mercredi 29 décembre 2010

LE VERTIGE DU LABYRINTHE

LE VERTIGE DU LABYRINTHE

« Qui n’aime ne vit pas, qui vit
De la Vie ne peut mourir »

Raymond Lulle

Non, je ne veux pas oublier
Ce que je suis en train de nommer
Au risque de charger au-delà du soutenable
Ma sereine mémoire.

Je veux me rappeler,
Oui, je veux garder en moi
Tous les détails de ce matin pur,
Sa lumière, ses nuances claires et distinctes,
Les murmures poly-hymniques
Des tendres feuilles des tilleuls !

Je veux que toutes les splendeurs de l’été
Se mêlent au chant de mon sang,
Vibrent, tressaillent, frissonnent
Et édifient les palais de mes pensées.

Je veux que vivent, persistent,
S’impriment en moi à toujours
Tous les frêles, rapides, inquiets, gracieux
Mouvements des petits moineaux
Venus picorer quelques graines
Dans mon humble jardin.

Je veux que les lettres
De mes poèmes deviennent images
Et les images – des lettres
Afin que je reste à jamais
Le maître cérémonieux
De l’invisible !

Je veux connaître, lire, boire,
Faire miens
Tous les infimes détails
Du Livre quotidien
Que l’Ange, mon éternel ami,
Ecrit sur moi.

Non, mon Ami,
Je refuse d’apprendre
L’Ars oblivionis
Des doctes grammairiens !

Je refuse les couronnes
De choses
Défleuries,
La blancheur des linceuls
Jetés sur le haut savoir !

J’aime les immortelles lueurs
Des poèmes immarcescibles,
L’Arbre scintillant de Porphyre,
Le Vertige des Labyrinthes,
Où chacun de mes mots,
Chacune de mes larmes
Se lient, en chantant,
Aux mots, aux larmes de tous
Les cœurs qui montent
Vers la céleste Mémoire
Des dieux
Depuis
Le premier cri
De l’éternité !

Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 28 décembre 2010

Glose :

Raymond Lulle (Ramon Llull en catalan), né vers 1232 à Majorque, mort en 1316 : philosophe, poète, théologien, apologiste chrétien et romancier. Béatifié par Pie XII en 1419, il est fêté localement le 29 mars.

Lulle est considéré comme l'un des inventeurs du catalan littéraire et l'un des premiers homme de lettres à utiliser une langue néo-latine pour exprimer ses connaissances philosophiques, scientifiques et techniques. On lui attribue l'invention de la rose des vents et du nocturlabe (cadran aux étoiles utilisé par les navigateurs du XVIe au XVIIIe siècle pour déterminer l'heure locale la nuit, calculer le moment de la marée haute et mesurer la latitude.

Bien que lui-même méprisât l'alchimie, un vaste Corpus de textes alchimiques fut écrit sous son nom à partir du XIVe siècle.

Il fut connu en son temps sous les noms de « Arabicus Christianus » (l'« Arabe chrétien »), de « Doctor Inspiratus » (« Docteur inspiré »), « Doctor Illuminatus » (« Docteur illuminé »). Lulle est l'une des figures les plus importantes du Moyen Âge en théologie et en littérature. Il laissa une œuvre immense et variée, écrite en catalan, mais aussi en arabe et en latin.

Certains de ces travaux sont à la base de méthodes d'élections redécouvertes au XVIIIe siècle par Condorcet.

Il naquit en 1232 ou 1233 à Palma de Majorque, capitale du royaume que le roi Jacques Ier d'Aragon venait de conquérir et d'annexer, avec l'ensemble des îles Baléares, à la couronne d'Aragon. Raymond (Ramon) appartenait à la noblesse catalane, venue de Montpellier et qui accompagna le roi Jacques Ier sur sa galère royale lors de la conquête de Majorque. Ses parents étaient Ramon Amat Llull et Isabel d'Erill. Il épousa en 1257 Blanca Picany qui lui donna deux enfants : Domingo et Magdalena.

Il devint très jeune le page du second fils du roi et fut initié aux arts de la guerre. Rapidement les nobles prirent conscience de son intelligence. Il fut nommé précepteur de l'infant Jacques, premier fils du roi Jacques Ier d'Aragon et futur roi de Majorque. Son ascension à la cour fut rapide. Il devint successivement sénéchal et majordome du futur roi Jacques II de Majorque.

Durant les années passées à la cour, il mena une vie mondaine, joyeuse, voire luxueuse et ostentatoire. On lui connut plusieurs amours dont certaines étaient clairement adultères.

À la cour du roi, à Perpignan, il composa le Llibre de la cavalleria, traité des devoirs du parfait chevalier. Il écrivit également des chansons d'amour destinées à être chantées par des troubadours.

Vers 1267, pour ses 30 ans, Raymond affirme avoir eu durant cinq nuits consécutives des visions du Christ en croix. Les impressions profondes provoquées par ces visions eurent pour conséquence de lui faire vendre ses biens et ses propriétés, abandonner sa famille pour se dédier au prêche sur les chemins.

Enfin, il se retira dans un couvent de Monte Randa (Majorque) où il se dédia à la contemplation. Il fut admis comme laïque au monastère cistercien de La Real, où les moines lui apprirent le latin, la grammaire et la philosophie chrétienne et islamique.

Ars oblivionis : la science (l’art) d’oublier qui permet à la mémoire de se débarrasser du savoir inutile. Expression latine forgée par Cicéron.

L’Arbre de Porphyre (en latin Arbor porphyriana) est une ontologie structurée en arborescences hiérarchiques, inventée par le philosophe néoplatonicien Porphyre au IIIe siècle, et dont la logique de construction correspond à trois rangée ou colonnes de mots : la rangée du milieu contient les séries du genre et de l'espèce, et forment l'analogue d'un tronc. Les rangées de gauche et de droite contiennent les différences, et sont analogues aux branches d'un arbre. Ce système de classification permet de subordonner les genres et les espèces sous des genres supérieurs, afin de classifier les espèces réelles, par exemple les espèces animales.

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