mardi 8 décembre 2009

LE PETIT MERLE DE MON JARDIN

LE PETIT MERLE DE MON JARDIN


Il vient tous les matins, très tôt, sous ma fenêtre. Je connais sa voix délicate, menue, déliée. Contente, cette voix enchanteresse s’élance fine et fluette des buissons encore verts. J’aime les mouvements brusques, précipités, inattendus de sa frêle tête. J’observe avec une joie d’enfant ses regards toujours étonnés, perçants, curieux, dont la perpétuelle inquiétude semble vivre et palpiter dans le noir silence de chacune des plumes qui recouvrent son tendre corps.

Comme il m’est cher ce petit corps, si peu de chose devant l’immensité du jour qui se lève et en même égal à l’être entier de l’univers. Cette tendre âme visible, concrète, là, toute en frissons, toute attention, toute égarée dans la frileuse lumière naissante de ce jour d’automne. Je sens les battements invisibles de ce minuscule cœur si craintif et audacieux, si lourd et léger.

Le petit merle. La beauté n’est nullement dans le mot qui le nomme, lui, l’insignifiant oiseau, mais dans cet exquis sentiment d’amour avec lequel je le prononce. Ce petit merle est le monde. Il est tous les merles, toute la lumière, tout le ciel, tous les buissons. Il est moi devenu regard de tendresse et d’admiration. Oui, il est tous les merles qui, depuis mon enfance, ont chanté en moi, ont fasciné mes yeux, ont rendu plus amicale la main du matin sur mon épaule. Il est la totalité inépuisable de la vie, aussi pleine, aussi magnifique et importante que Dieu lui-même. Il est la fraîche, l’innocente expression de ma joie.

Toutes mes pensées accompagnent le petit bec de mon ami matinal qui cueille, écoutant anxieusement le bruissement des secondes, les dernières graines mûres de la vigne vierge en train de perdre ses feuilles d’or rouge, dévoilant lentement la grise nudité du haut mur en face. Un horizon hier encore vert, superbement vivant, infiniment beau. Un univers intime qui change peu à peu de substance. Chaque feuille qui tombe est comme une note de musique qui subitement se tait et donne à la mélodie du temps une nouvelle sonorité. Le temps, subtilement entré dans cette voix pour cesser un instant plus tard d’être.

Comme j’aime toute cette simplicité de l’instant qui me permet d’être en liaison permanente avec tout. Cette voix de l’aube pénétrante qui s’avance à pas de fée dans l’odeur humide de l’automne.


Athanase Vantchev de Thracy

Paris, le 7 décembre 2009

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