vendredi 28 novembre 2008

L'EPITAPHE DE MANO DAYAK

L’EPITAPHE DE MANO DAYAK

« Les confidences n’ont d’échoQue pour nos cœur »

Alioune Badara Coulibaly

Ici repose le corps de Mano Dayak,
A présent, le sable est sa patrie éternelle.
Mais, éminemment immortelle, son âme voyage la nuit
Avec les lentes caravanes des étoiles
D’éternité pure en éternité pure.

Des grêles gouttelettes de rosées viennent à l’aube
Rafraîchir l’ardeur de ses lèvres.
Les larmes de son peuple aimé
Continuent à hanter, de saison en saison, son esprit.

Les guimbardes des jeunes bergers,
Anges hâlés errant entre terre et ciel,
Rendent plus léger le fardeau de son linceul de silex !

Concassant les joyeux grains de mil,
Faisant danser au vent,
Avec une élégance saisissante, le fonio,
Attisant les bûches du foyer,
Les femmes antilopes habillent de soie transparente
Son nom, cher aux hommes et aux dieux !

Le soir, à travers le désert sentant la fraîcheur,
Djembés, balafous, koras et ngoni
Ressuscitent dans la chair des splendides Touareg
La robuste, la coriace soif de liberté.

Puisse-t-elle la bure blanche de ma poésie,
Celle que j’ai endossée depuis ma trébuchante enfance,
Protéger de son ombre hymnique
Sa tombe du feu charnel du soleil !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 27 novembre 2008

Glose :

Mano Dayak (1949-1995) : entrepreneur touareg du Niger, l’un des chefs de la rébellion des années 1990. Les Touareg sont des Berbères (Imazighen). Il est né dans la vallée de Tidene, au nord d'Agadez, et appartient à la tribu des Ifoghas, originaire du Mali voisin. A l'âge de 10 ans, il suit avec réticence les cours de l'école française nomade d'Azzel. Mais avec le temps, Mano Dayak prend goût aux études et continue sa scolarité au collège d'Agadez avant de partir travailler à Niamey. A 20 ans, il part aux Etats-Unis où il poursuit ses études (bac et études supérieures) entre New York et Indianapolis, tout en travaillant. En 1973, il arrive à Paris et s’inscrit à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Il se marie avec Odile qui lui donne deux fils : Mawli (ou Maoli) et Madani.

De retour au Niger, Dayak devient guide dans le désert, salarié d'une agence de voyages française. Plus tard, il fonde sa propre agence de tourisme Temet Voyages, qui devient la plus importante d’Agadez. Il a ainsi contribué efficacement à l'essor du tourisme dans la région. Il a également participé à l'organisation du rallye Paris-Dakar, devenant proche de Thierry Sabine, et à l'organisation de films tels que Un thé au Sahara de Bernardo Bertolucci.

En tant que leader de la CRA (Coordination de la Résistance Armée), Mano Dayak devient l'un des principaux chefs de la rébellion touarègue des années 1990, au même titre que Attaher Abdoulmomin, chef du Front de Libération du Nord Niger, Rhissa ag Boula du FLAA (Front de Libération de l'Aïr et de l'Azawak) et Mohamed Anako de l'UFRA (Union des Forces de la Résistance Armée).

Le 15 décembre 1995, il doit rencontrer le président nigérien Mahamane Ousmane et embarque à bord d'un avion affrété par un chargé de mission du gouvernement français en compagnie d'un journaliste, Hubert Lassier, et deux autres chefs de la rébellion touarègue, dont Hamed Ahmed ag Khalou et Yahaha Willi Wil. Mais juste après son décollage, l'avion s'écrase. Tous ses passagers sont tués.

Cet accident tragique a contribué à forger sa légende, et il est aujourd'hui connu comme celui qui a rappelé au monde l'existence et la souffrance du peuple touareg. Son charisme lui a valu l'amitié et l'admiration de nombreuses personnalités telles que Bernardo Bertolucci, Jean-Marc Durou, etc.

En 1996, un artisan touareg nommé Assaghid a créé en son honneur un bijou sur le modèle des croix des tribus du Niger, bijou qui reste le symbole de la rébellion.

L'aéroport d'Agadez porte aujourd'hui son nom. Dans leur dernier album intitulé Aman Iman, les Tinariwen lui rendent un vibrant hommage.

Sa modeste tombe, toute blanche, se trouve près de Tidene, au sud de l'Aïr.

Fonio – Digitaria exilis – (n.m.) : plante annuelle herbacée de la famille des Poaceae (Graminées) cultivée pour ses graines. Le fonio est une céréale mineure, qui n’a d’importance économique que dans quelques régions d’Afrique occidentale. La récolte annuelle dans ces régions est de l'ordre de 260 000 tonnes.

Djembé (n.m.) : instrument de percussion africain composé d'une pièce de bois en forme de calice recouverte d'une peau de chèvre ou d’antilope et d'un système de tension (corde, anneaux métalliques) que l'on joue à mains nues et dont le spectre sonore très large génère une grande richesse de timbre. La forme évasée du fût viendrait de celle du mortier à piler le grain.

Cet instrument vient de l’Empire mandingue (Afrique de l’Ouest), fondé par Sundjata Keïta au XIIIe siècle, qui s'étendait de la Guinée à l’est du Mali, et au nord de la Côte d’Ivoire en passant par le Burkina Faso.

C'est dans les années 1950 que le djembé commence à s'exporter en dehors de l'Afrique, grâce à Fodéba Keïta et les ballets africains, puis grâce à la Guinée et son président Sekou Touré, qui érige le ballet national de la république en vitrine de son régime.

C'est dans les années 1980 que le djembé conquit le monde, grâce à de grands djembefola (joueurs) issus des ballets nationaux (Mamady Keïta, le plus connu d'entre eux, mais aussi Amadou Kiénou, Famoudou Konaté, François Dembélé, Adama Dramé, etc.) qui jouent régulièrement et ont fondé des centres d'apprentissage en Europe, aux Etats-Unis et au Japon.

Balafou, balafo, bala (n.m.) : instrument de musique, Selon le pays, c’est soit un tambour, soit un sablier, soit une trompette en bois.

Kora (n.f.) : instrument de musique africain à cordes. C'est une harpe-luth mandingue (Mali, Sénégal, Gambie, Guinée, Sierra Leone, etc.) Selon la légende, la kora fut découverte par un grand chef de guerre, Tira Maghan, qui la donna à un de ses compagnons griots, Djelimaly Oulé Diabaté. La première kora est l’instrument personnel d’une femme-génie qui vivait dans les grottes de Kansala en Gambie. Tira Maghan, impressionné et ému par la musique de l’instrument, décida d’en déposséder la femme-génie. Aidé de ses compagnons de chasse, Waly Kelendjan et Djelimaly Oulé Diabaté, il récupéra l’instrument et l’offrit à Djelimaly le griot. Djelimaly la transmit à son fils Kamba. Ainsi la kora passa de père en fils jusqu’à Tilimaghan Diabaté qui l'introduisit au Mali.

Il ne faut pas la confondre avec d’autres instruments à cordes assez similaires tels le ngoni ou le bolon. La première description de la kora, appelée konting (confondue avec le luth ekonting) par les explorateurs des siècles derniers, évoquait un instrument à 21 cordes.

Bure (n.f.) : du latin populaire bura, lui-même du latin classique burra, « bourre ». Grossière étoffe de laine. Vêtement de cette étoffe porté par les moines.

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