Des peupliers et des trembles.

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 6 août 2012

lundi 6 août 2012

EDITH LAGOS



ODE À EDITH LAGOS

« Non, jamais ne meurt
Celui qui meurt pour la Liberté »

            Sagesse populaire

« Le pire des crimes des politiciens, c’est de mépriser le peuple »

            Athanase Vantchev de Thracy


Vivante, toujours vivante, tu marches, la face brillante,
La Liberté divine accompagnant tes pas
Dans les montagnes virides que le cupide Etat
A transformé en morgues, en  rivières sanglantes !

Lys, fleur à peine éclose, tu as osé braver
L’avidité féroce des fauves péruviens,
Tu as voulu venger des crimes quotidiens
Ton peuple héroïque, exsangue, humilié !

Ton sang est source, semence, empire de lumière,
Éclair qui fait trembler les ombres des tyrans,
Tempête majestueuse, orage terrifiant

Qui férocement balaient les règles ancillaires !
Toi, rempart céleste et glaive des méprisés,
Edith de l’avenir, Flambeau des opprimés !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 5 août 2012

Glose :

Edith Lagos ( 1962 - 1982) : une des plus célèbres combattantes péruviennes contre les sordides exactions des dirigeants d’un pays où tout appartient à quelques 5% de riches puissants et arrogants. En septembre 1982, Edith Lagos est capturée et assassinée par l’armée péruvienne. Cette immortelle héroïne, à peine âgée de 19 ans, meurt lors de l’attaque de la prison d’Etat d’Ayacucho.  Bien que ses funérailles aient été déclarées illégales par l’Etat, plus de 30 000 personnes assistèrent à cette grandiose cérémonie.

Aujourd'hui, des poèmes, des chansons, des tableaux, des sculptures célèbrent la mémoire d'Edith Lagos.

Viride (adj.) : du latin viridis, « vert ».  Vert un peu sombre, mais soutenu.

Tyran (n.m.) : du grec τύραννος / túrannos, mot d'origine lydienne appliqué pour la première fois au VIIIe siècle av. J.-C. au roi lydien Gygès par le sophiste Hippias d’Elis. Individu disposant d’un pouvoir absolu. C'est un homme qui s'empare illégalement ou illégitimement du pouvoir, le conserve au mépris des lois et fait régner la terreur. Autocrate, dictateur.

Ancillaire (adj.) : du latin ancillaris, de ancilla, « servante », diminutif de ancula « petite bonne), féminin de anculus.  Les règles ancillaires sont les règles qui tiennent le peuple en esclavage.


dimanche 5 août 2012

INCANTATION BLEUE


INCANTATION BLEUE

La belle lune de juillet
Lance en souriant
Ses banderilles de platine empennées
Sur nos cœurs.  

Emerveillés,
Immobiles sur l’herbe endormie,
Nous écoutons
Les rauques cantates des grenouilles
Et des cigales !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 5 août 2012

Glose :
Incantation (n.f.) : chant, mélopée. L'incantation est une « invitation » : le préfixe in donne l’idée d'entrée, de venue « par le chant », et le verbe cantare. Elle peut être laudative, car elle s'adresse à une puissance supérieure, et/ou impérative, si le magicien croit commander aux forces occultes plutôt que d'implorer leur bienveillance. Elle fait beaucoup appel à des langues mortes. Enfin, elle est souvent répétitive, la répétition étant censée renforcer son pouvoir occulte. Dans le vocabulaire de la magie, l'incantation est la composante orale d'un acte surnaturel : le magicien prononce des paroles magiques qui vont l'aider à transgresser les lois de la réalité.

Empenné, e (adj.) : flèche garnie d’une empenne. Empenne (n.f.) : talon d’une flèche muni de plumes qui assurent la stabilité et la direction. Synonymes : ailé, emplumé. Du latin pinna, « plume, aile » dont penna « plume, aile, flèche, plume de l’écrivain » est une variante.

JOVALDO (en espagnol)


ESPAGNOL :

ODA A JOVALDO

« Miradme,
Miradme detenidamente:
yo soy vuestra figura en el espejo. »

        José Valdivia Domínguez
       JOVALDO

I.

¡No mueras mi amado hermano,
no, no mueras!
¡Reposa tu cabeza de arcángel en mi corazón, hermano,
repósala en mi alma!
¡Que los latidos de mis venas carmesíes,
como tus palabras vibrantes de fe,
te devuelvan el vigor matinal de las altas montañas del Perú,
que ellos te envuelvan con su terciopelo verde
tu cuerpo primaveral tejido de jacintos y de primaveras
y de leyendas rosas como el límpido rostro de la aurora!

II.

¡No mueras, mi amado hermano,
no, no mueras!
¡No dejes que la yedra de la pesadumbre se ligue a la yedra de la tristeza!
Los gritos plenos de esperanza
de aquellos que caen asesinados
en las fraternales fosas de los serenos senderos campestres
donde les aguardan la blancura nevada de las margaritas
y los virginales olores de las yerbas diminutas;
desellen las tenebrosas noches
y rompan la simplicidad frágil del universo
arrebolado de emoción.

III.

¡Como tú, amado hermano,
yo no poseo por todo bien
sino mi fe líquida en la cristalina pureza de tu pueblo!
¡Te ofrezco, en solemne regalo con la plenitud de mi joven ternura,
estos ralos tallo de rosas blancas
cortados en un alto jardín lujurioso
de tu patria martirizada!
¡Pongo en tus cabellos ondulantes
algunas magnolias iridiscentes,
una rama frágil de pimentero perfumado
y de moradas flores de eupatorio!
¡No mueras, mi amado hermano,
no, no mueras!

IV.

¡Ah, os convoco a mi ayuda,
divinidades sublimes de Roma:
Aius Locotius, dios, trae la palabra,
Aecetia, diosa pronta a la equidad,
Promitor, generoso dios que hace crecer a las plantas,
y a ti Vallonia, diosa de los valles!
¡Jovaldo, mi compañero de lira,
abre aún tus ojos una vez más,
tus bellos ojos como el verano en un día de gran fiesta!
¡Afuera, amigo de mi feroz pena, afuera
el cielo es tan azul que uno puede morir de gozo;
y las cimas son tan verdes y tan altas,
que se puede sofocar de tristeza!
¡Abre tus ojos de esmeralda
y mira:
el alba amiga se despierta, ornada de diamantes de rocío,
ella es suave como el amarillo plumón de alegres canarios!
¡Por ti se dilatan sobre las elegantes colinas
las ardientes amapolas de El Frontón:
En sus pétalos bulle y corre
la sangre verdadera, la sangre lilial,
la sangre sedosa de tu pueblo!

V.

¡Es por ti que los fieles paros
vierten, ocultos en el follaje de arbustos odorantes,
el exceso de amor de sus gargantillas armoniosas!
¡Son para ti, mi héroe antiguo,
los cánticos de los rayos del joven sol
que nace de la espuma de olas friolentas!
¡Abre, por favor, tus grandes pupilas de brasa,
calienta mi alma desnuda, mi alma
que viene de roturar los largos velos de gaza negra
que recubrían su áspera soledad!
¡Compañero de mis erranzas,
haz que los maravillosos amaneceres
de nuestra miserable infancia, vuelvan
llenos de contento y gracia!

VI.

¡Si te vas, mi amado hermano, yo sé,
Tú vivirás en la más clara estrella del Perú!
¡Ah, Jovaldo,
Jovaldo,
que sean malditos para la eternidad,
tres veces malditos, siete, diez mil veces,
tus crueles asesinos!
¡Lloro, pues mi corazón de niño
no tiene suficiente odio para ahogar
en los abismos mefíticos
a eso demonios desencadenados!
¡Gimiendo, yo doy curso, Jovaldo,
al feroz furor
de Orcus y de Febreuus, sanguinarios dioses,
reyes de torturas infernales!
¡Ven, venga mi adorado hermano,
tú, Endovellicus,
dios tutelar de los Hispaniens.

VII.

¡Duerme un poco, mi hermano,
un poco duerme en mis brazos!
¡Deja a mi voz cándida glorificarte,
permite a mi poesía vestirte de las más bellas palabras
de todas las lenguas de la tierra!
¡No te vayas
antes de que tu pueblo lítico
no te erija una inmensa catedral
de ladrillos de amor transparente
y no la rodee de verdes prados
de floración inagotable!

VIII.

¡Ah, corales suntuosas de los ríos del Perú,
insondables voces de montañas de basalto azul,
voces donde le es grato bañarse al gran cielo de América,
voces donde los grandiosos veranos hacen madurar al pan,
suaves a los labios de los hombres de paz!
Voces donde crece el cáñamo de agua de flores rosas,
melodías que hacen florecen tan bien al esbelto maíz de oro,
corazones peruanos donde estremece,
bajo el acre y suave aliento del otoño, el blanco álamo,
palabra de la fe divina,
donde la pena de los seres heridos
se unimisman a las penas de los riachuelos.
¡No, no muereas mi amado hermano,
no, no mueras,
deja abiertas las puertas de los cielos!


Athanse Vatchev de Thracy

París, julio de 2012.

José Valdivia Domínguez (Jovaldo), poeta y animador cultural peruano, combatiente del Partido Comunista del Perú, fue salvajemente asesinado por los esbirros del presidente Alan García Pérez en El Frontón el 18 de junio de 1986, junto a cerca de 340 comunistas y luchadores sociales de otras dos prisiones. El Frontón es una isla situada frente a las costas de El Callao, puerto de Lima, muy conocida por haber servido de prisión. 

Traduit en espagnol par le grand poète péruvien Feliciano Mejia Hidalgo

jeudi 2 août 2012

PASTOURELLE MEDIEVALE


PASTOURELLE MEDIEVALE

À Dona Amati

« Lei non ha colpa se è bella,
se la luce accorre al suo volto… »
(« Elle n'est pas à blâmer si elle est belle,
Si la lumière se hâte d'illuminer son visage...)

            Dona Amati

Le soir essentiel descend dans mes prunelles
Comme une chanson antique qui fait frémir le cœur,
Dehors les hirondelles épellent avec ardeur
Tes strophes impériales, ton âme sempiternelle.

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 1 août 2012

Glose :

Pastourelle (n.f.) : petit poème pastoral du Moyen Âge qui a pour thème l'amour d'une bergère.

Dona Amati (1916-1986) : poétesse et pianiste italienne. Une des plus pures et des plus fascinantes voix de la poésie italienne.

JOVALDO


ODE À JOVALDO

« Miradme
Miradme detenidamente:
Yo soy vuestra figura en el espejo. »

« Regardez-moi
Regardez-moi bien:
Je suis votre silhouette dans le miroir. »

José Valdivia Dominguez (Jovaldo)

I.

Ne meurs pas, mon frère aimé,
Non, ne meurs pas !

Pose ta tête d’archange sur mon cœur, mon frère,
Pose-la sur mon âme !

Que les battements de mes veines cramoisies
Comme tes paroles vibrantes de foi
Te rendent la matinale vigueur des hautes montagnes du Pérou,
Qu’ils enveloppent de leur velours vert
Ton corps printanier tissé de jacinthes et de primevères
Et de légendes roses comme la face limpide de l’aurore !

II.

Ne meurs pas mon frère aimé,
Non, ne meurs pas !
Ne laisse pas le lierre du chagrin se lier au lierre du chagrin !

Les cris remplis d’espérance
De ceux qui tombent assassinés
Dans les fraternels fossés des sereins sentiers champêtres
Où les attendent la neigeuse blancheur des marguerites
Et les virginales senteurs des herbes folles,
Descellent les nuits ténébreuses
Et rompent la fragile simplicité de l’univers
Flamboyant d’émoi !

III.

Comme toi, mon frère aimé,
Je ne possède pour tout bien
Que ma foi liquide dans la cristalline pureté de ton peuple !
Je t’offre en cadeau solennel la plénitude de ma jeune tendresse,
Ces quelques tiges frémissantes de roses blanches
Cueillies dans un haut jardin luxuriant
De ta patrie martyrisée !

Je mets dans tes cheveux ondoyants
Ces quelques magnolias étoilés,
Une branche fragile de poivrier parfumé
Et des fleurs mauves d’eupatoires !

Ne meurs pas, mon frère aimé,
Non, ne meurs pas !

IV.

Ah, je vous convoque à mon aide,
Sublimes divinités de Rome :
Aius Locutius, dieu amène de la parole,
Aecetia, déesse toujours prompte de l’équité
Promitor, dieux généreux qui fait pousser les plantes
Et la riante Vallonia, déesse des vallées !

Jovaldo, mon compagnon de lyre,
Ouvre encore une fois tes yeux
Beaux comme l’été un jour de grande fête !

Dehors, ami de ma peine féroce, dehors
Le ciel est si bleu qu’on peut en mourir de joie
Et les cimes si hautes et si vertes
Qu’on en suffoque de tristesse !

Ouvre-les, tes yeux d’émeraude
Et regarde,
L’aube amie se lève, ornée de diamants de rosée,
Elle est douce comme le jaune duvet des joyeux canaris !

Pour toi s’épanouissent sur les collines élégantes
Les coquelicots ardents d’El Fronton :
Dans leurs pétales bouillonnent et courent
Le sang vrai, le sang lilial,
Le sang soyeux de ton peuple !

V.

C’est pour toi que les fidèles mésanges
Versent, cachées dans le feuillages des buissons odorants,
L’excès d’amour de leurs petites gorges harmonieuses !

Sont pour toi, mon héros antique,
Les cantiques des rayons du jeune soleil
Qui naît de la mousse des vagues frileuses !

Ouvre, je te prie, tes grandes prunelles de braise,
Réchauffe mon âme nue, mon âme
Qui vient de déchirer les longs voiles de crêpe noire
Qui recouvraient sa cinglante solitude !

Compagnon de mes errances,
Fais que les merveilleuses matinées
De notre misérable enfance reviennent
Pleines d’aisance et de grâce !

VI.

Si tu pars, mon frère aimé, je sais,
Tu habiteras la plus claire des étoiles du ciel du Pérou !

Ô, Jovaldo,
Jovaldo !
Qu’ils soient maudits pour l’éternité,
Maudits trois fois, sept fois, dix mille fois
Tes cruels assassins !

Je pleure, parce que mon cœur d’enfant
N’a pas assez de haine pour noyer
Dans les abîmes méphitiques
Ces démons déchaînés !

Sanglotant, je les livre, Jovaldo,
A la féroce fureur
D’Orcus et de Februus, dieux sanguinaires,
Rois des tortures infernales !

Viens, venge mon frère adoré,
Toi, Endovellicus,
Dieu tutélaire des Hispaniens !  

VII.

Dors un peu mon frère,
Dors un peu dans mes bras !

Laisse ma voix candide te glorifier,
Permets à ma poésie de te vêtir des plus beaux mots
De toutes les langues de la terre !

Ne pars pas
Avant que ton peuple lithique
Ne t’érige une immense cathédrale
De briques d’amour transparents
Et ne l’entoure de vertes prairies
A la floraison inépuisable !

VIII.

Ô chorales somptueuses des fleuves du Pérou,
Voix insondables des montagnes de basalte bleu,
Voix où aime se baigner le grand ciel d’Amérique,
Voix où les étés grandioses font mûrir le pain
Doux aux lèvres des hommes de paix !

Voix câlines où pousse le chanvre d’eau à fleurs roses,
Mélodies qui fleurent si bon le svelte maïs d’or,
Cœurs péruviens où frémit
Sous l’haleine ocre et douce de l’automne le peuplier blanc,
Parole de la foi divine
Où le chagrin des êtres blessés
Se mêle au chagrin des ruisseaux.

Non, ne meurs pas, mon frère aimé,
Non, ne meurs pas,
Laisse ouverte la porte du ciel !

            Athanase Vantchev de Thracy

Paris, juillet 2012

Glose :
José Valdivia Dominguez (Jovaldo) : poète et chanteur péruvien, membre du Parti Communiste du Pérou. Il fut sauvagement assassiné par les sbires incultes du président Alan Garcia à El Fronton le 18 juin 1986. El Frontón est une île située au large de Callao, au Pérou, surtout connue pour avoir servi de prison.
Eupatoire (n.f.) - Agrimonia eupatoria : plante herbacée vivace de la famille des Rosacées. La tige, velue, rougeâtre, non ramifiée était utilisée pour ses propriétés tinctoriales (teinture jaune d'assez bonne qualité). Les fleurs sont jaunes, assemblés en grappes terminales s'élevant jusqu'à 80 cm du sol.
Méphitique (adj.) : du latin mephiticus, dérivé du mot mephitis, « puanteur sulfureuse », probablement inspiré par Mephitis, déesse romaine des exhalaisons pestilentielles. Qui sent mauvais et qui est toxique. Un gaz méphitique. Synonymes : fétide, nauséabond, pestilentiel, puant.

Lithique (adj.) : du grec ancien λιθικός / lithikós , « de pierre, pierreux »,  de λίθος / lithos,  « pierre ».
Basalte (n.m.) : roche volcanique issue d’un magma refroidi rapidement au contact de l'eau ou de l'air. C'est le constituant principal de la couche supérieure de la croûte océanique. Le mot basalte est emprunté du latin basaltes, lui-même probablement dérivé d'un terme éthiopien signifiant « roche noire ».